Dominique Amigou Mendy (1909-2003), rescapé du camp de concentration de Neuengamme en Allemagne

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Le 18 avril 1945, les Nazis commencèrent à évacuer le camp de concentration de Neuengamme situé à 25 km de Hambourg. Ils brûlèrent presque tous les rapports, et les listes de détenus. Les Nazis voulaient d’une part, éviter que ces documents ne tombent dans les mains des alliés et d’autre part, ils tentaient d’échapper ainsi à la reddition et empêcher le transfert des déportés aux Alliés. Lorsque les troupes britanniques arrivèrent le 4 mai 1945, le camp était presque vide. Les prisonniers avaient été emmenés à Lübeck. Une douzaine d’Africains avaient passé plus d’un an à Neuengamme. Ils avaient survécu l’horreur de la guerre et la barbarie nazie dans leur chair et dans leur âme. Le monde entier célèbre cette année, le 60ème anniversaire de l’armistice.

 » Tirailleurs sénégalais « 
 » Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme
On vous promet 500 000 de vos enfants à la gloire des futures
Morts, on les remercie d’avance, futurs morts obscurs
Die schwarze Schande ! « 
(Léopold Sédar Senghor. Hosties noires  » Morts pour la République

Nous rendons hommage à ces oubliés de l’Histoire au moment où toutes les chaînes de télévision en Europe récapitulent depuis le début du mois d’avril les grands moments de la débâcle de 1939-945.
In Memoriam
Dominique Amigou Mendy est né le 4 août 1909 à Ziguinchor (Sénégal). Il s’est endormi dans le Seigneur, muni du viatique, les derniers sacrements de l’église catholique, le 24 juin 2003 à Dakar ; entouré de l’affection de son épouse, Mme Marie Touré-Mendy, fée du logis et compagne attentionnée, qui l’a assisté jusqu’au dernier moment. Les obsèques ont eu lieu en la paroisse de St Pierre de Baobabs à Dakar, le 30 juin 2003. Dominique Mendy fut sous-lieutenant des Forces Françaises Libres durant la seconde guerre mondiale. Détenu à Neuengamme en Allemagne, il y restera un an et demi. Le 7 avril 1945 lors de libération du camp, Dominique Mendy est sauvé par la Croix Rouge Danoise qui l’emmène par bateau à Copenhague. Il est soigné et envoyé en France. De là, il regagne sa patrie, le Sénégal.
Dominique Mendy a exercé son métier jusqu’en 1980 à titre de photographe particulier du Président Léopold Sédar Senghor. Le 4 novembre 1982, La France l’a décoré chevalier de la Légion d’honneur. Le décret fut publié dans le Journal Officiel du 9.9. 1982 : Grade de chevalier
Guerre 1939-1945
Déporté-résistant (1)
Prisonnier des Nazis
Une foule nombreuse était venue rendre hommage à cet homme qui a vécu presque un siècle. Il a connu les grands moments du 20 ème siècle : la période coloniale dans sa Casamance natale, où il cultivait les champs de ses parents.
Plus tard, il se rend dans la capitale, Dakar et il est employé comme mécanicien dans la marine marchande. Engagé volontaire durant la première guerre mondiale, il fait partie du premier contingent des „tirailleurs sénégalais ». Il est démobilisé à l’Armistice de 1918 et il retourne dans sa patrie. Quelques années plus tard, il obtient la possibilité d’entreprendre une formation en France pour devenir photographe. Il travaille avec les grands journaux français comme le „Sud-Ouest », et „France-Soir ». Il vit en France lorsque la seconde guerre mondiale éclate. En 1940, il répond à l’appel du Général de Gaulle :
 » La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu la guerre [..]
L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. […] Voila pourquoi je convie tous les Français, où qu’ils se trouvent, à s’unir à moi dans l’action, dans le sacrifice et dans l’espérance « .
(Appel du 18 juin 1940 prononcé sur la BBC par le Général de Gaulle) !
Dominique Mendy s’engage dans le réseau de résistance de Bordeaux-Loupiac où il travaille comme photographe au service du deuxième bureau, c’est-à-dire aux renseignements généraux. Le réseau militaire de la Résistance le charge d’héberger, de cacher et de convoyer les aviateurs et parachutistes anglais à Bordeaux. En outre, il transporte du matériel de guerre entre la France et l’Angleterre. Les Nazis ne font pas attention à lui, car dans leur simplicité d’esprit, ils ne peuvent pas s’imaginer qu’un Noir puisse accomplir une telle mission. Mendy a juste le temps d’amener le dernier lot de matériel à Oradour, symbole de la douleur nationale française, quand la ville est assiégée par les Allemands. Il évite de justesse la mort.
C’est à Oradour–sur-Glane, ville-martyr, que les Nazis massacrent presque toute la population. Arrivé à Courtrai, trahi par l’un des siens, Dominique Mendy tombe aux mains de la Gestapo (la police secrète de l’état nazi) qui le torture, le soumet à des épreuves avilissantes et brutales. Il est arrêté le 21 avril 1944 et interné au camp de transit de Drancy. Durant des heures, il subit toutes sortes de supplices afin qu’il livre le nom des autres résistants. Mais Dominique est une véritable carpe, pas un mot, pas une dénonciation ne sort de ses lèvres. Des cigarettes incandescentes sont écrasées sur sa poitrine, la main gauche est entièrement abîmée. Jusqu’à sa mort, il portera un gant blanc à la main gauche, car il ne peut plus s’en servir. La Gestapo le condamne à mort. A 3h. du matin, les Nazis simulent son exécution. Ils lui font croire qu’il va être fusillé sur-le-champ ; car à chaque fois que la Gestapo arrête un maquisard, elle fusille 50 personnes prises au gré du vent. Mais Dominique Mendy reste de marbre et ne trahit personne. Devant son refus obstiné, les Nazis décident de le déporter en Allemagne dans un wagon-bestiaux. Un des soldats allemands qui s’est paradoxalement pris d’affection pour lui, le rassure qu’en Allemagne, on l’appellera uniquement par son numéro de matricule mais il ne sera plus torturé. (2)
Le camp de concentration de Neuengamme
Arrivé à Neuengamme, les Nazis séparent Dominique Mendy de ses copains Français. Ces derniers craignant le pire se mettent à pleurer. Les Nazis vivent à l’heure de la ségrégation raciale. Alors commence un interrogatoire sans fin. Dominique joue le naïf et parvient à faire croire au Kapo (surveillant d’un camp nazi) que les Français l’ont raflé à Dakar et embarqué en France ; et puis l’ont abandonné, qu’il n’a pas de profession et qu’il ne sait que piocher la terre et balayer. Il affirme par ailleurs, avoir peur des Blancs, et souhaiterait retourner en Afrique. La main de Dieu veille sur Dominique Mendy, car ironie du sort, ce  » Kapo  » (surveillant) est né au Cameroun. Il a pitié de lui et l’engage comme domestique pour lui éviter de travailler à l’extérieur où les températures oscillent entre moins 0 et moins 10.
Au camp de concentration, les soldats font preuve de méchanceté inouïe, et un jour ils rouent Mendy de 50 coups sans raison. Ils l’apostrophent en le nommant „Bimbo », terme péjoratif en allemand pour désigner les Noirs. Cependant, le commandant et son épouse le prennent en amitié. Cette dernière lui apporte parfois une pomme ou une poire qu’il partage avec dix autres compagnons. Les S.S. prennent Dominique Mendy pour un demeuré mental, surtout lorsqu’il se propose d’aller au peloton d’exécution à la place d’un père de famille juif. Dominique Mendy en supportant avec humour les humiliations des SS, a pu parfois obtenir de minimes faveurs comme par exemple un morceau de savon pour „nettoyer sa peau noire ».
„Les SS me taquinaient en me demandant pourquoi tu es noir, je leur répondais. Je suis Noir. C’est parce qu’il n’y a pas de savon ici pour se laver. Alors, il me donnait un morceau de savon  » (2).
Grâce à son travail de planton, il peut soutirer un croûton de pain qu’il partage toujours avec ses co-détenus. Il a ainsi sauvé la vie à ses compagnons français. Les officiers allemands lui laissaient voir toutes les atrocités du camp, pensant qu’il ne comprenait rien. C’est ainsi qu’il vit comment les bébés, les enfants et leurs mères étaient tués à l’arrivée. Seuls les hommes étaient épargnés, sauf ceux qui étaient dirigés vers des „blocs spéciaux »pour servir de cobayes. Mendy fait probablement allusion aux 20 enfants juifs âgés de 5 à 12 ans (10 filles et 10 garçons) qui ont été déportés d’Auschwitz et qui servaient aux expériences pseudo-médicales du Dr. Heissmeyer. Ces enfants,  » Les enfants de Bullenhuser Damm  » furent pendus dans la cave de l’école Bullenhuser Damm à Hambourg la nuit du 20 avril 1945. Leurs corps furent calcinés le lendemain dans les fours crématoires de Neuengamme, le 21 avril 1945 ainsi que les 2 médecins français et les infirmières polonaises qui les accompagnaient. (3)
Dominique Mendy compare son séjour à Neuengamme à celui des esclaves Africains qui ont été capturés du 15e au 18e siècle, à Gorée, île située à 3 kms de Dakar (Sénégal). Tout comme les esclaves subissaient toutes sortes d’humiliations et de violences : bastonnades, coups de pied et manque de nourriture ; pour les déportés Africains, ces mêmes violences physiques et morales étaient à l’ordre du jour au camp de concentration.
Dans le même camp se trouvait un autre Sénégalais, Sidi Camara, né le 3 mars 1902 à St Louis-du Sénégal, déporté le 24 mai 1944 soit à la même date que son compatriote, numéro de matricule 31810. Les deux Sénégalais s’encourageaient mutuellement en parlant leur langue maternelle, le wolof, et en se confiant à Dieu. Les expressions comme « muñel, Yalla am na„ (Prends patience, Dieu est grand !) revenaient sans cesse dans leurs conversations.
Tout comme John William, lors d’un entretien nous a affirmé avoir puisé dans sa foi le courage pour surmonter cette épreuve ; les deux Sénégalais en se référant aux valeurs ancestrales de leur terroir, (l’honneur le  » jom «  et la dignité,le  » fadaay « , le  » muñ « , la patience et la  » kersa « , le sens de la retenue) ont pu survivre dans cet enfer. Vers la fin de la guerre, les prisonniers Français et ceux d’origine africaine furent transférés à pied à Lubeck. Les détenus étaient tués et enterrés sur place quand ils étaient exténués.
„Le voyage fut terrible. Un de mes copains tomba et je voulus le porter. Il me dit de le laisser que si je l’aidais, il m’arriverait la même chose que lui et il ajouta qu’il fallait regarder la distance que l’on avait parcourue depuis Neuengamme et se souvenir qu’il était enterré ici. (2) »
Beaucoup de ses camarades sont morts lors de ces convois ou Marches de la Mort pour diverses raisons, entre autre pour avoir bu une eau mélangée à des excréments.
L’auteur de ces lignes s’est rendue à Neuengamme. Elle a pu vérifier toutes les données mentionnées ci-dessous. Le camp est situé en rase campagne et un vent glacial souffle sans arrêt. Pour les prisonniers cela signifiait une mort certaine puisqu’ils n’étaient pas vêtus en conséquence. Le nom de Dominique Mendy y est mentionné dans les archives avec sa date d’arrivée, 24 mai 1944 et son numéro de matricule : 32090 ainsi que celui d’autres détenus noirs. Le chanteur Franco-Ivoirien Ernest Armand Huss alias John William numéro de matricule 31 130, (4) l’Antillais Isidore Alpha numéro de matricule 32108 et Sidi Camara numéro de matricule 31810. Tous ces détenus sont arrivés le même jour, le 24 mai de Compiègne. L’Antillais Paul Pintard, a été déporté le 7 juin 1944 à Neuengamme, numéro de matricule 34333. Par contre Doudou Diallo et le Gambien Coco Samba Nje (Ndiaye ? Njaay ?) dont parle Dominique Mendy dans l’émission de télévision  » Témoins de notre Temps  » ne sont pas mentionnés dans les archives de Neuengamme. Le Martiniquais Ambroise Bilan, a été déporté le 31. 7.1944. (5) A part sa date d’arrivée au camp, Neuengamme ne possède aucun autre renseignement sur lui. Son numéro de matricule est inconnu aux archives. Il serait décédé au camp quelques jours avant la Libération.
Peu de temps avant la fin du conflit mondial, Sidi Camara, né le 3 mars 1902 à Saint-Louis-du Sénégal fut transféré au camp de concentration de Bergen-Belsen. D’après la liste des Déportés Français établie le 20 avril 1945 que nous avons consultée, son nom était inscrit sur la liste des détenus du comité du camp qui devaient être libérés. Camara est décédé peu après, soit entre le 21 avril 1945 et le 4 mai 1945, au moment de la libération du camp. Selon l’archiviste du Mémorial de Bergen-Belsen, Sidi Camara a été enterré dans une fosse commune à Bergen-Belsen peu avant la Libération.
Dominique Mendy a toujours partagé tout ce qu’on lui donnait avec ses co-détenus et s’est montré généreux vis-à-vis des autres prisonniers. La générosité et le dévouement sont les deux qualités qui le caractérisent. Puisse son exemple et celui de tous les détenus dans les camps de concentration servir de modèle à notre jeunesse à la recherche de nouveaux repères ! Tous les détenus Africains, descendants d’Africains et Afro-Allemands, ces victimes méconnus ou ignorés de la furie nazie, sont des héros et des héroïnes qui méritent une place dans nos manuels d’histoire.
La jeunesse allemande et les déportés Africains
A Fürth, ville située à 5 km de Nuremberg, les élèves de 1ère (11c) du Lycée Helene-Lange qui porte en sous titre  » Schule ohne Rassismus « ,  » Schule mit Courage  » ( » Ecole sans Racisme « .  » Ecole avec courage « ) ont rendu un vibrant hommage à Dominique Mendy lors de deux services religieux, l’un protestant et l’autre catholique. Ils ont prié pour le repos de son âme et partant pour celui de tous les Africains et les Noirs de toutes origines décédés dans les camps de concentration. La plupart des lycéens Allemands apprenaient avec stupeur et pour la première fois que des Africains et descendants d’Africains avaient été détenus dans des camps de concentration. Ils étaient très touchés en découvrant qu’un pan de leur histoire, jusqu’à ce jour leur avait été occulté.
A tous les anciens combattants
Nos pensées vont également aux anciens combattants, prisonniers dans les camps de travail en France et en Allemagne que nous avons rencontrés à Dakar.(5) Eux tous souffrent aujourd’hui des séquelles de leur détention : une santé délabrée, une cécité galopante ou des difficultés pour marcher témoignent du mauvais traitement dont ils ont été victimes. Malgré les humiliations et les tortures qu’ils ont subies, ils nous donnent aujourd’hui une leçon magistrale de réconciliation et de fraternité. Ils ont pour nom : El Hadj Ousmane Aliou Gadio, père de l’actuel ministre des affaires étrangères du Sénégal, Président de l’association des  » Anciens Combattants et Prisonniers de Guerre du Sénégal « , ancien prisonnier de guerre en Allemagne. Il avait pour tâche, de couper les arbres de la forêt, dans la région de Munich, de 5H.du matin à 16 H. Il se trouvait probablement à Moosburg où avait été érigé le plus grand camp de travail (Stammlager) pour les troupes coloniales en Bavière.
El Hadj Abdoulaye Diop, soldat qui faisait fonction d’interprète et de surveillant au camp de travail (Stalag) en Alsace. Il affirme aujourd’hui encore en allemand parlant de son geôlier, le SS Otto  » Otto, war mein Freund « ,  » Otto fut mon ami « .
60 ans après la guerre, il était tout ému de pouvoir échanger avec nous quelques phrases dans la langue de Gœthe et de Schiller. Les ouvrages scientifiques relatent de nombreux cas où les relations entre geôliers et prisonniers se métamorphosent au fil du temps et font place parfois à des rapports assez complexes. Mais surtout tous deux avaient compris qu’ils servaient des intérêts contraires à la belle amitié et fraternité des peuples.
El Hadj Amadou Diallo, Vice-Président de l’Association des Anciens combattants et prisonniers de guerre (Sénégal), El Hadj Ousseynou Diop, Secrétaire Général de la même association. Tous soldats du 42e régiment d’infanterie coloniale et prisonniers de guerre dans des stalags. (6)
Henry Mendy fut prisonnier de guerre dans un stalag (camp de travail) en France. Il reste fidèle dans ses souvenirs à la France qu’il a servie loyalement.
Feu El Hadj Doudou Diallo, doublement rescapé des camps de concentration et du massacre de Thiaroye. Il avait quitté le camp la nuit pour rejoindre sa fiancée en ville, à Dakar. C’est ainsi qu’il a échappé au massacre. Il fut condamné par les militaires Français à cinq ans de prison qu’il passera à la prison de Rebeuss à Dakar. Les autorités militaires françaises le considéraient comme le meneur de la révolte de Thiaroye qui a fait une centaine de morts. Doudou Diallo fut le président des anciens combattants du Sénégal de 1966 à l’an 2000.
Feu Papa Guèye Fall, premier président des Anciens Combattants du Sénégal et fondateur de l’école qui porte son nom, créé au départ pour les enfants des militaires.
Tous ces anciens combattants, vétérans de la 2ème guerre mondiale, attendent que l’Etat français réalise ses promesses : la décristallisation de leurs pensions afin qu’ils puissent jouir pleinement du crépuscule de leur vie. A tous ces grands-pères qui ont cru en l’appel de la  » mère-patrie « , la France ne doit pas les oublier et l’Allemagne devrait leur accorder des compensations financières comme victimes des camps de concentration.
20 anciens prisonniers Africains qui étaient détenus au camp de concentration de Luckenwalde reposent aujourd’hui au cimetière de cette ville près de Berlin, où ils sont enterrés. (7) Des milliers d’autres reposent dans les divers cimetières de soldats qui ont été construits en Allemagne après la guerre. Oubliés des manuels et lors des festivités du Débarquement de Normandie, en 2004, ils demeurent enfouis à jamais dans la mémoire collective. (8)
Nous osons espérer que l’Allemagne leur accordera une pensée pieuse et qu’un hommage digne de leurs sacrifices leur sera rendu un jour en terre germanique ; d’autant plus que les troupes noires américaines de la 71e infanterie du 761e bataillon furent les  » liberators « , les libérateurs de certains camps de concentration comme celui de Gunskirchen, une annexe du camp de Mauthausen en Autriche et ils se trouvaient en première ligne à Dachau, Buchenwald et Esterwegen.
Hommages à toutes les victimes
Nous nous inclinons aujourd’hui devant la dépouille des minorités : les Afro-Allemands, les valeureux anciens combattants Africains, les Afro-Américains, les déportés Antillais, Malgaches, Réunionnais, Maghrébins,  » les goumiers  » civils et prisonniers de guerre qui ont perdu leur vie en terre germanique. Nous n’oublions pas celle des  » des tirailleurs sénégalais « , ces anciens combattants, originaires de toute l’A.O.F. (Afrique Occidentale Française) qui ont été sauvagement massacrés à Thiaroye (Sénégal) le 1er décembre 1944 par la  » mère-patrie  » après avoir versé leur sang en Europe. Ils avaient osé réclamer leur dû : leurs primes de démobilisation et de retraites.
 » Je me souviendrai toujours avec tendresse de ce grand soldat noir. Il pleurait comme un enfant. Il pleurait de douleur, de toute la douleur du monde, mais aussi de fureur. Tous ceux qui étaient là, ce jour-là ressentiront toujours un sentiment de gratitude à l’égard des soldats américains qui nous ont libérés «  Elie Wiesel. Prix Nobel de la Paix 1986.
Nous nous inclinons également devant la dépouille de ces mille (1000)  » tirailleurs sénégalais  » exécutés par les SS au camp de travail de Fritzlar, le 16 juillet 1945. Ils étaient accusés d’avoir volé des pommes de terre.
Les souffrances des victimes du nazi sont une douleur humaine qui ne peut se transformer en une  » concurrence des victimes  » et encore moins servir à occuper le  » champ médiatique « (Le Monde 20.3.2005) ; car il n’existe pas de degré dans la souffrance, mais une douleur humaine unique, face à la folie meurtrière d’un système arbitraire qui a causé des ravages au-delà de l’Europe. Ce rappel historique a pour but de mettre en exergue l’effort de guerre des soldats africains. Ils n’ont pas hésité à répondre à l’appel de l’ancienne puissance coloniale, la France. Il a également pour but de faire découvrir à tous ceux qui ne sont pas conscients de la participation des troupes coloniales d’Afrique au conflit mondial que ces valeureux combattants sont les fils des millions de femmes et d’hommes asservis durant quatre siècles et déportés en Amérique, pour arroser de leurs larmes et de leur sueur les terres du Nouveau Monde. A ces femmes et hommes, civils et militaires et aux marraines de guerre des pays d’Afrique, l’Europe est redevable.

Sources :
1 : Article du „Soleil »Août 1984. Dominique Mendy et la légion d’ Honneur
2 : Emission de la télévision sénégalaise „Dominique Mendy.Témoins de notre temps »
3 : Au mois de novembre 1944, 20 enfants juifs (10 filles et 10 garçons âgés de 5 à 10 ans) sont transférés
d’Auschwitz à Neuengamme où ils furent soumis à des expériences pseudo-médicales par le médecin Dr. Kurt Heissmeyer. On leur transmit des bacilles de tuberculose et on leur préleva les ganglions lymphatiques. Afin de camoufler les recherches faites sur ces enfants, ils furent amenés à Hambourg dans la nuit du 20 au 21 avril 1945, alors que les Alliés s’approchaient du camp. Les 20 enfants juifs furent pendus dans la cave de l’école de Bullenhuser Damm, avec les 2 médecins français, et les 4 infirmières polonaises. Le lendemain, leurs corps furent calcinés au four crématoire du camp de concentration de Neuengamme. Ce sont les derniers détenus qui se trouvaient encore dans le camp qui l’ont fait savoir aux troupes britanniques. Apparemment Dominique Mendy les avaient vus, car ce sont les seuls enfants qui étaient dans le camp. Il a probablement cru que les infirmières étaient les mères des enfants.Ces 20 enfants juifs sont entrés dans l’histoire sous le nom de  » Les Enfants de Bullenhuser Damm « .Un mémorial  » le Mémorial de la Roseraie de Hambourg  » leur est consacré à Hambourg. L’école où ils ont été pendus a été rebaptisée Ecole Janusz Korczak, en souvenir du responsable de
l’orphelinat de Varsovie qui mourut avec ses enfants dans une chambre à gaz du camp de concentration de Tréblinka.
cf. Erich Hartmann. Dans le silence des camps.Editions de la Martinière, 1995.
Günther Schwaerberg, Der SS-Arzt und die Kinder vom Bullenhuser Damm. Göttingen 1979, Steidl Verlag.
4. John William. Si Toi Aussi Tu M’Abandonnes. Préface de Henri Noguères.Ancien Président de la Ligue des Droits de l’ Homme. Paris 1990 : ed. du Cerf. 182p. Autobiographie
5 :Le nom d ‘Ambroise Bilan m’a été communiqué par Serge Bilé et son numéro de matricule par Mme Kühnast et Mr. Römer, archivistes de Neuengamme à qui j’exprime mes remerciements.
Remerciements de l’auteur à Mme Marie Mendy et aux anciens combattants du Sénégal qui lui ont accordé un entretien.
6 :  » El Hadj  » titre que porte tout Musulman qui a entrepris le pèlerinage aux lieux saints de la Mecque.
7 : Parmi les cimetières où reposent des soldats Africains, citons celui de Luckenwalde. Les prisonniers des troupes coloniales qui étaient déportés à Moosburg (en Bavière) ont été enterrés avec d’autres prisonniers français au cimetière d’Oberreit en Bavière.
8 : En souvenir des soldats qui sont morts sur le champ de bataille en Europe et pour les 188  » Tirailleurs  » qui ont été massacrés par les Nazis à Lyon, un cimetière en style africain  » le tata sénégalais  » a été construit à Lyon. Qu’ils reposent en paix !
8 : Robert Kesting « Forgotten Victims, 31-32 in War Crimes Branch, U.S. Army 16 July 1945
Lors de l’entretien que nous avons eu avec Hans-Jürgen Massaquoi, le 27 septembre 2004 à Dresde, il apprécierait une traduction en français de son autobiographie  » Destined to Witness. Growing up Black in Nazi Germany « . En allemand Neger, Neger Schornsteinfeger (Nègre, nègre Ramoneur) Cet auteur métis libérien a vécu toute la période du 3 ème Reich à Hambourg. En 1948 il se rend au Libéria chez son père qui l’envoie aux Etats-Unis. Il fut le rédacteur en chef de la revue des Afro-Américains Ebony.
Pierrette Herzberger-Fofana.  » Un Noir à Hambourg  » : in :Regards Africains. Genève 2003, no.1 34.
Les lois raciales de Nuremberg.L’ Additif du 25 Novembre 1935 par les Prof. Dr. Globke et Stuckard stipule que :  » ces personnes devront aussi prouver leur origine allemande, soit par un acte de naissance, soit par un acte de mariage des parents ou tout autre document. Cela s’applique particulièrement à ceux qui, même s’ils sont Allemands, ont à l’évidence, une fraction de sang étranger, comme par exemple du sang nègre, même si cela n’est pas mentionné dans leurs papiers, C’est le cas, en l’occurence, des bâtards nègres du temps de l’occupation de la Rhenanie. « .
[email protected]
– Université Erlangen-Nuremberg. (Allemagne)
– Lauréate du Grand Prix du Président de la République du Sénégal pour la Recherche scientifique 30. 6. 2003.-
– Ex candidate au poste de maire de la ville d’Erlangen, Allemagne. » Grüne Liste  » (Les Verts).///Article N° : 3868

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