Dessiner et se moquer des « gens importants » : un genre encore balbutiant au Niger

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Même si les gravures rupestres de l’Aïr et du Ténéré ne sont pas sans évoquer certains portraits humoristiques d’un style assez rudimentaire, les premières caricatures de presse ne sont apparues qu’assez récemment dans les journaux nigériens.

En 1991 à l’occasion de la Conférence nationale du Niger, Housseini Salifou croque les portraits des principaux hommes politiques présents, en leur apportant une touche personnelle qui fait ressortir certaines de leurs caractéristiques physiques. Les dessins sont publiés dans l’hebdomadaire Haské (« lumière »en haoussa). Le succès est immédiat et – dans l’ensemble – les modèles sont les premiers à sourire de ces effigies souvent irrévérencieuses, mais finalement plutôt sympathiques. A la même époque, Aguelasse dessine pendant les débats télévisés et publie quelques caricatures dans La Hache.
Fort de cette première expérience encourageante, suivie de quelques nouvelles caricatures publiées dans divers journaux indépendants, Housseini franchit le pas et lance Moustique, un hebdomadaire au ton sarcastique, agrémenté de nombreux dessins humoristiques.
En juillet 1993, après une retentissante arrestation, suite à un article mettant en cause une personnalité du Gouvernement, il est rapidement remis en liberté, grâce à la mobilisation de nombreux représentants de la presse nigérienne et internationale.
Aujourd’hui, il préfère s’adonner à des activités d’infographiste et publier de temps à autre une caricature en première page de L’Opinion, Le Républicain, Le Démocrate ou d’autres journaux d’opinion qui lui en font régulièrement la demande.
Des dessinateurs présents mais peu stimulés
Sur les traces d’Housseini et d’Aguelasse – pionniers de la caricature au Niger – quelques dessinateurs ont été sollicités par différents journaux indépendants pour y publier caricatures ou dessins d’actualité : Diaddo dans L’Enquêteur et Haské, Sani dans Le Canard déchaîné et La Griffe, ou plus récemment Tambo dans Le Damagaram.
Toutefois, sur la trentaine de journaux d’opinion qui paraissent plus ou moins régulièrement à Niamey, Agadez ou Zinder (un seul titre est publié dans chacune de ces dernières localités), moins du quart fait appel à des artistes pour illustrer des articles souvent provocants et aux titres racoleurs de leurs colonnes.
Parallèlement aux caricatures proprement dites, qui présentent des personnages publics en vue sous des traits comiques ou sarcastiques, les journaux nigériens publient parfois des dessins d’actualité, illustrant généralement des questions de société telles que les relations hommes femmes, la corruption, le SIDA, la vie chère, etc.
Déjà dans les années 80, sur le modèle français, le Sahel Dimanche – émanation du Sahel quotidien, premier journal du Niger indépendant – offrait à ses lecteurs des planches de bandes dessinées et de dessins humoristiques signés Gabi, artiste décédé depuis, mais encore présent dans de nombreuses mémoires.
Depuis, de jeunes artistes ont pris la relève, dont le Camerounais Léo H. Mpessa, auteur de la bande dessinée Raïcha et les scorpions et Djibril Abdoulwahid créateur de vignettes amusantes qu’il publie dans Matashi « mensuel de la génération consciente », un mini-tabloïd gratuit à destination des 18-30 ans, soutenu par la publicité et l’ONG anti-SIDA Crisalide (1). Mais ces deux auteurs n’ont pas encore versé dans le dessin de presse. Le premier s’est même orienté récemment dans la musique.
Il aura fallu attendre la fin du régime autoritaire de Seyni Kountché (mort en 1987) et l’ouverture du pouvoir politique au multipartisme pour que la presse nigérienne se diversifie et que les plumes (et les crayons) commencent à se délier.
Aujourd’hui, alors que l’ex-premier ministre a été arrêté en 2008 pour détournement de fonds, une certaine liberté d’expression est apparemment de mise. Cependant, Moussa Kaka – correspondant officiel de RFI – a croupi en prison pendant 13 mois pour avoir communiqué avec les rebelles touaregs, et la Maison de la presse – lieu de rencontre quotidien des journalistes de Niamey – a été fermée pour une durée indéterminée en 2008. De plus, le Niger demeure l’un des rares pays d’Afrique de l’Ouest à ne pas disposer de quotidien privé (2).
Plusieurs signes démontrent donc qu’il faut être prudent….

1. Pour en savoir plus, voir l’article de Christophe Cassiau-Haurie sur le site d’Africultures : Dessinateur au Niger, quels moyens pour s’exprimer ? (n° 8059)
2. Pour plus d’informations, voir La Presse au Niger, états des lieux et perspectives, de Seidik Abba, L’Harmattan, avril 2009.
L’auteur de cet article a souhaité rester anonyme.
Niamey, 2008 – 2009.///Article N° : 9057

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