Homophobie et racisme : les facteurs d’exclusion se démultiplient

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Tjenbé Rèd est une association afro caribéenne de lutte contre l’homophobie et le racisme créée en 2007. Elle se targue d’être la seule à prendre à bras le corps à la fois les discriminations liées à l’orientation sexuelle et à la couleur de peau.

« Je ne me retrouvais pas dans les associations LGBT [1] « métropolitaines » ». Andrée- Lise, martiniquaise ayant toujours vécu en métropole, a ainsi décidé en juin 2012 de rejoindre Tjenbé Rèd, association afro caribéenne de soutien aux personnes noires et métisses LGBT. « Dans la société antillaise, la religion occupe une place importante et la société demeure très machiste. J’avais besoin de savoir comment les personnes de la même culture que moi en avaient parlé à leurs proches », explique cette quarantenaire qui a fait son coming-out après avoir été mariée pendant plusieurs années.
Pour vivre heureux, vivons cachés
Si l’homosexualité d’Andrée-Lise a été bien acceptée par sa famille, elle leur a longtemps caché, de peur de leur réaction. C’est ce que l’on appelle l' »an ba fey » en créole. Ces termes signifient littéralement « sous les feuilles », « camouflé ». L’expression renvoie également à un concept plus vaste que l’on pourrait résumer ainsi : « pour vivre heureux, vivons cachés ». Mais il n’y a pas qu’aux Antilles qu’André-Lise préfère rester discrète. « Lorsque je me promène à Saint-Denis, si je suis avec une copine, j’évite d’avoir des gestes d’affection, ce n’est qu’une fois passé Saint-Lazare sur la ligne 13 que l’on se sent plus à l’aise », estime-t-elle.
David Auerbach Chiffrin, salarié de Tjenbé Rèd, lui aussi originaire de Martinique, n’hésite pas à comparer la société antillaise à la France rurale où tout le monde connaît tout le monde, où la peur du qu’en dira-t-on rend parfois difficile, sinon impossible, un comingout. L’histoire de l’esclavage pèse également sur les homosexuels antillais car pour beaucoup, l’homosexualité représente « une perversion du blanc ».
Plaidoyer
Tjenbé Rèd, créée en 2007 a ainsi pour ambition de prendre à bras-le-corps l’ensemble des discriminations qui pèsent sur les populations afro caribéennes. Pour ce faire, l’association travaille à la fois sur le terrain et développe son action de plaidoyer auprès des pouvoirs publics. Leur postulat est simple : les discriminations, qu’elles soient liées à la couleur de peau ou à l’orientation sexuelle, ont la même racine, la domination. « Par ailleurs, lorsque vous êtes noir et homosexuel, les facteurs d’exclusion ne sont pas simplement additionnés mais démultipliés », explique David Auerbach Chiffrin, puis de regretter : « Les autres associations LGBT ne font pas le lien entre les discriminations, au contraire, elles « invisibilisent » la couleur ce qui entretient le racisme ».
Si les associations peinent à traiter les problèmes de discriminations croisées, Tjenbé Rèd a également du mal à trouver une oreille auprès des pouvoirs publics. « Lorsque l’on se rend au ministère des Droits des femmes [2], ce dernier estime que notre association relève du champ d’action de la Délégation interministérielle contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra) et lorsque que nous nous adressons à la Dilcra, cette dernière nous renvoie vers le ministère « , explique David Auerbach Chiffrin et de conclure : « Tout le monde se renvoie la patate chaude ! »

En savoir plus :

Tjenbé Rèd, qui signifie « accroche-toi en créole », accompagne également les personnes en situation de difficulté et d’isolement. Pour en savoir plus, rendez-vous sur leur site Internet : www.tjenbered.fr

Vous pouvez également les contacter à l’adresse : [email protected]///Article N° : 12577

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