Dalila, Noailles en militances

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Femme repère pour nombre de familles de Noailles, Dalilia Ouanès est une marseillaise saluée pour son humanisme. Celle qui a fondé l’association Destination Familles, en 2006, rue d’Aubagne, porte la survie d’un des derniers espaces créant du lien social à Noailles. A 60 ans, Dalila nous confie ses inquiétudes sur la transformation d’un quartier promis à renouvellement urbain, et témoigne des besoins criants des personnes qu’elle reçoit, en termes de logement et d’accès aux droits. Un engagement qui se comprend à la lueur de son histoire personnelle, jalonnée de militances.

 

Héritages d’insoumissions

Evoluant dans un cadre familial où être femme, et libre, était synonyme de combat, Dalila s’est frottée toute jeune aux fibres du militantisme. Dans les années 1970, c’est au sein même du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) qu’elle s’engage, marchant pour le droit à l’avortement, accompagnant les femmes de quartiers relégués vers une émancipation de leur seul rôle d’épouse et de mère. Elle se souvient alors de ce jour où à Paris, elle les emmena à la Sorbonne, rencontrer des grandes écrivaines de différents pays du monde. Conseillère conjugale et familiale dans un Planning familial, puis aux rênes de Destination Familles, elle n’a cessé de poursuivre avec bienveillance cet idéal émancipateur.

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Des attaches lient aussi Dalila à l’Algérie, celle où ses parents sont partis, adolescents, pour rejoindre le port de Marseille. Chez elle ici, chez elle là-bas, Dalila ne s’épanche pas davantage sur cette histoire. Etre Français, Marseillais, et Algérien est un croisement bien naturel à l’identité portuaire phocéenne, sans doute. Dalila se plait davantage à conter le souvenir, tel une une carte postale, d’un jour de fête et de fierté lorsqu’elle a seulement 7 ans. Un certain 3 juillet 1962, jour de l’Indépendance de l’Algérie.

 

Un poumon social, rue d’Aubagne

« On ne peut pas sortir avec toi, tu ne peux pas t’empêcher d’embrasser les uns et les autres », taquinent ainsi les amis de Dalila Ouanes. Entre la rue Château Rodon où elle habite, et celle d’Aubagne où elle dirige son association Destination Familles, Dalila est, à 60 ans, une femme respectée pour ses engagements en faveur des familles de Noailles depuis plus de 10 ans. Elle l’aime ce quartier, elle aime ses habitants, à qui elle ouvre chaque matin, « comme un ange« , dit-elle, les portes de sa structure. Femmes en mal de confidences, écoliers démunis, adolescents en questionnements, familles mal-logées ou migrants esseulés, ils viennent tous chercher des conseils, un soutien à Destination Familles, association que Dalila a fondée en 2006.

 

 

Dans ce quartier, orphelin d’espaces de lien social depuis la fermeture du Millepattes, association d’animation culturelle qui organisait depuis 1996 son festival du Soleil, la demande était croissante concernant l’accompagnement d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes fragilisés. Ainsi, depuis 2006, Destination familles est un des seuls lieux pouvant leur répondre. Dans ses locaux, Dalila les aide à trouver un rapport apaisé à l’école, à la société. Les activités qui s’y déroulent dessinent une carte sociologique du quartier :  entre les cours d’alphabétisation pour les primo-arrivants, les ateliers d’informatique, les permanences d’accès aux droits aux étrangers, les accompagnements scolaires, les groupes de paroles pour les adolescents, les ateliers couture et échanges de savoirs, le lieu de désempli pas. Malgré la fragilité financière de l’association, pas assez soutenue par les pouvoirs publics, du goût de sa fondatrice.

 

« Destination Familles est un lieu de proximité, nous sommes proches des gens, ils nous font confiance. Parce que certains centres sociaux deviennent des bureaux, il n’y a plus de relationnel avec les gens, avec le public. C’est dommage« .

 

 

Attention, gentrification

Elle a grandit dans les quartiers Nord, mais connait tout autant la sociologie de Noailles. Dix années qu’elle y vit, qu’elle en écoute les histoires d’hommes et de femmes. Ici, dans ce coeur de ville, plusieurs vagues d’immigrés sont devenus marseillais. Des Italiens, des Nord-Africains, puis dès les années 1980 des personnes d’Afrique noire, des Comores, ou encore d’Europe de l’Est. Territoire de dialogues culturels, Noailles est aussi une poche de précarité.

Pour autant, « Noailles, depuis quelques temps, devient le coeur de Marseille, tout le monde parle de Noailles, Noailles » remarque Dalila, observant une population de classe moyenne s’installer dans le quartier, promis à peu neuve. De la préoccupation politique à redorer l’image du quartier, naît ainsi la crainte que les habitants historiques du territoire, eux qui attendent encore le droit de vivre dans des conditions de logement décentes, soient progressivement évincés, éloignés.

 

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