De poète à poète, sur la différence et l’aimance (1)

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En guise de présentation autobiographique
Me solliciter pour me présenter moi-même, c’est, dans un certain sens, m’imposer une tâche plutôt difficile. Car, entre autres raisons, ne peut se présenter lui-même que celui qui se connaît. Dans la cas d’espèce, l’honnêteté ombilicale commande que je fasse un aveu monumental : ce sont les autres qui sont en meilleure position pour me connaître infiniment mieux que moi-même ; ils sont, dans cette position extrêmement avantageuse pour eux, les miroirs dans lesquels je voudrais rechercher des éléments de réponse à la question sur l’auto-identification, question qui se formule bien des fois ainsi : qui suis-je ?
Mais je sais que celle que vous m’avez posée est exactement celle-ci : qui êtes-vous ?
La question sur l’identité, je me la suis posée plusieurs fois avant-hier et hier ; aujourd’hui, votre invitation m’amène à me la poser encore. Et comme le début et la fin de l’essai de réponse est un gros point d’incertitude, je vous demande l’autorisation, à titre exceptionnel, de procéder par deux voies complémentaires pour vous décevoir le moins que je puis.
Autocitation biographique
La première voie est la suivante : en mai 1983, au creux de la matrice du point d’interrogation, j’ai consulté le Devin à travers un tracé scriptural ayant l’allure que je cite à livre ouvert :
« Dis-moi, Devin,
Où peut se terrer le sens du jour.
Les autres, au sortir de chez toi,
Savent à quoi s’en tenir.
Mais, moi,
Après ce pénible tête à tête avec la vie,
J’ai encore le cœur enflé à faire fuir.
Dis-moi, Devin,
Où donc peut se cacher le sens du jour.
Quel recoin sonder
Pour retrouver le chemin
Des cœurs aimants ? »
Si le Devin n’est pas en mesure de tirer avantage de ses pouvoirs bien au-dessus de l’humaine condition pour pulvériser le masque de mon (auto) identification impossible, quelle autre instance pourrait décoder l’énigme ?
Péricitation biographique
La deuxième voie est la suivante, qui bifurque par l’expérience d’une autre identité problématique. Elle est de nature péricitationnelle. Elle se déroule en ces termes, autour du nœud d’un récit sur un être exproprié de l’existence, d’après une mise en texte de l’écrivain algérien Tahar Djaout dans son roman intitulé justement l’Exproprié :
« Ma vie, je vais vous la raconter puisque vous y tenez. Ou plutôt vous raconter mon outre-vie. Car ma vie, je ne m’en rappelle que très vaguement. J’espère que vous m’écouterez. (…) J’ai de fortes raisons d’espérer que vous m’écouterez. (…)
Puisque vous tenez tant à le savoir, pourquoi j’ai commencé à écrire, je vais vous satisfaire quoique j’aie horreur de parler de ma littérature. Il m’arrivait de lire des livres écrits par des intellectuels de mon pays et de me demander si les livres s’adressaient à leurs compatriotes et coreligionnaires (…) ou aux martiens. Et je vous assure que ce n’est pas facile à trouver (…)
Alors, je decidai de me faire écrivain. Décider de se faire écrivain ? en général, on se décide pas…
Vous voulez que je vous parle encore de ma littérature !
Je ne comprends vraiment pas pourquoi vous y tenez tant.
(…) Je refuse de vivre dans les mille et une nuits et j’abhorre le hachisch et les délices orientaux. Les membres de l’assemblée n’aiment pas les descriptions de taudis. Ils m’ont radié pour toujours. Mon nom n’est jamais cité aux banquets (…)
Jusqu’à ce jour, la civilisation n’a fait que perfectionner les instruments et les méthodes de torture. Toutes les civilisations passées (grecque, romaine, musulmane, française) n’ont fait qu’exhiber leurs soi-disant valeurs aux yeux des « barbares » éblouis pour mieux les asservir.
Ce n’est pas de changer de peau qu’il s’agit. De par le nombre de mes mues millénaires, il ne me reste plus de peau à perdre. Il faut que je change d’état. Complètement ».
Ainsi s’affiche l’identité inconfortable, incorrecte selon la loi et les convenances. Des lambeaux de cette identité pourraient se collecter dans les parcelles de ma vision de la poésie.
II- Qu’est-ce qu’un poème ?
Effectivement il m’a été aussi posé, dans l’invitation, la question du texte, ou plus exactement du poème, voire de la poésie. Qu’est-ce que le poème donc ? Inutile de (re)dire que c’est une question fondamentale, bien plus complexe qu’elle n’y paraît, surtout lorsque le sujet réfléchissant ici à haute voie reconnaît ses limites.
Des génies d’ailleurs et d’ici y ont donné des réponses aussi enrichissantes les unes que les autres. Sans me prévaloir du tout du même statut, j’ai retourné la question dans plusieurs sens, en m’abreuvant aux diverses sources dont les livres des poètes d’ailleurs et d’ici portaient le témoignage. L’avant-texte de Plaies-Travers-Patrie fut produit dans ce sens ; c’est-à-dire qu’il représente un compte-rendu dans la recherche de la définition du poème en rapport avec mon entendement, avec ma subjectivité et sans nul doute mon narcissisme :
« Les captifs des phobies ont la manie de dénicher le réel subversif même en pleine matrice de l’imaginaire. Ils se comportent alors comme des taureaux castrés d’Espagne face au rouge-sang de l’étendard du toréador, dans les arènes d’été chauffées à blanc.
Ils doivent supporter seuls les conséquences de telles confusions imputables sans doute à leur analphabétisme en littérature.
Car dans les zones spécifiques de l’imaginaire, l’esprit créateur aménage sa liberté à volonté, sans s’encombrer du souci de l’éloignement ou du rapprochement du réel délictueux. L’imaginaire est tout puissant, pour une fois.
En conséquence, (…) toute ressemblance avec une réalité du passé, du présent ou de l’avenir ne peut être que fortuite.
On reconnaîtra aisément là l’astuce de la distanciation qui est un des référentiels de la créativité littéraire. Je m’en accommode volontiers, sans complexe.
Le vécu est une courbe à la dimension du globe terrestre et du firmament. Ma poésie en est l’asymptote, même lorsque des toponymes, des anthroponymes, des figures actancielles, des réverbérations et des pénombres historiques sont projetés au frontispice de la scénographie.
Le 11 novembre 1990, j’avais écrit, pour servir et valoir définition du texte :
« Qu’est-ce donc qu’un poème,
Balsamique et éternel,
S’il n’est le sommaire de la blessure ? »
Le mot y est : « Blessure », avec une majuscule au début. Il m’apparaît, en effet, que les plus sonores trémolos des mbomo vet, des sosso likela, des mboo’en, meddah, des griots…, chez les génies du verbe créatif ; les plus fins deliers de plume chez les artistes de l’écriture, ont partie liée avec l’écriture. Abdelkader Khatibi du Maroc a même cru devoir préciser qu’il s’agit de la « Blessure du Nom Propre ». C’est le spleen d’un Baudelaire ; c’est le sentiment rimbaldien d’être poussé, d’un gouffre à l’autre, vers les voisinages de l’enfer ; c’est le sanglot d’un jazz (orphelin de surcroît), qui s’incruste dans le refuge de Léopold Sédar Senghor, refuge d’où le poète meurtri n’arrive pas toujours à dominer son ressentiment en vers les auteurs principaux de sa Blessure, en l’occurrence :
« Les mains blanches qui tirèrent les coups de fusils qui croulèrent les empires.
Les mains qui flagellèrent les esclaves, qui vous flagellèrent.
Les mains blanches poudreuses qui vous giflèrent, les maints peintes poudrées qui m’ont giflé.
Les mains sûres qui m’ont livré à la solitude, à la haine,
Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominaient l’Afrique, au centre de l’Afrique.
Droits et durs, les Saras beaux comme les premiers hommes qui sortirent de vos mains brunes.
Elles s’abattirent à la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer.
Elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la civilisation, parce qu’on manquait de matière première humaine ».
La même prolifération de la Blessure fait dire au « mboojo », le poète classique du Cameroun Septentrional :
« Les lamibé ont leur engeance
Les courtisans ont leur engeance
Les marabouts produisent leur engeance
Les mboo’en produisent leur engeance
Les voleurs ont eu leur engeance
Les femmes ont leur engeance
Les chasseurs produisent leur engeance
Les professions ont leur engeance.
Que je (vous) explique et vous comprendrez qui ils sont
La profession des forgerons a son engeance ».
Tout incrédule est mis en demeure d’apporter sans délai les preuves du contraire. Le défi alors lancé par le « mboojo »est retentissant :
« Si j’ai menti, vous pouvez me contredire
Ne vous retenez pas parce que vous me craignez »
Ce défi est aussi le mien. C’est peut-être le lieu de se poser la question suivante : qu’y aurait-il à la base de cette prolifération es blessures dans le corps social d’hier et d’aujourd’hui, d’ailleurs et de chez nous ?
Poésie, différence et aimance
La blessure est casée par une certaine conception de la Différence, celle qui considère la Différence négativement, dans l’absolu de l’erreur aux conséquences redoutables pour l’humanité. En effet, lorsque la différence est perçue avec soupçon, lorsque la seule présence du Différent déclenche le sentiment d’insécurité identitaire, la machine infernale de l’homicide se met à tourner à grande vitesse. Le racisme, le tribalisme, l’ethnofascisme, le colonialisme, le néo-colonialisme, tout impérialisme, tout vampirisme, consomment cette énergie extrêmement pathogène.
On a alors les Rwanda-Burundi, les apartheid, tous les pays des côtes où on n’y voit rien, les Zimbabwe, les Tchad, les Vietnam, les Colombie, les Irak, les Tsunami du dedans et du dehors, les Congo (dits) démocratiques, les Darfour, les Libéria, les Palestine, les New York d’un certain septembre, etc.
Le 06 décembre 1990, en consultant une de mes fiches sismographiques, je me suis arrêté devant l’image dont voici une partie consignée dans la rubrique des « Corps et Calvaires » de Plaies-Travers-Patrie :
« Devant le miroir de ses difformités
Voici le monstre
Dans son monologue infernal :
« Différent, je te tue.
(…)
Je te tue,
Je décime tes racines
Et je crie
Aux quatre vents de l’honneur
Que c’est toi le bourreau
La victime moi. »
Or donc, en publiant Plaies-Travers-Patrie, ma version du « ciboire de souffrances », selon la merveilleuse formule de Léopold Sédar Senghor, placé au début de Prière de paix (Hosties Noires), je postule que le présent et l’avenir de l’humanité ne peuvent avoir de sens que si les actants privilégient l’approche positive des Différences. Cela se comprend ainsi : je vais vers toi moins parce que nous sommes semblables que parce que tu es différent de moi, tu n’es pas moi et vice-versa. Je vais vers toi parce que par ta Différence, tu es prédisposé à m’enrichir tandis que par ma Différence, je suis prédisposé à t’enrichir. Au rendez-vous du donner et du recevoir, par la loi intangible de la réciprocité humaniste, les Différences dialoguent, échangent, développent des synergies revigorantes dont la résultante porte le nom de CONVIVIALITE.
Les exemples sont légion dans tous les compartiments de l’Univers. Est-ce pour rien que Dieu/ Allah a ressenti la nécessité de créer un binôme, en la personne plurielle d’Adam et Eve, pour inaugurer la présence de l’Homme au paradis ? Apparemment, le paradis n’aurait plus eu de saveur si la création inaugurale en tant que plurielle minimale, résultent de l’adition du Mâle et de la Femelle, c’est-à-dire de la mise en réseau -comme on dit aujourd’hui- des différences.
En cosmétique, les meilleurs parfumes sont fabriqués à partir du mélange de parfums différents.
En électricité, le pôle négatif et le pôle positif « dialoguent », s’attirent, grâce à quoi le courant électrique assure le fonctionnement normal des appareils.
En architecture chrétienne, les vitraux doivent leur beauté à la composition décorative consistant à mélanger différentes couleurs par le jeu de la translucidité.
Dans le grand livre céleste, la beauté de l’arc-en-ciel naît de la symbiose d’une infinité de couleurs. Même en lieu étant troubles le mystère du firmament, comme pour rappeler aux fauteurs de troubles qu’ils sont sur la voie de la déperdition, déroule le manteau multicolore : « L’ARC-EN-CIEL DE TA PAIX », pour emprunter à bon escient, et une fois de plus, la métaphore de la différence par laquelle Léopold Sédar Senghor termine Prières de paix.
Donc, où que s’arrêtent notre œil, à la recherche d’anticorps pour panser la Blessure, la nature, le ciel et la culture, de concert, affichent des modèles de gestion positive des différences. En tant que membres à part entière de la nature, du ciel et de la culture, je célèbre à mon tour ce par quoi une différence peut être l’hôte d’une différence, dans la seule relation d’hospitalité rendant possible la Paix. Telle est la vision soutenant mes efforts de créativité ; mon cheminement dans le vécu et l’imaginaire ; en d’autres termes, mon refus de faire comme si…, alors que…
Je viens de dire avec emphase qu’au point de convergeance des différences, il y a la CONVIVIALITE. Au sein de ma scénographie, désormais, ce dernier mot a pour synonyme AIMANCE.
J’écris, je voudrais écrire encore et encore, pour capter les contours de l’AIMANCE, le partageable de l’humain, le substantifique nutritif du Destin ou de la véritable condition humaine.
La vie de l’homme est programatiquement poussée par l’AIMANCE : il n’y a pas, à vrai dire, d’être humain dont l’AIMANCE ne soit l’horizon d’attente, c’est-à-dire l’Idéal exitenciel. Dans Aimance, il y a des échos comme : aimer, aimanter, aimable, amabilité, jouissance, et j’en passe.
Oui, certes, il y a des guerres, des égoïsmes, des ambitions malsaines, des intolérances, des forfaitures, partout. Mais ce sont là des accidents de l’Histoire, des obstacles que les ratés dressent sur le parcours de l’humanité et que la poésie a le devoir de découvrir afin que l’Homme les contourne voire les supprime.
La créativité artistique en général, la créativité poétique en particulier, est une potentialité inouïe d’adjuvants de correction des bifurcations, des égarements, des accidents qui jonchent le parcours de l’Homme. Elle installe le créateur dans les sphères de la liberté d’où il dit la vérité à l’Homme sur les causes et les conséquences de ses égarements, sur l’amplitude des maux, sur la béance des macules et des miasmes. L’artiste dévoile les Blessures même à travers les points de suspensions. Afin que se reveillent les consciences endormies, que les uns et les autres entrent en symbiose plutôt dans le culte de la Différence positive, c’est-à-dire dans l’AIMANCE.
Vous le voyez, Différence et AIMANCE riment. Ce n’est pas le cas haine, terme qui, sous ma plume, s’écrit avec les plus petites minuscules qui soient, tandis que AIMANCE s’impose à l’âme, à l’œil et à l’ouïe par toutes ses majuscules conviviales, ses voyelles hospitalières et ses consonnes adoucissantes.
Telle est la quintessence de mon propos, de ma sensibilité et de ma vision. Il ne me reste plus qu’à vous remercier du fond de la poésie, celle de l’AIMANCE, d’avoir pensé à m’inviter à cette séance de votre cénacle. Adamo, un des chanteurs français qui nous ensorcela quand nous étions à l’âge frêle, un jour lança à la foule des siens venue l’accueillir en Belgique : « Habitants de Jemappes, je suis des vôtres ! ». Qu’il me soit permis de m’en inspirer pour vous dire à mon tour : Citoyens de la Poésie, comme je voudrais être des vôtres ! Et comme vous m’honorez de vôtre hospitalité sans rien monnayer, je vous le promets :
« Je dévalerai ma haute montagne,
A l’appel des voix multiples de la Forêt humectée,
de la Steppe ensoleillée
et du Littoral ensablé.
J’entrerai dans la foule en délire
Des patriotes fraternels
Pour qu’à l’heure du grand concert,
Ma voix de montagnard
S’unisse à celles des citoyens mes hôtes ».
Dans un élan de réciprocité, je voudrais à mon tour vous inviter à la célébration de l’AIMANCE, de préférence à mon lieu de prédilection : le poème en cours de maturation.
En retour de convivialité
Ce que je dis/lis :
Credo N°1
« Donc tu veux être mon disciple ! Ô mon ami, saches qu’un maître est celui qu’on tend à dépasser, non à servir ni à imiter. Je ne cultive pas la soumission, mais l’éveil. Je ne veux pas qu’on me suive.
Je voudrais vous suivre jusqu’au bout de vos plus grandes audaces.
Qu’est-ce qu’un livre qui ne se renie pas lui-même ? Qu’est-ce qu’un maître qui ne se fait pas tout humilité ? ».
Tahar Ben Jelloun, La prière de l’absent (1981).
Credo N° 2
« Nathanaël, à présent, jette mon livre. Emancipe-t-en. Quitte-moi. Quitte-moi. Quand t’ai-je dis que je te voulais pareil à moi ? C’est parce que tu diffère de moi que t’aime, je n’aime en toi que ce qui diffère de moi. Eduquer ! Qui donc éduquerais-je que moi-même ?
Nathanaël, jette mon livre ; ne t’y satisfait point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre.
Jette mon livre, dis-toi bien que ce n’est là qu’une des mille postures possibles en face de la vie.
Cherche la tienne » ;
André Gide : Les nourritures terrestres.
J’en ai retenu ceci : l’identité forte émerge de l’approche positive des différences.
Fraternel des pays multiples
Pardonne moi de solliciter de toi, à présent, le complément balsamique de la parturition. Je sors de l’ordalie la plus éprouvante : l’écriture m’a sucé jusqu’à ma dernière substance ; l’écriture dans la tornade des quatre coins cardinaux de l’hémisphère équatorial, ainsi que la férocité des intolérances a apaisé. J’y ai laissé le peu d’énergie cinétique encore en ma possession, étant d’une constitution qui m’a toujours fait envier les hôtes des muses et de l’embonpoint.
Pour ne rien te cacher : je suis une épave au terme de la parturition. Elle m’a vidé, te dis-je, c’est pourquoi je te supplie d’être, par ta contribution, le géniteur mandaté du sens. Père porteur si tu veux, avec la procuration que je te présente de mes deux mains fébriles mais féales.
Quel titre ?
Je compte sur ta plénitude. Moi je suis vidé de tous les mots. Peu importe qu’à l’antipode, mes maux se soient quintuplés, avec l’enflure des douleurs prenant forme dans les textes. Aime moi par un titre, un sens, pour lier à l’avenir, au nom de notre présence commune dans le territoire de la poésie où les cœurs desséchés nous supplient de leur pardonner leurs péchés. Nous intercéderons pour la rémission de leurs erreurs, au noble nom propre de l’Aimance.
Puissè-je, ô frère, ô sœur des pays multiples,
Te lire bientôt en retour, à n’importe quelle heure du temps.
Le Nom Propre.
En guise de semi-clôture
Dans la nature-même, des échanges fructueux, on ne conclue pas véritablement son propos. Le propos s’arrête nos pas pour laisser le silence s’emparer de la scénographie discursive, mais pour passer le relais à d’autres voix, à d’autres écoutes qui, par leur Différence, justement, remodèlent les adjuvants des complémentarités. Afin que la pose serve à centrer plus la parole sur l’Homme dont le destin est d’aspirer de plein droit au bonheur.
Sans l’Homme, il n’y aurait pas de poème, sinon celui du non-sens, c’est-à-dire l’ansence de poésie qui expose à la dégradation la plus redoutable. Saint-John Perse, a écrit très lucidement : « Grand Âge, nous venons de toutes les rives de la terre ». Et de préciser, en soulignant l’urgence de la prise de conscience et de la mise en œuvre d’un programme de revivification :
« Mais c’est de l’Homme qu’il s’agit. Et de l’Homme lui-même (…)
Car c’est de l’Homme qu’il s’agit, dans sa présence humaine.
(…) Se hâter ! Se hâter ! Témoigner pour l’Homme (…)
(…) Et le poète lui-même (…)
Avec tous hommes de patience, avec tous hommes de sourire (…)
Avec tous hommes de douceur,
Avec tous hommes de patience au chantier de l’erreur,
(…) Témoignage pour l ‘Homme (…)
Que le poète se fasse entendre, et qu’il dirige le jugement ».
Dans cette quête de l’AIMANCE, trois instances se complètent en moi : L’être humain que je suis, le compagnon des poètes que je m’efforce d’être et le lecteur assidu des créations littéraires que je tâche d’être.
A propos de cette dernière composante, il faut reconnaître que la fréquentation des comparatistes m’est d’un secours inestimable, car j’ai découvert dans la littérature comparée d’autres balises de la relativité succeptible de venir en appui à l’approfondissement de la réflexion de la créativité dans le centre d’intérêt de la gestion positive des différences. Le témoignage de Yves Chevrel sur la prédisposition du comparatiste à la transversalité est éloquente :
« Le comparatiste entre nécessairement en relation avec d’autres cultures ; le fait qu’il les ait expérimentées, vécues à lui-même de l’intérieur est peut-être le gage de son aptitude à comprendre la diversité et la relativité des comportements humains ».
Un pratiquant de la créativité poétique qui est un adepte de la co-existence pacifique des différences ? C’est le contraire qui aurait étonné, et il n’aurait pas le mérite alors d’être l’hôte de la poésie. Mon pays, notre pays est un lieu trop précieux à mon âme pour qu’en son nom propre je ne cultive pas l’AIMANCE jusque dans les interstices des textes.

1. Communication faite au cours de la 20ème édition du café de la poésie rondine, organisé par la Ronde des Poètes du Cameroun le vendredi 15 juillet 2005 à africréa, Bastos, Yaoundé.///Article N° : 4203


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