Dérangé que je suis de Ali Zamir

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Dérangé que je suis est le troisième roman, paru aux Editions Le Tripode, d’un romancier qui se fait remarquer sur la scène littéraire francophone : Ali Zamir.  Avec une plume habile et poétique, l’écrivain comorien nous conte l’histoire rocambolesque de Dérangé, docker au port d’Anjouan.

Dérangé est le nom, ou le surnom, du narrateur. Du moins c’est comme cela qu’il se nomme. Ce roman écrit à la première personne – au « je » – raconte les aventures d’un homme qui n’est pas comme les autres. Pour ne pas se tromper dans ses vêtements il leur a cousu le nom de la semaine. Les habitants de son quartier se moquent de lui à son passage « quel jour est-on ? Ah oui nous sommes mardi, heureusement que Dérangé est là pour nous le rappeler ». Dérangé est docker au port de l’île d’Anjouan. Il décharge et transporte les cargaisons des bateaux dans son petit chariot. Il gagne sa vie ainsi.

Ce roman se démarque d’un roman plus classique car il ne déroule pas une intrigue ordinaire qui s’étire dans le temps et les personnages. On suit Dérangé pendant seulement quelques jours. Le texte commence un matin, au port de l’île alors qu’il rencontre une femme qui lui demande de s’occuper des marchandises de son mari, et qu’un trio de docker surnommés les « pipipi » et connus pour leur rapidité, se moquent de lui.

Les pages qui suivront décriront les suites de ces rencontres, la vie de Dérangé dans son quartier, ses disputes avec ses voisins, et surtout le regard qu’il pose sur le monde qui l’entoure. Car là est toute la puissance de ce texte, ce regard singulier, poétique, qui éclate la narration en une multitudes de scénettes très vivantes et imagées.

Lorsqu’on referme le roman il nous reste des scènes et des images en tête, la course de chariot entre Dérangé et les Pipipis dans une ville pleine de couleurs, la vision du toit en palmier de la petite cahute du docker et le bruit de la pluie qui tombe dessus, la beauté de la femme qu’il a rencontré, l’odeur du plat qu’elle lui a préparé…

Le bruit, les couleurs, les odeurs, c’est un roman très sensuel.

Sensuel d’abord parce qu’il se construit autour de la rencontre entre Dérangé et la belle inconnue. Et ensuite sensuel au sens premier du terme : les sensations y sont extrêmement présentes et c’est ce qui lui donne son aspect vivant. Et il faut souligner ici que l’écriture d’Ali Zamir se démarque par une créativité particulière, la langue est elle même très belle, inattendue. Je vous en lis un passage « il faut toujours une goutte d’amertume pour faire déborder ce vase qu’est le cœur et donner une saveur de tonnerre de Dieu à son existence. Creusé d’humeur noire jusqu’au bout des ongles, mon corps n’était qu’un abîmes de peines. Pour bien me faire entendre, disons que la nuit de mon corps semblait longue. Tellement longue que je n’étais qu’un vide. Quelque chose de brûlé. De bien consumé ».

Ce texte poétique a aussi des allures de fable. On ne sait pas vraiment quelle est l’époque de l’histoire, elle n’est pas ancrée dans un contexte réaliste et c’est avant tout les aventures rocambolesques de Dérangé et ses amis que nous raconte Ali Zamir. Cette fable poétique est drôle, surprenante, et rythmée. On lit le texte de bout en bout en ayant l’impression d’écouter une histoire, un conte qu’on nous raconterait avec beaucoup de talent.

 

 

 

 

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