Écrire par plaisir

Entretien de Tanella Boni avec Fatou Keïta

Juin 2003
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Auteur notamment de plusieurs albums pour enfants, Fatou Keïta est avec Véronique Tadjo une des auteures de jeunesse ivoiriennes les plus prolixes et les plus marquants. Entretien avec une auteure qui revendique une meilleure promotion pour les livres de jeunesse.

Qu’est-ce qui t’a amenée à la littérature de jeunesse ?
Le plaisir ! J’aime l’univers des enfants et les histoires pour enfants. Mes deux premiers livres ont pris forme lors d’un concours de l’ACCT, en 1994. Mes deux livres, Le petit garçon bleu et La voleuse de sourires ont eu un prix. Cela m’a donné envie de continuer et de faire mieux. Je préfère écrire pour les enfants, plus que pour les adultes. Pour moi, écrire pour les adultes est souvent douloureux, parce qu’on écrit sur des choses qui font mal. Tandis qu’écrire pour les enfants est un plaisir.
Avant d’écrire pour les enfants, est-ce que tu avais pris connaissance de ce qui avait été fait en littérature jeunesse en Côte d’Ivoire ?
Quand mes enfants étaient petits, j’étais volontaire pour lire des ouvrages à la bibliothèque de leur école. J’ai donc eu l’ occasion de feuilleter des livres pour enfants, mais ils étaient surtout européens. Je voulais leur lire des histoires africaines, et il y en avait bien peu. Ça manquait vraiment. Et puis je trouvais que ces histoires venues d’ailleurs étaient assez lassantes, pas très passionnantes, et je me suis dit que je pouvais faire mieux ou au moins égaler.
As-tu eu des problèmes pour te faire éditer ?
Les prix obtenus par les deux premiers livres m’ ont ouvert grandes les portes des Nouvelles Éditions Ivoiriennes (NEI). Le succès de ces deux livres en librairie a été un encouragement de plus pour l’éditeur. Je dois dire que c’est un privilège, je suis très chanceuse de ce côté-là. J ‘ai aussi beaucoup de liberté, je travaille en personne avec les illustrateurs. C’est aussi cela qui fait le succès des livres. J’ai travaillé avec plusieurs illustrateurs : Claire Mobio, Zohoré, Aminata Konaté. Certains de mes livres ont été repris en Europe par d’autres illustrateurs avec lesquels je n’ai pas du tout travaillé. Je suis très contente du résultat de l’illustrateur allemand de La voleuse de sourires, mais horrifiée par la version anglaise. Ce qui prouve bien que c’est un avantage de pouvoir travailler avec l’illustrateur.
La diffusion de tes livres s’est donc bien passée ?
Les NEI font des efforts mais ils pourraient en faire plus. Nos livres marchent bien – dans les différents festivals, ils se vendent comme des petits pains. Les éditeurs pourraient mieux batailler pour la promotion de nos livres qui, il me semble, sont appréciés aussi en Europe.
Comment vois-tu l’avenir de la littérature jeunesse en Côte d’Ivoire ?
C’est un domaine qui a beaucoup d’avenir. Nous manquons encore d’auteurs pour enfants qui écriraient de bonnes histoires pour les 2-10 ans. Le marché est pourtant là. Les enfants en redemandent, ils veulent des histoires africaines parce qu’ils s’y retrouvent. Et pour les petits Européens, ça change de ce qu’ils ont l’habitude de voir. Nos livres peuvent voyager et doivent voyager. Il faudrait simplement que les libraires fassent un effort pour mettre cette littérature en valeur et en évidence dans les rayons, et que les éditeurs fassent une meilleure promotion. Pour mes livres, alors que ce sont des livres qui marchent, on ne fait absolument aucune promotion !
Tu penses que la lecture a un rôle très important à jouer dans la formation ?
Absolument. C’est habituer l’enfant à la curiosité, lui faire découvrir l’Autre à travers les livres. C’est aussi prendre des habitudes de lecture, ouvrir l’esprit. Si nous sommes en guerre aujourd’hui, c’est aussi parce que les esprits sont très étriqués. Donnons le goût de la lecture aux enfants dès le plus jeune âge, et tout le monde en bénéficiera.

///Article N° : 3190

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