Introduction générale. Question de peau, question de politique.

Avignon 2015

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En partenariat avec le Festival Avignon Off, La Chapelle du Verbe Incarné et la Compagnie Rualité, le Laboratoire SefeA a fait cet été son Université d’été autour d’une question d’actualité qui agite les scènes contemporaines et qui a été au rendez-vous de plusieurs débats au cours du festival d’Avignon.
La saison théâtrale a été marquée par de vives polémiques autour de la « diversité » sur les scènes françaises. Depuis les manifestations liées à l’installation performance de Brett Bailey le débat s’est poursuivi avec la table ronde organisée au Théâtre de la Colline pour promouvoir le programme 1er Acte. Notre laboratoire s’interroge depuis longtemps sur la place accordée aux créativités afrocontemporaines dans la culture française. C’est dans le sillon de cette actualité que nous organisons notre Université d’été en Avignon en partenariat avec le Festival Off, la Compagnie Rualité et la Chapelle du Verbe Incarné.
La société française est largement polychrome, mais cette variété des carnations et bien peu représentée sur les plateaux des théâtres nationaux et subventionnés par l’Etat. Les acteurs noirs sont nombreux et créatifs, néanmoins leur présence dans le paysage théâtral français reste invisible. Pour que la créativité des Afrodescendants fasse l’actualité, il faut qu’un événement soit associé à « leur condition », alors l’institution théâtrale rend hommage aux Antillais et aux Africains de France, on monte Les Nègres de Genet ou La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire, histoire d’avoir un beau panel d’acteurs noirs, ou encore on décide de traiter du fait colonial et de l’esclavage et on convoque un événement commémoratif et dénonciateur avec son lot d’Afrodescendants en vedette et sans oublier les invitations festivalières à l’Afrique lointaine pour dépayser les spectateurs avec ses violences génocidaires, ses guerres, sa misère endémiques et ses rêves migratoires. Pourquoi a-t-on l’impression que ces projets théâtraux ne sont jamais très loin d’un dispositif d’exhibition ? Le laboratoire « Scènes francophones et écritures de l’Altérité » souhaite interroger la scène contemporaine et la notion d’incarnation dans les pratiques théâtrales de notre XXI siècle. Pourquoi les artistes noirs se voient systématiquement enjoints de convoquer l’Afrique, les îles ou l’histoire coloniale, quand ce n’est pas l’immigration et le territoire des « sauvageons » de banlieue ? Pourquoi hommes et femmes noirs restent-ils enfermés dans leur apparence épithéliale au regard de créateurs, metteurs en scène et directeurs de théâtre qui ne voient pas au delà de la peau ? Le corps de l’acteur est-il le corps du personnage ? Le personnage a-t-il même une peau ? La question noire au théâtre n’est pas une simple question de diversité, c’est une question politique qui témoigne d’un impensé théâtral ou plutôt d’un refus de penser une question sociale qui convoque toutes sortes de crispations et de clichés qu’il est urgent de mettre à jour et de déconstruire.
Les journées d’étude de l’université d’été ont permis de présenter La Mort de Danton le film d’Alice Diop dans le cadre des Ecrans du Tout monde ainsi que Z.H. un film d’Enrico Bartoluci autour du travail chorégraphique de Bintou Dembélé et de lancer le jour du 14 juillet un large débat public animé par Isabelle Elizéon sous le Chapiteau du Off où les artistes afrodescendants sont venus nombreux s’exprimer et partager leur point de vues et leurs expériences aux côtés des chercheurs : Souria Adèle, Jean-Camille Sormain, Paulin Foualem Fodouop, Nach, Bintou Dembélé, Silex, et bien d’autres… Ce fut aussi l’occasion d’entendre les magnifiques textes de la slameuse Silex et de découvrir Nigra sum / Pulchra es, un solo de la krumpeuse Anne-Marie Van, dit Nach, sur une proposition du chorégraphe Heddy Maalem : un moment rare d’une extrême intensité qui a suscité beaucoup d’émotion. A noter également « Un acteur, c’est de quelle couleur ? », la table ronde animée par Pierre Letessier avec Chantal Loïal, Mariann Matthéus, Paulin Foualem Fodouop, Bintou Dembélé, Alice Diop et Julia Gros De Gasquet. Enfin, nous publions ici les conférences qui ont été données dans le cadre de la deuxième journée « Peau et exhibition sur les scènes contemporaines ».

Le personnage a-t-il une peau ? par Sylvie Chalaye
Les Nègres : avec Wilson mais sans Genet par Marjorie Bertin
Carnation et incarnation au théâtre vues par Patrick Chamoiseau par Stéphanie Bérard
Présenter au lieu de représenter. Une alternative à la question de l’incarnation sur scène ? par Isabelle Elizéon

<small »>Les 14 et 15 juillet 2015 en Avignon
Responsabilité scientifique : Sylvie Chalaye///Article N° : 13336

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