Depuis trois ans, l’hippodrome de Vincennes accueille le Grand Prix d’Afrique : neuf courses qui marquent le partenariat entre le PMU et les loteries africaines. Au-delà de sa forte dimension folklorique, l’événement rappelle l’enjeu économique des paris sur les courses hippiques françaises depuis l’Afrique subsaharienne. Reportage.
Une semaine après le grand prix d’Amérique, course phare du calendrier hippique, l’hippodrome de Vincennes (94) célèbre l’Afrique. Dans un village improvisé, les stands de produits de beauté afro « Mlle Ebene » côtoient ceux d’artisans touarègues, entre lesquels déambulent les candidates à l’élection « Miss Cameroun Diaspora ». Pour cause, le Grand Prix d’Afrique est organisé chaque février depuis 2014 pour sceller le partenariat entre le Pari Mutuel Urbain (PMU) et les loteries nationales du continent. Un rendez-vous construit aussi pour la diaspora africaine, auquel 5000 personnes ont répondu présentes. Se croisent ainsi des parieurs réguliers, indifférents à l’africanité de l’évènement, avec des curieux attirés par son affichage culturel. Comme ce couple franco-camerounais, attablé à un stand du « village africain » : « On a été au courant via Internet. On s’est dit que ce serait l’occasion de profiter des mets africains« . Parieurs occasionnels, lui, joue stratégique, étudiant les cotes avant de miser, lorsqu’elle s’arrête sur les noms des chevaux. Plus loin, trois jeunes filles s’empressent vers une scène à l’air libre, où le rappeur franco congolais Youssoupha fait son show. « Moi ? Je suis venu soutenir Mokobé« , s’enthousiasme un jeune homme brandissant le drapeau malien en l’honneur du pays d’origine de cette autre star du rap invitée. Relayé notamment par la chaine publique sénégalaise RTS, l’événement assume un certain kitch. Près du podium, les danseuses du groupe Cocobamboo, jupes en paille, guêtres zébrées, plumes aux cheveux, avouent « faire dans le tropical », à la demande du TROT, organisateur du « show ». Leur ballet rythme les neuf courses réparties sur l’après-midi, parmi lesquelles le « prix de l’amitié franco africaine « , le « prix de la paix en Afrique », le « prix de la diaspora africaine », et l’éponyme « Grand prix d’Afrique », pour lequel 4 millions d’euros sont en jeu.
Folklore et buisness
« Nous sommes heureux de célébrer le partenariat entre le PMU et le TROT qui se renforce chaque année et qui nous est très bénéfique. Le PMU est notre produit phare« , exprime au micro le délégué de la loterie nationale du Congo. Les représentants de pays d’Afrique subsaharienne se succèdent ainsi après chaque course. Un ton diplomatique derrière lequel se trament des enjeux économiques. Le Grand Prix d’Afrique est en effet depuis trois ans la vitrine des relations entre le PMU et les sociétés de jeux d’Afrique subsaharienne, pour lesquelles les paris sur les courses françaises constituent l’essentiel de leurs recettes. Depuis que le tiercé est arrivé en Afrique au début des années 1990, les sociétés achètent en effet les données sur les courses parisiennes et le PMU a constitué progressivement un monopole sur l’offre des jeux en Afrique subsaharienne. Ainsi, en 2014, les redevances que payent les entreprises africaines de jeux représentent 10 % des revenus du PMU à l’International, soit 727 millions d’euros [ 1 ]. Un marché précieux pour le PMU. Une dépendance, de fait, des sociétés de jeux africaines. Et l’organisation de courses locales ne permet pas de pallier cette situation. Pourtant, dans des pays comme le Sénégal et le Burkina Faso la culture équestre est importante. Ainsi les courses hippiques n’ont aujourd’hui d’africaines que le nom et l’argent en jeu
[ 1 ] « Comment le PMU s’est imposé aux loteries d’Afrique », par Raoul Mbog, Le Monde du 25/02/2015///Article N° : 13500