Autobiographie d’une esclave

D'Hannah Crafts

Une esclave noire américaine vue de l'intérieur
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Milieu du XIX° siècle, aux Etats-Unis. Alors que se publiait la Case de l’oncle Tom, une esclave noire échappée de frais écrivait la première autobiographie romancée d’une esclave. En 2001, un spécialiste de l’histoire afro-américaine acquiert le manuscrit. Il le publiera en 2002.

 » Ai-je réussi à rendre les aspects si particuliers de cette institution dont la malédiction afflige le plus beau pays illuminé par le soleil ?  » se demande, pour  » la centième fois « , Hannah Crafts dans la préface de son roman.
Car il s’agit d’un roman, le premier écrit par une esclave ayant réussi à s’échapper. À l’époque où La case de l’oncle Tom, écrit par une blanche, dans les années 1850, faisait un malheur aux USA, une Afro-américaine rédigeait une autobiographie romancée. Après avoir fui la Caroline du Nord, elle goûtait la liberté dans le New-Jersey, où s’était établie une communauté afro-américaine, et où elle était devenue institutrice après avoir épousé un pasteur.
En 2001, à New-York, un spécialiste d’histoire afro-américaine achète un manuscrit, dont il établira l’authenticité après une enquête minutieuse, avant de le publier l’année suivante.
La narratrice avait appris à lire dans la clandestinité, et son roman est fortement imprégné des œuvres de Scott et Dickens, rédigé dans le style gothique et sentimental de l’époque, avec des coïncidences trop appuyées et des maladresses de style. Mais c’est avec un réel talent de narratrice, sachant ménager du suspense, des moments d’angoisse qu’elle raconte son odyssée, parsemée de réflexions extraordinaires sur l’esclavage vécu de l’intérieur, si l’on ose écrire.
Elle ne se souvient pas d’avoir été élevée par une personne en particulier, et se sent aussi libre de culture morale que les oiseaux ou les animaux. Personne ne se soucia d’elle avant qu’elle ne fût en âge de travailler : elle fut au service de maîtresses successives, un sort enviable, avant d’être envoyée au rang le plus bas : celui de bête de somme destinée aux plus rudes travaux des champs, ce qui la fait douter de son humanité.  » Ce doit être bien étrange de sentir qu’aux yeux de ceux qui sont au-dessus de vous vous êtes à peine humain, et de redouter que leur opinion ne soit fondée, que vous soyez réellement assimilé à une bête de somme, que les chevaux, les chiens et le bétail aient autant de privilèges et soient probablement vos égaux, voire en sachant plus que vous, que même votre silhouette ne garantisse pas votre appartenance à cet ordre d’êtres supérieurs dont vous offensez la sensibilité délicate.  »
Pour l’avilir encore plus, on va l’obliger à épouser un de ces  » rebuts « , ce qui la renforcera dans sa détermination à fuir, qu’elle justifie ainsi :  » Le mariage, comme bien d’autres bénédictions, était à mon avis conçu pour des êtres libres, une institution que toutes les victimes de l’esclavage auraient dû éviter car elle contribuait à perpétuer le système […]. Je repoussais les liens conjugaux non par manque de cœur, mais parce que je refusais catégoriquement de réduire à l’asservissement un autre être humain.  »
Elle était soutenue par une foi inébranlable. Et l’on se dit que, pour une fois, Dieu a servi à quelque chose.

Autobiographie d’une esclave / Hannah Crafts / Payot / 330p. / 20 euros.
Publié dans le n°50 du Gri-gri international, 23 février 2006.///Article N° : 4337

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