Meilleure interprétation masculine avec Rodrigue Barbe dans le rôle de l’aveugle lors du festival concours » Les scènes nationales du théâtre camerounais « , la pièce de Pabé Mongo » Le roi des manchots » invite les handicapés à s’associer pour faire de leurs infirmités un atout dans la société.
Ce fut là, avec le Théâtre universitaire de Yaoundé I (TuYI), la dernière création de Emmanuel Keki Manyo, metteur en scène de renom du théâtre camerounais. Pièce de vieille écriture, » Le roi des manchots » a été publiée en 1993 et jouée pour la première fois par le TUYI à l’amphi 700 à l’Université de Yaoundé I en février 2003. » De retour d’un voyage, j’ai trouvé que Keki avait déjà amorcé la création du » Roi des manchots » et distribué les rôles principaux, explique José Charles, assistant à la mise en scène. Comme d’habitude, il voulait que je participe une fois de plus à cette création et je refusais. Alité, il dirigeait la mise en scène à partir de son lit d’hôpital et, quand la maladie a commencé à le ronger, les répétitions se sont arrêtées et sous ses recommandations, j’ai accepté de boucler son travail « . C’est en guise d’hommage à son mentor que José Charles Ewanè, va achever cette pièce en y apportant sa touche personnelle aussi bien au niveau du jeu que sur tous les supports de travail. Un travail intense qui va durer une semaine.
Un double manchot, un aveugle et une estropiée sont révoltés par leur état et le dédain que la société leur renvoie. Le trio d’handicapés décide de s’unir pour compléter leurs infirmités et mener une vie normale. Ils mettent sur pied un groupe musical qui va connaître un succès jusqu’à ce que les vices (jalousie, égoïsme, méchanceté
) inhérents à la nature humaine apparaissent et viennent fragiliser le groupe. Et là, d’autres handicapés (un lépreux, une folle et un sourd-muet) arrivent chez eux pour leur demander l’aumône. Une leçon de moralité interprétée pendant 65 minutes par Barbe Rodrigue, Essouma Long, Marlyse Fopa, Alvine Megha et Kidong à Ngon, tous membres du TUYI. A travers les problèmes des handicapés, l’auteur pose la problématique de l’exploitation et de la méchanceté humaine. En réalité, l’union ou l’association n’est pas toujours comme nous la voulons. Les gens s’unissent pour s’exploiter et le roi manchot est le prototype de cet humain qui unit les autres pour les exploiter. Le fait qu’il refoule toux ceux qui demandent l’assistance matérielle témoigne de son appartenance à l’espère humaine : méchanceté et égoïsme
La touche singulière de José Charles est dans l’orientation de la mise en scène qu’il rend ici dynamique, sans donner de répit aux trois principaux acteurs. Ils s’ancrent dans la réalité en tant qu’handicapés et personnes de la rue, qui par conséquent bavardent beaucoup. José Charles amène chaque comédien à s’imprégner de la personnalité du personnage et du texte qu’il interprète selon l’évolution psychologique du personnage : » Je travaille avec chaque acteur par rapport à son texte et lui demande après la perception d’incarner son personnage « . Le texte entraîne une typologie des vêtement et les haillons des épaves (handicapés) témoignent du décalage social avec les normaux. L’espace scénique peu encombré permet aux comédiens de se mouvoir librement. Les décors et accessoires de jeu se limitent à une canne, une natte, un bidon, etc. Les plastics colorés en bleu et noir marquent la dualité qui réside en chaque individu et met le bien et le mal en scène. Il y a des gens purs et naïfs, victimes et coupables dans le spectacle comme dans la vie courante.
Etudiant au troisième cycle en arts de spectacle à l’Université de Yaoundé I, José Charles Ewanè poursuit parallèlement une formation de conseiller principal de jeunesse et d’animation à l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs) avec pour spécialisation le montage des projets culturels et des loisirs. Il s’occupe particulièrement du théâtre. Avec « Le roi des manchots », il signe la remarquable mise en scène d’une radioscopie de la société reflétant la réalité humaine.
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