Nous ne pouvions qu’être parmi les premiers à saluer les coups de projecteurs, à Paris, sur plusieurs artistes africains ou des diasporas. Afriques Capitales à La Villette, la foire Art Paris Art Fair et son focus Afrique au Grand Palais et Africa Now aux Galeries Lafayette ont rythmé le début d’année. Art / Afrique Le Nouvel Atelier à la Fondation Louis Vuitton est visible jusque fi n août. Dans une dimension plus historique, L’Afrique des routes et Trésors de l’islam en Afrique complètent un paysage artistique où rechercher le mot-clé « Afrique » assure une réponse fructueuse. Dans ce numéro, à travers les regards de quelques artistes exposés dernièrement à Paris, de collectionneurs et de marchands d’art, nous interrogeons les conditions d’exposition, de validation et de circulation des oeuvres des artistes africains. Plusieurs discours médiatiques ont, en effet, rassemblé ces évènements forts différents. Les ont qualifiés de « mode », de « nouvel engouement », d’une Afrique « dans l’air du temps ».
Quel temps ? Celui de « l’expert d’art africain, du marchand d’art africain, du collectionneur d’art africain », répond Eva Barois de Caevel(1). Art Paris Art Fair est une foire destinée à la vente et l’achat. Art / Afrique pour exemple est avant tout la mise en avant du corpus d’un collectionneur. L’étiquette « Afrique » reflèterait alors un caractère plutôt marketing et politique. À l’image aussi de ce qu’a impulsé Touria El Glaoui. En 2012, elle a créé la foire d’art contemporain africain, 1:54, à Londres puis à New York. Écumant les critiques de « ghettoïsation », elle répond : « J’espère qu’un jour la foire n’aura plus besoin d’exister […] car cela signifiera qu’il y a enfin un équilibre entre la visibilité des artistes africains et celle des occidentaux »(2). « Moins de 50 artistes africains circulent dans les évènements internationaux », affirme le curateur et marchand d’art français André Magnin, témoignant toutefois, aux côtés du collectionneur congolais Sindika Donkolo, d’une effervescence réelle, aussi sur le continent.
En 20 ans, il est clair que la visibilité des artistes et de leurs travaux a largement augmenté. Que Paris n’est plus le centre unique de validation, de diffusion et de circulation. Que la diversité des productions des artistes aide à déconstruire les clichés exotisants et rend difficile le déni de contemporanéité. Des réalités que questionnaient en 1997 Chéri Samba : « Quel avenir pour notre art dans un monde où les artistes vivants sont pour la plupart opprimés ?… une seule solution, c’est d’être accepté en France. Il paraît que, un artiste accepté en France est sans doute acceptable partout dans le monde entier. Et qui dit France, dit le musée d’art moderne. Oui mais, ce musée d’art moderne n’est-il pas raciste ??? »(3). Mais il reste du chemin à faire ; la foire AKAA(4) n’en est qu’à ses balbutiements, les rétrospectives d’artistes africains, en solo, demeurent trop rares, leur circulation encore trop restreinte à des « centres » occidentaux. Et il n’est pas vain que Simon Njami, avec Afriques Capitales martèle, face aux étiquettes réductrices, que l’Afrique est plurielle, et que « Africain, je ne sais pas trop ce que ça veut dire. J’ai passé une bonne partie de ma vie à y réfléchir, et je n’ai pas de réponses ». Dans la continuité de l’historique Africa Remix en 2005 – et de l’exposition des Magiciens de la Terre en 1989 – ce curateur décentre le regard. Comme il l’exprimait dans nos pages, nous espérons que cet « engouement bénéficiera aux artistes avant tout ». L’effet de mode, tant vanté au sujet de ces expositions parisiennes d’oeuvres issues du continent ou des diasporas, et l’intérêt certain des publics ne sauraient suffire.
1. IN LA REVUE SOMETHING WE AFRICAN GOT. PRINTEMPS 2017.
2. IN JEUNE AFRIQUE. OCTOBRE 2016.
3. « QUEL AVENIR POUR NOTRE ART ? » , 1987.
4. AKAA, FOIRE D’ART CONTEMPORAIN ET DE DESIGN, LA PREMIÈRE ÉDITION S’EST TENUE À PARIS EN 2016.