« Ils n’avaient pas l’impression que nous représentions le Congo »

Entretien d'Olivier Barlet avec Durand Boundzimbou, chorégraphe

Abidjan, 2001
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Compagnie Tieri
(Congo-Brazzaville),
L’Homme.

Votre chorégraphie évoque très fortement un éveil.
J’ai travaillé le spectacle à partir de la Bible : Adam et Eve. D’où une telle impression d’éveil. Adam est seul dans le jardin d’Eden, isolé. La création de la femme permettra un progressif accouplement.
La communication est effectivement centrale.
Oui, mais je cherche à la mettre en œuvre par la danse : non avec les mots du théâtre mais avec les mouvements du corps.
La musique étonne à chaque instant.
C’est une création. Je ne voulais pas de synthé ! Elle doit nous permettre de faire de la danse contemporaine africaine. Certains rythmes sont congolais mais la plupart sont notre création. C’est ainsi que des rythmes saccédés émergent. Je demande aux batteurs de jouer ainsi. On créé sur une bouteille de jus, des boîtes de conserve, on crée nous-mêmes les instruments et on improvise. Les rythmes viennent d’eux-mêmes durant le travail. Sinon, je demande aux batteurs de m’en proposer. Un va et vient s’installe entre la musique et la danse.
On retrouve en filigrane les danses d’Afrique centrale.
Nous sommes tous des Africains mais je ne veux pas me limiter à la tradition. La danse africaine reste la base de notre travail. J’ai l’impression ici que les danseurs de Côte d’Ivoire exploitent peu leurs traditions dans la danse contemporaine et ont tendance à imiter les danses européennes. Je n’ai été à Paris qu’à l’occasion du prix RFI dont nous étions lauréats…
Quelles sont donc vos influences ?
Ce sont les danses traditionnelles congolaises : le moye, que j’ai perfectionné, et le kingoli, une danse du nord du Congo, le nzobi, également du nord, ainsi que le congo, une danse du Sud. Les autres mouvements sont de notre propre création. Nous puisons dans le capital traditionnel mais je crois que c’est ça notre force !
Comment votre danse est-elle reçue au Congo ?
Au début, le public ne comprenait pas car les mouvements des différentes danses sont très mélangés et retravaillés. Une explication s’imposait. Maintenant, les gens aiment bien. Nous étions les premiers à faire de la danse contemporaine et au niveau international : nous avons été les pionniers. D’autres danseurs ont ensuite émergé comme Chrysogone Diagouaya qui est allé en stage chez Germaine Acogny et est maintenant en Europe.
Vous n’y avez pas été vous-même ?
Je vais y aller maintenant, sur proposition du CCF. Puis à Montpellier chez Mathilde Monnier. Je ne suis pas encore souvent sorti du pays et n’ai pas encore vécu beaucoup de confrontations de ce type : le Masa est notre deuxième sortie !
Vous avez dans la troupe un très jeune danseur.
Il a 17 ans mais paraît plus jeune. Ce n’est pas un problème : on forme les jeunes et on les aide à comprendre la danse et la vie. Ils grandissent ainsi aussi moralement.
Comment en êtes-vous venu à la danse ?
Lorsque j’étais écolier, j’ai vu un groupe qui dansait. Cela m’a donné envie de faire de même. J’ai été ensuite soutenu par le CCF pour explorer les directions de la danse contemporaine. Cela a d’abord donné une création de quinze minutes et la directrice m’a fortement encouragé à poursuivre. Je peux y travailler tous les jours ouverts ; cela donne une structure bien et la salle est bien équipée.
Etes-vous soutenu par le ministère ?
Les conseillers de la Culture ne nous ont pas soutenu pour participer au Masa : ils n’avaient pas l’impression que nous représentions le Congo.

///Article N° : 1965

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