Dans la nuit du 25 au 26 avril 2014, Yaya Savané s’est éteint à Paris. Né en 1950 à Daloa (Côte d’Ivoire), historien et anthropologue, auteur de nombreux articles sur le patrimoine et le musée, ancien Conservateur en chef du Musée d’Abidjan, il était, depuis le début des années 90, aux côtés d’André Magnin, chargé de la conservation, de la protection, de la diffusion et de la valorisation des uvres de Frédéric Bruly Bouabré, disparu le 28 janvier dernier. Il était également Conservateur à la Rotonde des Arts Contemporains d’Abidjan et directeur exécutif de l’Association Visage du Musée Africain (AVMA). Il est l’un des co-auteurs de Frédéric Bruly Bouabré (quatre tomes sous coffret), paru chez Xavier Barral en 2013.
Je ne pensais pas pouvoir écrire un jour ces mots, moi qui aime le silence, comme tu sais. Mais je ne serai pas là, parmi la foule de tes amis, tes parents, voisins, ceux avec lesquels tu as travaillé, ceux que tu ne connais pas. Celles et ceux qui t’accompagneront en paroles sur la terre que tu as tant aimée. Tu es l’homme qui rassemble, toi enraciné dans le champ culturel et artistique de la Côte d’Ivoire, toi qui accompagnas Frédéric Bruly Bouabré, l’homme, l’artiste et le penseur jusque sur la scène mondiale. Ici, le mystère n’a pas pris fin, il commence, il s’installe, personne ne sait pourquoi tu pars, et maintenant. Depuis la matinée du 26 avril, on n’y croit pas, on n’a pas envie d’y croire. Mais la vérité de la vie se rappelle à nous de diverses manières, parfois de la manière la plus simple, la plus brutale, par un coup de fil qui rompt la beauté du temps qu’il fait, le temps tout simplement. Oui, la vie ne tient qu’à un fil qu’il faut maintenir au beau fixe. Je te revois joyeux, l’espoir plein la voix, jusqu’aux derniers instants.
On s’était parlé au téléphone juste avant Pâques, tu étais sur ton lit d’hôpital. J’ignorais que ce serait la dernière fois qu’on se parlait. Tu m’avais dit, avant de raccrocher : « toi qui es philosophe, tu sais, c’est la vie ». J’ai gardé tes paroles pour moi. Voulais-tu me dire quelque chose ? Maintenant je sais ce que tu voulais me dire, toi polyglotte qui savais des langues réservées à quelques initiés.
Je fouille parmi mes souvenirs, je ne retrouve pas la scène de notre rencontre. Elle n’a peut-être pas existé, parce que tu as toujours été présent. Dans ma famille, tout le monde te connaît, à la maison comme ailleurs dans le monde. Personne n’oublie ta présence, ta silhouette si particulière, ton look d’artiste qui s’est affirmé ces dernières années, ton humilité, ton dévouement. Je dirai ton humanité, tout simplement. Or moi à l’Université et toi au Musée de la ville d’Abidjan, il n’était pas évident que nous puissions travailler ensemble. Et pourtant, à la fin des années 90 et jusqu’en 2002, le Festival international de poésie a existé. Il fallait se plier en quatre pour trouver les moyens de l’organiser. Ta détermination, ton dévouement, ta bonne humeur, ton optimisme n’ont jamais fait défaut. Des foules de souvenirs autour du festival me reviennent. Les poètes auxquels j’ai dit que tu es parti te saluent
Comment effacer de ma boîte aux lettres le mot « échos » que tu affectionnais, ce mot qui annonçait ta présence parmi une foule de courriels ? Oui, tu aimais envoyer des « échos d’Abidjan », des nouvelles du pays, de petites histoires mine de rien, toi qui avais de l’humour à revendre. Tu étais présent par tes coups de fil, tes conversations impromptues. Les amis, proches ou lointains, ça comptait à tes yeux dans un monde où chacun s’occupe de ses propres affaires, où les amitiés coulent, éphémères et sans constance. Et toi tu parlais des amis aux amis, tu agrandissais le cercle de l’amitié. Tu n’as jamais oublié le bonjour ni le bonsoir.
Frédéric Bruly Bouabré, ton père spirituel, ton père tout court, n’a pas encore rejoint la terre des ancêtres et tu pars à ton tour. De là-haut ou de là-bas, tu continues de l’accompagner. Car tu es ce passeur optimiste qui ne craignait rien sauf Dieu. Qu’il éclaire ton chemin de la traversée
28 avril 2014///Article N° : 12196
Un commentaire
Dear all, I am prem ramanayake, one of who studied with Yaya at the Leningrad university during 1970-80s. I am from Sri Lanka and now retired lecturer. Yaya was one of my ‘brothers’. Yaya and me lived in same hostel rooms for many years. He is elder. He was a real brother and friend. His advices helped us many times to succeed our tasks. He was so simple, helpful, intelligent and philoshoper. Normally he was very good in cooking and treating others. He prepared fufu so taste that even today we remember. He derived much pleasure from treating us.
After graduation we departed. Faced problems with employments etc. so unfortunately our contacts lost. Although many times I tried to find Yaya address , could not. All of sudden I see the news of demise of Yaya.
I feel so sorry that I could not talk even a word with him then.
How can I pay my debt to him! May he join the God!