Boukar Doumbo : griot, historien-conteur et laudateur de l’élite au Nord-Cameroun1

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Analphabète, comique et bon vivant, Boukar Doumbo fut le griot adulé de l’élite dont il chanta les louanges tout au long de sa vie. Sa voix aiguë et porteuse, sa spontanéité et l’ingéniosité de ses compositions constituèrent son capital. Il était de toutes les grandes manifestations, lui donner était un geste de grandeur, l’entendre chanter éloignait momentanément les uns et les autres de leurs soucis professionnels ou conjugaux. Boukar Doumbo était en lui-même un patrimoine. Le répertoire qu’il laisse à la postérité est une œuvre immense. Mais nombreux sont ceux qui ne pardonnèrent pas à Boukar Doumbo d’  » avoir changé de camp  » en chantant les louanges du président Paul Biya, successeur de Ahmadou Ahidjo auquel l’opposa une crise de succession. Sa fidélité aux dirigeants en poste fut une attitude réaliste qui lui permit de revenir sur la scène et de gérer tant bien que mal sa survivance quotidienne de griot, somme toute indigent.

En cette matinée du dimanche 30 janvier 2001, l’atmosphère avait manifestement quelque chose d’inhabituel. En ce temps de l’année où la canicule se repose et qu’un brin de froid vient lacérer le corps, le brouillard était au rendez vous. Les paysans avaient pris le chemin des champs depuis l’aube, les fonctionnaires profitaient du week-end pour faire un peu de sport, les jeunes désoeuvrés convergeaient vers la place du marché pour s’adonner à leur occupation quotidienne : faire des  » commentaires « . Mais ce jour-là, le brouillard était anormalement épais. Le lever du soleil était peu perceptible, prolongeant la torpeur matinale. En fait, au-delà des phénomènes naturels, c’était une chape funèbre qui s’abattait sur Mindif. Boukar Doumbo n’était plus.
Comme une traînée de poudre, la nouvelle se répandit, s’insinuant dans les foyers, tétanisant les vieillards qui, pendant des décennies, avaient savouré la rhétorique comique de ses chansons, endeuillant le village de Mindif qui venait de voir disparaître l’un des plus illustres, sinon le plus connu et reconnu de ses fils. Ce jour-là, ceux qui vaquaient déjà à leurs occupations quotidiennes n’eurent pas le cœur à l’ouvrage. Celles des femmes dont les noces furent agrémentées d’une production de Boukar Doumbo ne purent retenir leurs larmes. Les jeunes célibataires appelèrent sa disparition malchance… La mobilisation que suscita son enterrement au cimetière municipal de Mindif et la présentation des condoléances à la famille furent à la mesure de l’homme : grandioses.
Mindif n’étant pas suffisamment raccordé au réseau téléphonique, les privilégiés qui possédaient un téléphone portable se mirent à la quête d’un coin où la communication était possible. C’est ainsi que les autorités du chef-lieu de département et de la province apprirent le décès du griot. Le commun de ses admirateurs n’en fut informé que lorsque les premières motocyclettes transportant les passagers entre Mindif et Maroua parvinrent à la capitale provinciale. Nul ne demanda qui était ce Boukar Doumbo dont la mort émouvait tant, dont la disparition affligeait tout un chacun indépendamment de son appartenance religieuse et professionnelle, dont l’impact de la révérence éternelle dépassa le simple cadre de son village pour devenir un événement provincial et bientôt national.
De son vrai nom Boukar Mal Adji, l’homme naquit en 1939, à une époque où l’acte de naissance était encore inconnu à Zokolé, village situé à une dizaine de kilomètres de Mindif, où il vit le jour. Faisant fi de la dévotion religieuse de son père, il n’apprit du Coran que ce qui était nécessaire pour faire ses cinq prières quotidiennes et n’ambitionna nullement d’embrasser cette carrière maraboutique à laquelle aurait pu le destiner le métier de son père. Si au stade actuel de la collecte des données relatives à sa jeunesse et à sa formation, on ne peut encore retracer avec exactitude son apprentissage du métier de griot, l’on sait néanmoins qu’il fut un autodidacte surdoué qui ne bâtit son aura que sur le seul timbre aigu et suave de sa voix et sur l’ingéniosité de ses compositions. D’instrument, il n’en jouait aucun, encombrant tout simplement ses mains d’une cithare (moolooru) dont il ne tirait aucun son audible, le frottement des calebasses sur le sol nu et le choeur des membres de son orchestre couvrant le grincement des cordes de sa cithare. Boukar Doumbo était assurément un génie, du genre que l’école occidentale érige en référence. Il en était conscient, car au sommet de son art et chantant à sa propre gloire, il déclama ces vers révélateurs :
Min wiete Boukar Doumbo C’est moi Boukar Doumbo
Faranse mi faamata Le français je ne comprends pas
Ingilisre me faamata L’anglais je ne comprends pas
Hausaare mi faamata Le haoussa je ne comprends pas
C’était sa façon de dire qu’il n’était pas nécessaire d’aller à l’école occidentale ou de connaître une langue précise pour se frayer un chemin dans la vie. Chantant en fulfulde, langue usuelle au Nord-Cameroun qu’il tenait de sa mère et en kanuri qu’il tenait de son père, Boukar faisait aussi appel à ce français d’analphabètes si superbement décrit par Amadou Hampaté Bâ (2). Ainsi produisit-il à la chaîne des chansons dont bien nombreuses sont passées à la postérité grâce à Radio Garoua tandis que d’autres, expression d’une inspiration subite, dorment encore dans les souvenirs de ceux en l’honneur desquels elles furent chantées. De cette œuvre ressortent la richesse et la portée du patrimoine que laisse Boukar – un patrimoine qui n’aura que peu profité à son auteur.
Une œuvre à la gloire de l’élite
La production de Boukar Doumbo se chiffre en centaines de chansons répertoriées ou non. L’artiste était de toutes les manifestations majeures, qu’elles soient publiques ou privées. Nul mariage ou baptême n’était digne de nom, ne rentrait dans la mémoire collective s’il n’avait connu la participation du plus prolifique et du plus adulé des griots de la partie septentrionale du Cameroun. Tel un plat de résistance, sa production était le moment le plus attendu des soirées organisées à l’occasion de la visite des chefs d’Etat étrangers dans le Nord-Cameroun ou lors des tournées administratives. De chacun, il connaissait l’ascendance et le parcours, les cordes sensibles et les compagnons, la progéniture et les compagnes. C’est ainsi qu’il composa des chansons qui, pour laudatives qu’elles fussent, n’en traitaient pas moins des événements majeurs, des moments forts de l’histoire nationale et régionale, des actions des autorités politiques et administratives.
Ainsi en est-il des textes glorifiant la personne et l’œuvre de Ahmadou Ahidjo (1960-1982), premier président de l’Etat camerounais. C’est le cas de la chanson Ahiijo Camaru (Ahidjo du Cameroun). En plus d’être une biographie bien étoffée de l’homme d’Etat, le texte liste ses réalisations en matière de développement économique et de promotion de l’unité nationale, non sans toucher au rayonnement international du Cameroun. L’extrait suivant ressort quelques étapes du processus d’unité nationale.
Permiye zambiye 1960 Le 1er janvier 1960
O ardani ndimu Camaru Il conduisit le Cameroun à l’Indépendance
Permiye octobur 1961 Le 1er octobre 1961
O ardani Camaru didorwa Il présida aux destinées du Cameroun fédéral
1979 O ardani LOIA En 1979 il présida l’OUA
20 mai 1972 Le 20 mai 1972
Camaru fu hawti lattake ngoota Le Cameroun devint un Etat unitaire
Fu yidgo Ahiijo Par la volonté d’Ahidjo
Dans une région alors sous-scolarisée, où l’accès à l’information politique n’était pas à la portée des analphabètes, pareille chanson contribua et contribue encore à la culture politique des populations rurales et à l’éveil de la conscience nationale, même si l’historicité de l’analyse mérite d’être revue. Partagé entre la France et la Grande-Bretagne à la fin de la première guerre mondiale, le protectorat allemand qu’était le Cameroun devint un territoire sous mandat de la Société des nations puis sous tutelle des Nations unies. La partie francophone accéda à l’indépendance le 1er janvier 1960. Suite au plébiscite organisé en février 1961 par les Nations unies dans la zone anglophone, la partie méridionale de cette entité sous contrôle de Londres opta pour la réunification avec la république francophone du Cameroun. Ainsi naquit la république fédérale du Cameroun, laquelle, le 20 mai 1972, se mua en république unie du Cameroun. C’est là une des particularités du Cameroun que d’avoir réalisé son unité certes par le jeu de la manipulation des acteurs politiques et un alignement autoritaire sur les vues du chef de l’Etat, mais ce fut une mutation pacifique. L’unité nationale fut aussi et reste la pierre angulaire de l’action (parfois) et de la rhétorique (souvent) des hommes politiques camerounais, car nulle part ailleurs les vocables paix et unité ne sont aussi récurrents dans les discours. Boukar Doumbo eut la sagacité de s’informer à bonne source et, usant de sa mémoire exceptionnelle, défia bien souvent l’érudition de ceux qui, dans l’auditoire, auraient espéré le voir buter sur quelque date ou événement. Il savait agencer les faits politiques et leurs corollaires économiques, ceci dans une logique patriotique qui plaisait aux dirigeants car elle relayait la propagande du parti unique.
Boukar Doumbo savait qu’en plus de sa stabilité politique (Jam don tabiti Camaru : La paix règne au Cameroun), le Cameroun était fier de sa relative santé économique, en tout cas suffisante pour apparaître aux yeux des investisseurs occidentaux comme un bon risque. Aussi, dans Ahiijo Camaru, il inventoria entre autres les industries de transformation, les moyens de communication (routes bitumées, liaisons aériennes, chemin de fer, navires), les aménagements en matière d’adduction d’eau et d’électricité réalisés dans le cadre des plans quinquennaux de développement qui guidaient la politique économique d’Ahidjo. Puis dans Risku Ahiijo Camaru (Prospérité du régime Ahijo), il résuma sa vision idyllico-dithyrambique de l’homme qui, pour sa gloire, l’avait invité à se produire à son palais à Yaoundé, siège des institutions nationales. Boukar dit ces vers que d’aucuns, passés à l’opposition ou critiques de la gestion des nouvelles autorités camerounaises, reprendront bien plus tard après la démission du président Ahidjo :
Walaa ba Risku Ahiijo La prospérité d’Ahidjo n’a pas de pareille
Walaa ba kuude Ahiijo L’action d’Ahidjo n’a pas de pareille
Walaa ba dawla Ahiijo Le pays d’Ahidjo n’a pas de pareil
Walaa ba caahu Ahiijo La générosité d’Ahidjo n’a pas de pareille
Walaa ba endam Ahiijo L’attention d’Ahidjo n’a pas de pareille
Ahiijo ßesdi Camaru Ahidjo a fait avancer le Cameroun
Ahiijo wo’ini Camaru Ahidjo a embelli le Cameroun
Ahiijo riskini Camaru Ahidjo a enrichi le Cameroun

On se doute bien que la machine du parti unique dans le département du Diamaré auquel appartenait Mindif, s’était ébranlée pour construire cette déification réussie. Pour Boukar Doumbo qui s’était déjà produit devant Ahmadou Ahidjo, être spécialement invité au palais présidentiel était assurément une consécration. Lui-même en était conscient et le traduisit si bien quand, tout en chantant pour Ahidjo, il fit glisser ce vers : Min boo mi laari Yaounde (Moi aussi j’ai vu Yaoundé), comme pour dire qu’il avait atteint le sommet de son art en côtoyant celui qui incarnait le pouvoir suprême.
De ce fait, les échelons inférieurs du pouvoir (ministres, gouverneur du Nord-Cameroun, préfets, sous-préfets, autorités traditionnelles), les commerçants et autres fonctionnaires aisés ressentaient comme une reconnaissance, le fait que Boukar Doumbo chantât en leur honneur, lui qui avait eu le privilège d’être invité par le chef de l’Etat alors que tout autre Camerounais introduisait une demande d’audience. Dans tous les recoins du Diamaré, la nouvelle avait en effet circulé, rapportant en des termes emphatiques le  » besoin  » (haaje) de Boukar Doumbo qu’avait manifesté le président Ahidjo. A son retour de Yaoundé, Boukar devint à proprement parler un notable de la république qui avait un accès diligent à tout et à tous. Ce qui contribua à asseoir son aura déjà fort ancrée dans la région.
L’on dit de lui qu’il savait si bien parler au cœur des femmes, à l’ego des nantis et à la majesté des hommes de pouvoir que dépenser pour lui était devenu un acte d’honneur. De fait, l’élite rivalisait de cadeaux, comme pour figurer dans le peloton de tête de ceux qui avaient le plus donné à  » l’ami du président « . Tandis que ses semblables chauffaient l’auditoire, préparaient l’ambiance, lui venait donner aux soirées tout leur sens et son arrivée coïncidait souvent avec celle de l’élite. D’où les jalousies et les agressions mystiques de ses pairs auxquelles il n’aurait survécu que par une redoutable interaction avec les forces magico-religieuses.
Un titre phare : Gawaan Najeeria
De 1967 à 1970, la république fédérale du Nigeria vécut une guerre civile meurtrière. Sous la conduite de Odumegwu Ujukwu, la partie orientale du pays proclama sa sécession et prit le nom de Biafra. Attaché au principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation édicté par l’OUA et soucieux d’éviter une extension du cas biafrais à la partie anglophone du Cameroun, le président Ahmadou Ahidjo avait apporté son soutien diplomatique au gouvernement fédéral du général Yakubu Gowon et consenti des facilités de mouvement aux troupes fédérales dans le golfe de Guinée. En revanche, le général de Gaulle et nombre de chefs d’Etat de l’Afrique francophone avaient manifesté leur bienveillance envers les sécessionnistes. Yakubu Gowon n’oublia pas l’attitude de son homologue camerounais, une attitude qui, pour réaliste qu’elle fût, n’en contribua pas moins à la préservation de l’intégrité territoriale du Nigeria. D’où la visite officielle qu’il effectua en 1975 à Maroua, alors chef-lieu du département du Diamaré. En marge des travaux inscrits à l’ordre du jour du sommet de Maroua, le comité d’organisation avait prévu des soirées récréatives. C’est lors de l’une de ces soirées que Boukar Doumbo relata sa propre version de l’histoire de la guerre du Biafra dans la chanson suivante.
Gawaan deydey Najeeria Gowon l’homme qu’il faut au Nigeria (3)
Gawaan deydey Najeeria Gowon l’homme qu’il faut au Nigeria
Refrain : Gawaan deydey Najeeria Gowon l’homme qu’il faut au Nigeria
Zeneral deydey Najeeria Le général est l’homme qu’il faut au Nigeria
Refrain : Gawaan deydey Najeeria Gowon l’homme qu’il faut au Nigeria
Saydu yaaya Mayrama Saïdou (4) l’aîné de Maïrama
Mayrama Buuba Falama Maïrama épouse de Bouba Falama (5)
Sey kara yaada be jabre Que calebasses et choeur riment ensemble
Daliila Gawaan Najeeria En l’honneur de Gowon du Nigeria
Onon boo yimbe jodiibe Et vous ici de l’auditoire
Iga gorko moodon e debbo modon Hommes et femmes
Onn nannoobe taawaye wangino Vous aviez appris q’un fléau s’était abattu
Taawaaye wangino Najeeria Un fléau s’était abattu sur le Nigeria
Ujuuku timmini Fulbe Najeeria Ujukwu a exterminé les Peuls du Nigeria
Ujuuku timmini Hausa Najeeria Ujukwu a exterminé les Haoussa du Nigeria
Ujuuku timmini Koole Najeeria Ujukwu a exterminé les Kanouri du Nigeria
Be mbiiyo wayyo no mbatten Ils ont dit :  » Oh mon Dieu ! Qu’allons-nous faire?  »
Luttube kawti sawariiji Les survivants se concertèrent
Be mbiiyo Gawaan walaadon Ils dirent :  » Gowon n’est pas là  »
Be meemi woya, woya meemoyi Gaawan Ils lui téléphonèrent
Daliila Gawaan bo dilli habre Car Gowon aussi était au front
Gawaan wiiyo nde’ite mi waartan Gowon dit :  » Gardez votre calme, je reviens  »
Nyande asawe Gawaan naati nder aviyon Gowon prit l’avion un samedi
Nde o leeri o jippi nder Legos Quand il plana et attérit à Lagos
O laari garnasji kuuwi kuugal Il constata les dégats causés par les grenades
O laaari saare maako balwi Il constata que sa maison était carbonisée
O laari yimbe maako maydi Il constata que tous ses proches avaient péri
Nde o jur?ini o tijji Allah Il s’apitoya et leva les yeux vers le ciel
O wiiyo wayyo no ngadanmi Il dit :  » Oh mon Dieu ! Que vais-je faire?  »
Nde o numti Allah ceniido Puis il se rappela Dieu le Miséricordieux
O meemi woya, meemoyi Ahiijo Il téléphona à Ahidjo
Ahiijo hoo’i sooje sappo neldimo Ahidjo lui envoya dix soldats
Ahiijo wiimo Gawaan dillu Mayduguri Ahidjo lui dit :  » Gowon va à Maiduguri  »
O ?amti sooje maako Il prit des nouvelles de ses lieutenants
Nde o ?amti ngomna Musa Usmanu Quand il demanda Musa Usmanu (6)
Be mbiimo Musa mayaay On répondit que Musa était sauf
Nde o ?amti sooje mako Garba Lengi Quand il demanda Garba Lengi
Be mbiimo Garba mayaay On répondit que Garba était sauf
O ?amti sooje maako Kanar Tijjani Il demanda Kanar Tidjani
Be mbiimo Kanar Tijjani mayaay On lui répondit que Kanar Tidjani était sauf
Ceede maako o ?amti Ali Kotoko A propos de son trésor, il prit les nouvelles d’Ali Kotoko (7)
Be mbiimo Ali Kotoko mayaay On lui répondit qu’Ali Kotoko était sauf
Gawaan wiiyo jottakam mi yetti Allah Gowon dit :  » A présent je rends grâce à Dieu  »
Jonta do Nyamuri riwataa kam À présent les Ibos ne m’évinceront pas du pouvoir
[…]
O nangi laawol o dabbi Borno Il prit le chemin de Borno
Nde o leeri o jippi yolnde Seehu Après son attérissage devant le palais du Shehou
O wiiyo tefoye Seehu Il dit :  » Allez chercher le Shehou  »
Seehu don no joodi nder sifakaare Le Shehou était assis dans une case
Wayyo Seehu war noota Gawaan yaasi Shehou, Gowon t’attend dehors
Seehu wiimo ko daßßititta Shehou lui dit :  » Que cherches-tu ?  »
O wi Seehu yimbe menn timmidi Il dit à Shehou :  » Nos gens ont été massacrés  »
Seehu wiimo Gawaan taata hultor Shehou lui dit :  » Gowon n’aie pas peur  »
Mi woodi innde Allah ceniido J’ai la protection de Dieu-tout-Puissant (8)
Jemma jum’aare mi moptan fukarße Dans la nuit de jeudi à vendredi je réunirai les érudits
Ngam ße njuula be mbala tasba mocca Pour qu’ils veillent en prières et incantations
Seehu mopti fukarße Le Shehou réunit les érudits
Fukarße mbaali tasba mocca Les érudits veillèrent en prières et incantations
Nyande asawe be cenndi sadakaaji Le samedi ils firent l’aumône
Seehu wiimo Gawan dillu habre Le Shehou lui dit :  » Gowon va en guerre  »
Jontado taata nangu balmi Pour l’instant, ne prends aucune arme
Jontado kam ko sawru taata hoyle Pour l’instant, ne prends même pas un bâton
Gawaan wiiyo mi dilli Seehu Borno Gowon dit :  » Je m’en vais , Shehou de Borno  »
Nden ummi, nden dilli habre Alors il se leva et prit le chemin du champ de bataille
Ujuuku don san?gi haato joodi Ujukwu errait et se prélassait
O don’no waali daani Il dormait paisiblement
Gawaan wangi ße eewi konu man Gowon apparut à la tête de ses hommes
Nden ße njukki Ujuku kaada Alors on avertit Ujukwu le gros mécréant
Debbo maako meemi mo koola ngorga Sa femme lui toucha le gros orteil
Ujuku hannde nde a daanataako Ujukwu aujourd’hui tu n’auras point de répit
O wiiyo debbo habar wangi hande na? Il dit :  » Y a-t-il du nouveau aujourd’hui?  »
Debbo wiimo Gawaan wangi hannde Sa femme lui dit :  » Gowon est apparu aujourd’hui  »
Nde o telbi sooje maako hawti Il ordonna le rassemblement de ses soldats
Soojee nangi garnasji Les soldats s’armèrent de grenades
Sooje tawi garnas ummataako Les grenades étaient inopérantes
O telßi ße nangi Pehemji Il ordonna qu’ils s’armassent de pistolets mitrailleurs
ße ndaari Pehem ummataako Les pistolets mitrailleurs étaient inopérants
O telßi ße ndoggani aviyonji Il ordonna qu’ils sautassent dans les avions
Nde ?e ndaari aviyon ummataako Les avions ne démarraient pas
O telßi ße nangi meteresji Il ordonna qu’ils s’armassent de mitrailleuses
Nde ße ndaari meteres ummataako Les mitrailleuses étaient inopérantes
O telßi ße nangi be nangi muskutonji Il ordonna qu’ils s’armassent de mousquetons
ße ndaari muskuton ummataako Les mousquetons étaient inopérants
Nden sooje doggi naati laynde Alors les soldats s’enfuirent dans la forêt dense
Ujuku ßanti hoore mum eewi ße Ujukwu leva la tête et les aperçut
Ujuku wiiyo debbo warle ndoggen’ma Ujukwu dit à sa femme :  » Fuyons  »
Debbo wiimo ndogga a maayataa na ? Sa femme lui dit :  » Tu t’enfuis, comportes-toi en homme  »
O wii debbo Gawaan waawataako Il répondit à sa femme :  » Gowon est invincible  »
O wii debbo Gawaan timminan en Il répondit à la femme :  » Gowon nous exterminera  »
O nangi debbo o ßiddi her nafki Il s’assura de la personne de sa femme
Daliila Gawaan Najeeria A cause de Gowon du Nigéria
No watta Gnamuri gnaama juldo Comment un Ibo pourrait-il vaincre un musulman ?
Ujuku malawa doggi daraaki Ujukwu le vaurien s’est enfui à toute vitesse
Refrain: Gawaan deydey Najeeria Gowon l’homme qu’il faut au Nigeria
Zeneral deydey Najeeria Le général, l’homme qu’il faut au Nigeria
Gawaan amaana Ahidjo Camaru Homme de confiance de Gowon, Ahidjo du Cameroun
Gawaan amaana Faysal Makka Homme de confiance de Gowon, Fayçal de la Mecque
Gawaan amaana Nimeri Sudan Homme de confiance de Gowon, Nimeyri du Soudan
Gawaan amaana Libi Gaddafi Homme de confiance de Gowon, Kadhafi de Libye
Gawaan amaana Bokasa Bangi Homme de confiance de Gowon, Bokassa de Bangui
Gawaan amaana Muktar Uld Dada Homme de confiance de Gowon, Mouctar Ould Dada
Gawaan amaana Ngarta Tumbalbay Homme de confiance de Gowon, Ngarta Tombalbaye
Tumbalbay maayi semtay Tombalbaye mort avec les honneurs (9)
[…]
No watta Gnamuri gnaama juldo Comment un Ibo pourrait-il vaincre un musulman?
Ujuku doggi daraaki Ujukwu s’est enfui à toute vitesse

Refrain: Gawaan deydey Najeeria… Gowon l’homme qu’il faut au Nigeria.
Chantée devant les chefs d’Etats camerounais et nigérian et toute l’élite politique, administrative et économique dont on imagine la mobilisation à l’occasion de la visite officielle d’un chef d’Etat étranger, Gawaan Najeeria a traversé le temps. En dépit de l’interdiction qui aurait été faite au griot de chanter à nouveau cette composition (10), Gawaan Najeeria fut de toutes les grandes manifestations. C’était d’ailleurs la chanson attendue de tous, celle qui venait clore la soirée. Les hurlements des badauds et les youyou des femmes qui ponctuent la fin de la chanson et dont l’écho est clairement audible dans les enregistrements qui continuent de circuler dans les foyers, témoignent de la virtuosité, de l’ingéniosité et du sens de l’humour dont Boukar Doumbo a fait preuve dans sa propre construction de la réalité que fut la victoire des troupes fédérales nigérianes sur les sécessionnistes biafrais. Au fil des répétitions, Boukar en fit de nouvelles versions, pour le bonheur de son auditoire dont il allégeait considérablement les poches au détour d’un vers nouveau clamant la supériorité des soldats camerounais – Sooje Camaru ßuran’no ujineere : Un soldat camerounais en valait mille – ou de l’énumération des animaux à sacrifier que le Shehou exigea de Yakubu Gowon (coqs blancs, moutons blancs…). Cette chanson, connue dans la partie septentrionale du Nigeria, en particulier dans l’Etat de Sokoto à dominance peule, élargit l’aura du griot-conteur au-delà des frontières nationales du Cameroun.
Icône du changement
L’alternance intervenue à la tête de l’Etat camerounais suite à la démission du président Ahmadou Ahidjo et son remplacement par son successeur constitutionnel Paul Biya le 6 novembre 1982, introduisit une césure profonde dans la vie politique nationale. La crise de succession (11) qui s’en suivit eut des répercussions sur tous les aspects de la vie nationale. L’on se souvient encore, dans un village du Diamaré, que dans la matinée du 6 avril 1984, les techniciens de Radio-Garoua venus enregistrer les chansons des griots de la localité, plièrent promptement leur matériel en apprenant qu’un coup d’Etat militaire conduit par des ressortissants du Nord-Cameroun était en cours à Yaoundé. Des chansons à la gloire de Paul Biya étaient au programme, car il fallait que les textes des mélodies qui sortaient des ondes épousent l’air du temps. La tentative de coup d’Etat ayant échoué, les griots prirent du temps pour s’adapter au contexte nouveau.
Plus que tout autre griot, Boukar Doumbo, parce qu’il était celui qui avait le plus et le mieux chanté les louanges des hommes politiques et des autorités administratives issus de la partie septentrionale du pays, sembla hiberner dans une réserve méfiante. L’évacuation des notables du régime d’Ahmadou Ahidjo des allées du pouvoir tarit sa principale source d’inspiration. Cela se ressentit sur la qualité de ses compositions, lesquelles manquaient de cet humour recherché qui donnait à ses spectacles un alliage de mélodie et de comédie.  » Boukar est fini « , entendait-on se lamenter ceux de ses admirateurs qui l’avaient connu dans les années 1970 et assistaient à l’érosion d’un homme qu’habitait de plus en plus le souci du mil quotidien.
Il fallut attendre le comice agro-pastoral organisé à Maroua en 1986, présidé par le chef de l’Etat camerounais et retransmis pour la première fois sur l’antenne de la Cameroon Television (CTV), pour voir Boukar revenir au-devant de la scène. En effet, sur les cendres de Ahiijo Camaru (12), il composa la chanson Paul Biya Camaru qui est une biographie et des louanges du successeur d’Ahidjo calquées sur le texte dédié à son prédécesseur. Quoiqu’opportuniste, cette sortie fut instrumentalisée à souhait par les hommes du Renouveau (13). Ils la perçurent comme un acte de ralliement d’une voix porteuse de l’image du nouveau chef de l’Etat dans les foyers du Nord-Cameroun. Grâce à la télévision, l’attention et l’admiration que suscitaient la mémoire et le style de ce griot analphabète qui déroulait dans  » son français  » le parcours et les actions de Paul Biya sembla suggérer aux populations de la partie méridionale du pays que la page Ahidjo était tournée et que Paul Biya était entré dans les cœurs des populations du Nord-Cameroun. D’où l’hommage qui lui sera rendu par le ministère de la Culture le 3 février 2001. Justifiant le bien-fondé de la manifestation culturelle organisée à la mémoire de Boukar Doumbo, le directeur artistique du spectacle écrit dans une note d’information :
 » Boukar Doumbo est l’auteur d’un panégyrique remarquablement psalmodié et chanté, composé autour de la biographie du chef de l’Etat, ayant pour titre :  » Paul Biya – Cameroun « . Ce qui lui a naturellement valu le surnom de  » Griot – Paul Biya – Cameroun « . Marginalisé lors des turbulences politiques du début des années 90, par une frange importante du public local, hélas manipulé par certains milieux soi-disant proches de l’Opposition, bruyants et activistes, Boukar Doumbo, malgré les intimidations et les menaces à peine voilées, n’a pas retourné sa veste (beaucoup de griots l’ont fait !). Mieux : il a maintenu le cap, en restant fidèle à son héros : Paul Biya.  »
Quand au début des années 1990 le Cameroun s’ouvrit au multipartisme, plusieurs formations politiques virent le jour. Dans le Nord, la compétition politique opposait particulièrement le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) du président Paul Biya à l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), dirigé par un ressortissant du Nord-Cameroun, Maïgari Bello Bouba, et réputé héritier de l’ahidjoïsme. Chez nombre de ruraux musulmans de la partie septentrionale du pays emportés par la fibre ethnique, religieuse et/ou régionale, l’adhésion à l’UNDP parut aller de soi. La chanson de Biiri Sudan – Camerun warti ban naane : Le Cameroun est redevenu comme autrefois – qui anima la campagne électorale de ce parti, fut perçue comme l’expression du souci de l’UNDP de capitaliser la nostalgie du régime Ahidjo face à la crise économique qui paupérisait les Camerounais depuis le milieu des années 1980. La mobilisation en faveur de l’UNDP et de son leader était quasi-instinctive et émotionnelle. Au tout début des années 1990, l’on ne vendait pas cher la peau du RDPC et de Biya – RDPC waati saadi : Le RDPC a crevé, disait-on – et nombre de griots, pour des raisons diverses, s’en firent l’écho. La rivalité politique ayant pris des allures d’inimitié, on était griot du pouvoir ou griot de l’opposition.
Au départ, Boukar Doumbo se voulut neutre, car il se voulait un laudateur des puissants et non un thuriféraire de faction. Mais l’élite musulmane proche de l’opposition ne l’entendit pas de cette oreille. Taxé de séditieux, voire de traître pour être passé des louanges d’Ahidjo aux louanges de Biya, en clair pour être passé à  » l’ennemi « , on lui barra la voie quand, après avoir fait entendre sa voix de griot dans le sillage des chefs locaux du parti au pouvoir, il voulut faire de même auprès de ceux de l’opposition. L’on rapporte à Mindif que la réponse suivante lui aurait été jetée à la figure :  » Rawaandu wohata jolde didi « , c’est-à-dire  » Un chien n’a pas deux maîtres « . C’est ainsi que Boukar Doumbo, peut-être plus par réalisme que par choix, mit la tenue du RDPC et chanta Paul Biya Camaru à temps et à contretemps, indépendamment des cérémonies, en dépit parfois des rappels à l’ordre de la part de ceux qui n’en voyaient pas l’opportunité dans une manifestation qui n’avait rien de politique.
Téméraire, il persista jusqu’au crépuscule de sa vie.
Un destin de griot
 » In chiefdoms without a strong central military power, claims of political pre-eminence relied more on heredity and noble origin. In many chiefdoms, these claims were articulated by people of griot origin (jeli). Depending on their skills, jeli would work as public praise singers, family historians, counsellors, and confidants and would thus perform crucial tasks of social mediation and reputation management on behalf of their noble patrons (…). Patrons generally compensated griots for their services in the form of « gifts », including food and housing. (14)  »
Ces lignes de Dorothea Schultz résument à souhait les fonctions du griot dans la société malienne. Dans la suite de l’article, l’auteur met en exergue les mutations du rôle social et politique des jeli qui durent s’adapter aux changements politiques intervenus au Mali et tirer partie du développement des moyens médiatiques pour pérenniser, en le modernisant, leur art. Dans toute l’Afrique de l’Ouest, existèrent ces griots attachés aux nobles, dans une relation clientéliste, héréditaire et fort ancienne. A la cour du Bornou par exemple, le Zanna Ngijima, laudateur de la famille royale, et le Zarma Kura, griot-conseiller, étaient des personnages clés de la cour et bénéficiaient d’une rare liberté d’expression. (15) Dans la partie septentrionale du Cameroun de culture soudano-sahélienne aussi, les Laamiibe, souverains précoloniaux devenus auxiliaires de l’administration au lendemain de la conquête coloniale, avaient chacun leur orchestre royal et un chef des griots qui perpétuait et honorait sa lignée toutes les veilles de vendredi. Si à Mindif ce rôle était dévolu à Maï Bouba, Boukar Doumbo, chef de file du genre duumbo, était l’artiste adulé du chef. Sa concession, située à une centaine de mètres du palais lamidal, en dit long sur sa proximité du pouvoir.
Le genre duumbo était assurément fait pour les gens du pouvoir et de l’avoir. Saïbou Nassourou le définit comme suit :
Les chants de duumbo sont en grande majorité constitués des louanges. L’homme entend chanter par le griot son propre nom, le nom de son père, de sa mère et aussi de toute son ascendance connue ; sa profession ; ses qualités physiques et morales. Le griot cite également en magnifiant les amis, les frères et sœurs du griot glorifié ; l’épouse ou les épouses s’il s’agit d’un homme. Pour les femmes, le griot insiste sur les qualités personnelles, la beauté physique et la générosité. (16)
C’est donc dire que Boukar Doumbo resta fidèle à son genre. Contrairement aux griots maliens ou bornouans qui pouvaient se muer en donneurs de leçons ou faire montre de duplicité, il resta élogieux. Son art était le métier qu’il avait choisi, sans héritage mais aussi sans legs. En effet, comme nous le confia un des enfants, il n’initia aucun de ses descendants au métier qu’il pratiquait car, disait-il, mbambu nafata,  » le griotisme ne rapporte pas « . Pourtant, des chefs d’Etat aux autorités politiques et administratives en passant par les chefs traditionnels, les opérateurs économiques et les jeunes mariés, que de liasses de billets de banque ont empli les poches de Boukar Doumbo. Mais comme le suggère éloquemment la profession inscrite sur sa carte nationale d’identité – artiste-cultivateur –, son art ne le mit pas à l’abri du besoin.
Sa main, disait-on, était une passoire. Ses revenus faisaient les frais de son penchant réputé prononcé pour les femmes libres – ajabaa’en -, le jeu de hasard – caca (lire tchatcha) – et les jeux de société du genre cipa (damier traditionnel). Des vingt-et-un enfants qu’il laissa, aucun ne dépassa le cap du collège. Il ne laissa pas non plus un toit à son image. D’ailleurs, en 1999, il fit appel au président Biya pour relever les murs en banco de sa maison en ruines. Sa demande d’aide est une preuve éloquente de l’état d’indigence dans lequel il finit sa vie à Mindif. Ainsi fit-il écrire :
 » Depuis l’aube du Renouveau National, je chante pour notre grand parti du Rassemblement (RDPC), et je suis auteur-compositeur de plusieurs chansons parmi lesquelles le morceau ‘Paul Biya Cameroun’. Aujourd’hui j’ai soixante ans. Aussi, je suis père d’une famille forte de 28 personnes dont 21 sont mes propres enfants. Les 7 autres sont mes aides-griots. L’aide exceptionnelle que je demande par la présente, vise spécifiquement à reconstruire ma concession détruite par les violentes pluies de la saison dernière.  »
L’aide d’un montant de deux millions de francs CFA (environ trois mille euros) que lui accorda le président de la République lui permit de relever la clôture de sa maison et de bâtir trois cases en banco. Juste à temps pour lui éviter la honte posthume de n’avoir pas laissé à ses proches un endroit décent où recevoir les condoléances après sa mort qui intervint un an plus tard.
En définitive, plus qu’un métier, Boukar Doumbo avait la passion de son art qui coulait de source. Patriote et loyal, il resta le griot des gens au pouvoir et un Camerounais amoureux de son pays. Réaliste jusqu’au crépuscule de sa vie, il sut tirer partie de ses accointances avec les acteurs politiques, mais ne put faire de son métier une source d’accumulation dont les effets bénéfiques auraient pu rejaillir sur sa progéniture. Dans un pays où les relations comptent, Boukar ne sut pas exploiter à bon escient les liens qu’il avait tissés. Un champ, 7 bœufs, 5 moutons, 30 gandouras, une bicyclette, tel fut le patrimoine légué à sa famille. Un destin de griot en fin de compte, car au Nord-Cameroun, l’imaginaire collectif sait que le griot et le muezzin sont faits pour vivre et mourir pauvres.

1. La présente étude est essentiellement basée sur les témoignages recueillis auprès des compagnons de Boukar Doumbo, de personnalités du monde politique, des habitants de Mindif et des enfants de Boukar Doumbo. L’observation a été d’un grand apport, nos souvenirs d’enfance étant restés vivaces. Nous avons en outre écouté des dizaines de chansons de son interminable répertoire.
2. A. Hamapaté Bâ, L’étrange destin de Wangrin, Paris, Union Générale d’Editions, 1973.
3. Nous avons transcrit et traduit cette chanson en insistant plus sur l’esprit que la lettre du texte.
4. Compagnon de la première heure de Boukar Doumbo dont il fut le Maaba, l’accompagnateur.
5. Un des membres de l’orchestre de Boukar Doumbo.
6. Gouverneur militaire de l’Etat du Nord-Est devenu plus tard Borno State, dont le chef-lieu est Maiduguri.
7. Homme d’affaires kotoko originaire du Logone Chari dans la pointe septentrionale du Cameroun, installé à Maiduguri depuis des décennies.
8. Ici, Boukar Doumbo fait référence à la réputation qu’ont les Kanouri, fondateurs de l’empire du Bornou et vivant dans les Etats actuels de Borno et de Yobe, de maîtriser le Coran et les usages mystiques qu’en font les érudits de l’islam.
9. Le président tchadien Ngarta Tombalbaye, qui effectua de nombreuses visites au Cameroun, venait de perdre la vie lors du coup d’Etat du 13 avril 1975 qui vit le CSM du général Félix Malloum prendre le pouvoir à N’Djamena. Tombalbaye venait à peine de rentrer d’un séjour au Cameroun. Boukar Doumbo lui avait consacré une chanson. Maayi semtay (Mort avec les honneurs) est une expression que les griots de la plaine du Diamaré emploient pour honorer la mémoire des hommes valeureux, morts les armes à la main.
10. Il se dit en effet que le président Ahidjo aurait été gêné par l’orientation islamophile de la chanson, car aussi bien dans la délégation nigériane que dans celle du Cameroun, nombre de personnalités n’étaient pas de confession musulmane. Pour vraisemblable qu’elle soit, cette assertion ne nous a pas été confirmée dans les témoignages que nous avons recueillis dans le cadre de la préparation de ce texte.
11. Ahmadou Ahidjo ayant pour un temps conservé la présidence du parti dont il prônait la prééminence sur l’Etat, il s’instaura un bicéphalisme à la tête de l’Etat. En 1983 et 1984, deux tentatives de coups d’Etat menées par des proches de l’ancien chef de l’Etat et attribuées à Ahidjo finirent de sceller la rupture entre Biya et Ahidjo.
12. La rupture entre Ahidjo et Biya avait donné lieu à l’extraction de toute référence à Ahidjo. Une sorte d’amnésie collective s’était implicitement instaurée.
13. Ainsi désigne-t-on l’esprit qui guide la politique du président Paul Biya.
14. D. Schultz, « Praise without enchantment : griots, broadcast media, and the politics of tradition in Mali », Africa Today, 44. 4 (1997), p. 445-446.
15. Pour plus d’informations à ce sujet, voir M. Nur Alkali, 1983,  » The political system and administrative structure of Borno xe « Borno » under the Seifuwa Mais « , Bala Usman & Nur Alkali (eds.), Studies in the history of precolonial Borno, Zaria, NNPC.
16. Saïbou Nassourou,  » Les loisirs au village. L’institution de Hiirde des Peuls. Première partie : Qu’est-ce que le Hiirde ? « , Rapport II, 145, novembre 1995, Bibliothèque Ngaoundéré Anthropos, université de Ngaoundéré.
Issa Saïbou est enseignant d’histoire à l’université de Ngaoundéré au Cameroun. Après sa thèse de doctorat/PhD obtenue à l’université de Yaoundé I en 2001 et traitant des conflits et des problèmes de sécurité dans le bassin du lac Tchad au cours des six derniers siècles, il a publié une dizaine d’articles et participé à des conférences et séminaires autour des questions relatives à la paix, à la sécurité et à l’exploitation des ressources naturelles. Ses travaux en cours portent d’une part sur le phénomène du banditisme de grand chemin en Afrique centrale et d’autre part sur la littérature orale et la société dans le bassin tchadien. Dans ce dernier projet, les chants des griots, témoins et observateurs de leur temps, sont remis en contexte pour contribuer à la rédaction d’une vision endogène de l’histoire locale.///Article N° : 3628

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