Foté Foré, explosion blanche noire du Cirque Mandingue de Guinée

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Foté Foré (Blanc Noir), première création du Cirque Mandingue de Guinée, s’invite entre codes du cirque traditionnel et retenue poétique du nouveau cirque. Sur la scène du Cabaret sauvage (Paris XIXe), cette troupe de onze artistes guinéens, acrobates, danseurs, musiciens a séduit par leur folle énergie, contant par une métaphore circassienne la nécessité d’inventer sans cesse pour survivre dans le dénuement.

Les artistes se préparent et les enfants, déjà, font de la scène un terrain de jeu. Ils s’improvisent petits acrobates ce soir, leurs rires emplissant chaleureusement la salle du cabaret dans l’attente. Le ton est donné : la troupe du cirque mandingue se moque bien de scène-frontière entre artistes et spectateurs, leurs numéros s’enchaînant de tous côtés, nous côtoyant. Vêtus de t-shirt et survêts aux couleurs vives, pieds nus ou chaussés de baskets, faisant danser leurs dreadlocks aux rythmes des percussions, cette équipe donne à voir un cirque accessible et imprévisible, mêlant acrobatie et danse hip-hop dans un ensemble chorégraphique festif et effronté.
Digressions circassiennes sur la débrouille
Un marché de Guinée s’improvise, dix artistes criant, agitant au son des djembés des bouts de tissus bigarrés pour les vendre à l’homme blanc qui vient de déposer sa valise, une scène plus tôt. Par cette valse de couleurs et de sons, la troupe se présente. Elle cherche à illustrer, tout au long du spectacle, la force créatrice et ingénieuse qui peut émaner de trois fois rien, force dont la survie dépend au quotidien en Guinée où la débrouille et l’entraide sont une nécessité. Les artistes peignent une fresque acrobatique, à l’image de leur expérience de vie, eux, enfants de la rue qui ont découvert le cirque sur les plages de Conakry. Né ainsi au bord de l’eau, le Cirque Mandingue prend forme lorsque Luc Richard, un ancien du cirque Baobab, et Richard Djoudi, metteur en scène des spectacles de M et Vanessa Paradis, rencontrent ces jeunes acrobates guinéens lors du 2e Festival culturel panafricain d’Alger, en juillet 2009. Sous le charme, ils les aident à mettre en valeur leurs talents dans le cirque professionnel. La troupe en devenir met alors en place Foté Foré lors d’une résidence à la scène nationale de Marne la Vallée (77) – La Ferme du Buisson – ainsi qu’au 104, en novembre 2011. Elle reçoit la même année le Prix du Cirque du soleil au 32e festival mondial du cirque de demain, pour cette première création.
L’histoire des artistes du Cirque Mandingue sera-t-elle bientôt celle d’autres enfants de rues pris sous l’aile de nombreuses associations comme le cirque Baobab, ou Oxfam, qui entreprennent de professionnaliser ces jeunes talents sur le continent africain ? Un engouement pour les contes circassiens évoquant l’histoire d’un peuple s’observe ainsi depuis quelque temps, le spectacle Foté Foré accompagnant notamment la sortie du plus ambitieux Cirkafrica, au cirque Phénix en janvier.
Un dialogue entre cirque et danse hip-hop
Tout au long de Foté Foré s’entremêlent danse hip-hop et joutes acrobatiques. Si le mariage semble par moments forcé, il propose une comparaison intéressante en accueillant un danseur français, seule note blanche de la troupe, lequel joue de sa différence pour interroger sur la plus étrange, ou la plus « étrangère » des contorsions. Celle de l’acrobate guinéen qui, vêtu tout de blanc, transforme à sa guise son corps rendu difforme, entre drôlerie poétique et exploit sportif ? Ou bien celle de ce danseur branché qui se déstructure en ondulations, « smurf », « locking » comme un automate sur une musique pop ?
On cherche parfois ce fil rouge qui permet de glisser doucement d’un numéro à l’autre, et le regard est davantage séduit par l’esthétique des passages où la troupe se dessine en pyramides humaines et autres chorégraphies d’ensemble. Une harmonie naît de ces moments où les aptitudes de chacun se rencontrent dans un mouvement collectif, là où la poésie devance l’exploit sportif. Tel cet acrobate qui se prend à défier l’équilibre d’un mât chinois, s’y hissant à l’endroit, à l’envers, de côté, aidé des rythmiques de quatre djembés et des cris de ses camarades qui maintiennent en cœur ce mât comme pour braver ensemble une tempête.
Seule présence féminine de la troupe, une danseuse s’immisce tout au long du spectacle. Dégageant comme les autres une belle fougue, elle reste trop souvent comme un élément de décor, telle une variante de ces danseuses qu’on voit habiller tristement les numéros de cirque traditionnel. Le final la met toutefois en valeur d’une image poétique, une pluie de sable sur ses épaules dans la pénombre. Un public aux anges en redemande alors et s’autorise à plusieurs rappels auxquels la troupe répond en improvisations musicales, comme s’il s’agissait d’un concert, confirmant cette impression que le Cirque Mandingue est décidément bien dans ses baskets.

En tournée dans toute la France jusqu’au 20 avril 2013 à Quimper, Trappes, Aulnay-Sous-Bois, Saint-Raphaël, Fleury-Les-Aubrais, Châteaudun, Orvault, Privas, Annemasse, Villefranche sur Saône, Portes Les Valence, Créteil.///Article N° : 11240

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Les images de l'article
Cirque Mandingue de Guinée © Milan Szypura
Cirque Mandingue de Guinée © Richard Djoudi





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