Un enfant fuit la circoncision. Rattrapé, circoncis et choqué, il écoute les histoires de sa mère : » Raconte, n’aie pas peur pour moi ! » Et la mère raconte une, deux, trois histoires particulièrement contemporaines : les mésaventures des enfants qui harcelaient un montreur de singe de la place Jemma El Fnaa de Marrakech (le mépris pour la tradition qui finit par se mordre le nez), les rendez-vous amoureux sur les remparts où fut tourné Othello d’Orson Welles à Essaouira (ou comment venger Desdémone), le pécheur qui rêve de capturer le monstre ferry-boat dans le détroit de Gibraltar (le drame de l’émigration)
Mais la mère ne peut s’empêcher de pleurer son mari parti émigrer en Europe. Et l’enfant ne pourra résister à la quête du père et à l’émigration.
Quel beau film que celui de Moumen Smihi, qui est loin d’être un nouveau-venu, Chroniques marocaines étant son 6ème long métrage ! La référence à Welles donne une idée de son travail d’abstraction et de retravail du cinéma occidental. Retravail et non copie : les forains de la place Jemma El Fnaa évoquent tout autant le patrimoine culturel marocain que ceux de La Strada de Federico Fellini. On retrouve effectivement dans sa manière de tourner par touches documentaires centrées sur les humains une approche de la réalité proche du néoréalisme italien. De même au niveau du scénario, cette façon de raconter la réalité comme si c’était une histoire, c’est-à-dire de la présenter sous forme de récit et non d’inventer des histoires lui ressemblant. Il en résulte des intentions symboliques un peu surannées qui participent sans doute aussi à la véritable émotion que provoque ce film, tant l’image illustre l’histoire contemporaine du Maroc sans jamais la dire explicitement.
1994-1999, 68 mn, image : Helène Delale, montage : Schéhérazade Saadi, avec Aïcha Mahmah, Tarik Jamil, Miloud Habachi, Soumaya Akaboun, Ahmed S. Soussi, Mohamed Timoud, prod : Art Cam (France), FEMIS, Imago (Maroc), distr. : POM Films (01 49 88 18 42). ///Article N° : 1094