Frères Volcans

De Vincent Placoly

Mise en scène : Anne-Marie Lazarini
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Un spectacle qui se met à table
C’est un curieux roman de Vincent Placoly qu’Anne-Marie Lazarini a choisi de porter à la scène pour célébrer le poète antillais, mort en 1992, et le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage. Il se présente en effet comme un livre-journal écrit par un Blanc en 1848 et miraculeusement retrouvé. Homme de lettres, amoureux des philosophes des Lumières, il a renoncé à ses propriétés, à ses esclaves et s’amuse à observer ses congénères, sentant venir à travers la maladie qui le ronge, la fin d’un monde.
Et il y a bien quelque chose de tchekhovien dans cette petite société insouciante qui déguste du porto à l’ombre des palétuviers sans pressentir la révolte qui couve… à ceci près que sa cerisaie a plutôt l’allure d’  » un mur de sang élevé par l’esclavage entre la race noire et les propriétaires « .
Langues de sable, coulées blanches qui avancent sur l’étendue rouge du plateau devenu mer de sang, l’espace scénique n’a rien d’un décor insulaire azuré. Anne-Marie Lazarini a construit toute sa scénographie autour d’un grand plateau posé sur ces dunes de sable qui avancent dans le rouge, un plateau qui tour à tour se métamorphose en table de lecture du manuscrit que les acteurs gardent toujours en mains, en ponton d’où l’on aperçoit les navires qui accostent dans l’île, en rail sur lequel avance inexorablement la mèche enflammée de la révolte, en cène… où tous les acteurs-commensaux partagent la pâque, celle d’un monde écartelé où le pain et le vin sont la terre nourricière des colons et le sang des nègres qui l’a fécondée.
Car la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini ne se fait jamais illustration, elle aborde la scène comme un autel autour duquel les acteurs-commensaux sont réunis pour partager une mémoire, celle de ce manuscrit, et faire resurgir le passé selon un rituel de possession dans lequel les comédiens sont en somme les médiums.

créé en novembre 1998 et repris en avril 1999
Adaptation : Sylviane Bernard-Gresh
assistante à la mise en scène : Geneviève Yeuillaz
Musique : Hervé Bourde
Décor et lumières : François Cabanat
Costumes : Dominique Bourde
avec Hervé Bourde, Erice Delor, Claude Guedj, Isabelle Mentré, Louis Mérino, Raymonde Palcy, André Retz-Rouyet.///Article N° : 897

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