En 1998, K-Reen entrait de plein pied dans le monde du Rythm and Blues (R’n b). Son succès fut immédiat, la presse spécialisée lui prédit un bel avenir. La jeune Guyanaise se remet alors au travail, cherche un son et se découvre. Dimension est le résultat de sa quête.
Tu as commencé par faire des churs.
Oui, j’ai fait des churs pendant trois ans avec Princesse Erika, Lokua Kanza. J’ai commencé en 1994 et mon premier album est sorti en 1998.
Tu chantes aujourd’hui en solo, mais quelle expérience tires-tu de ta carrière de choriste ?
J’ai appris comment gérer le tract, la scène, comment réagir face au public, les enregistrements en studio, les techniques de chant.
Il y a de plus en plus de chanteurs et chanteuses R’n B en France, mais très peu de concerts, comment expliques-tu cela ?
Le R’n B n’est pas très développé. Avant cette musique, il y a le rap. Mais les gens font l’amalgame du rap et du R’n B. C’est peut être un public assez proche, mais ce n’est pas vraiment la même chose. Le rap est victime de son public : il y a des concerts qui se sont mal passés, puis il y a eu un boycott du rap et pour l’instant, les gens ne sont pas prêts pou le R’n B. Pourtant, notre public n’est pas du tout violent.
Lorsqu’il y a un artiste américain ou anglais, le public répond favorablement.
Mais ce n’est pas le public, ce sont les salles qui ne nous veulent pas, elles ne croient pas à notre musique. En général, lorsqu’il se passe des choses, le public se déplace. Maintenant que les artistes français commencent à vendre des disques, ça bouge. Matt fait une tournée et c’est le premier. Nous avons été victimes de ce qui s’est passé avant : on disait que les rappeurs ne pouvaient pas faire de la scène, à part NTM, IAM, ou d’autres assez connus. Les gens pensent que le R’n B n’est autre que de la musique de studio et que les chanteurs ne sont pas capable d’assurer un « live », mais ça reste à prouver.
Ton album vient de sortir, quelle couleur a-t-il ?
Il y a différentes couleurs dans ma musique, je la vois comme une peinture : il y a des choses un peu plus soul, d’autres qui ont un autre style.
Une fois l’album sur le marché, qu’est ce qui se passe pour toi ?
Je fais encore de la promo à travers la France, des « show cases », de la radio, des télévisions et je me remets à nouveau à écrire. Mon but est surtout de faire des « live » avec de vrais musiciens, mais c’est difficile, il me faudrait plus de moyens, mais surtout de bons musiciens.
C’est difficile surtout parce qu’il y a beaucoup de programmation.
Oui, mais lorsqu’on écoute les Américains, il y a de la programmation, mais lorsqu’ils font du « live », c’est autre chose. Et moi, c’est ce que j’ai envie de faire. Il y a de bons musiciens en France, mais qui ne s’intéressent pas forcément au R’n B. Ils pensent que c’est de la programmation. Alors que c’est juste une culture « soul », savoir jouer à l’ancienne. On n’a rien inventé, c’est la base. Il y a cependant quelques personnes qui s’y intéressent, ce sont des passionnées, ça demande des sacrifices.
Tu travailles énormément tes mélodies, elles sont faciles à retenir, les notes et les mots collent.
Je voulais qu’il y ait un son, alors je prends le temps d’écrire. La langue française est difficile à manier sur du R’n B qui n’est pas français. Je fais des petites magouilles phonétiques et j’y arrive, c’est tout un travail.
Justement, comment travailles-tu ?
Ce sont des mots que je mettrais dans un certain ordre plutôt que dans un autre. Et pour que tout le monde comprenne, j’essaie de bien articuler. C’est un double travail. Contrôler la langue, puis la phonétique. Dire des choses sensées tout en ayant un son. Il faut aussi tenir compte de la mélodie et du flow, c’est tout un travail.
Avec qui tu as travaillé ?
Avec les frères Waku, ce sont des surdoués, d’origine congolaise, ils m’ont composé deux chansons. Il y a aussi White et Spirit, les producteurs de Mystic, on a beaucoup d’affinité, il y a aussi DJ Skalp et DJ Core, ce sont deux jeunes espoirs français qui commencent à se faire connaître dans le milieu. Il y a aussi une fille, L’Aura, qui a fait une chanson.
Enfin, une fille qui compose !
Je ne sais pas pourquoi il y’en a peu, L’Aura compose, elle écrit de très belles chansons, elle m’en a fait une, Mon seul été, elle l’a écrite en tenant compte de ma sensibilité, de mon son. Elle a du talent, et j’en suis fière. Il est difficile de voir arriver une fille en studio avec un sampler. Je suis venue aux machines parce que je n’avais pas le son que je voulais. On n’est jamais mieux servi que par soi même, alors, je me suis mise au travail.
Tes rapports avec ta maison de production ?
Je n’ai eu aucune contrainte, rien ne m’a été imposé, je voulais juste avoir une belle image. J’ai demandé au photographe de faire attention à mon image. Je me fais diriger par des gens qui connaissent leur métier, mais, je jette un il sur tout, personne ne sait mieux que moi ce que je veux.
Ce que tu veux, c’est être une star, tu pourrais l’assumer ?
Sans aucun problème ! Plus sérieusement, ce n’est pas le statut qui m’intéresse. J’aimerais bien être un modèle, comme d’autres l’ont été pour moi. Le but du jeu, pour des gens de ma condition, est de voir qu’il y a des gens qui s’en sortent et donnent la force aux autres de s’en sortir. Comme beaucoup, j’ai eu du mal à l’école, j’ai toujours voulu m’en sortir dans quelque chose. La musique a toujours été ma passion et je fais tout pour y arriver. Elle m’a empêché de faire des bêtises, elle m’a sauvé la vie. Alors, j’y mets toute mon énergie afin d’être un modèle de réussite. A force de frapper à la porte, elle finit par s’ouvrir.
Tu as un modèle ?
Ma préférée c’est Mary J. Blige. Je l’aime parce qu’elle a eu un départ difficile. A ses débuts, elle avait juste sa voix, elle n’avait même pas le physique, elle était grosse. Son talent était tellement fort qu’on était obligé de l’entendre. Il y a aussi Missy Elliott, elle a beaucoup de talent. Le talent passe avant le physique. La musique est un combat et en France, c’est très difficile.
Tu es Guyanaise, peux-tu me dire quelques mots sur ton pays ?
J’adore la Guyane, j’aime bien y aller. En vérité, j’aimerais bien faire des choses là bas. Lorsque j’y arrive, plein de choses me choquent : il y a des trous partout, pas de route, alors que c’est un département français. Il y a des choses qui se passent là bas, qui ne se passeraient jamais en métropole. C’est injuste ! le peuple est abusé. J’ai la même réaction pour l’Afrique. On ne peut pas s’en foutre, ça me donne envie de faire des choses, il faut faire la révolution ! Lorsque tu arrives dans un pays, tu te dis que tout cela n’est pas normal. Tout cela donne envie de faire bouger les choses en Guyane. Il y a 80% de jeunes et il n’y a pas de loisirs. Alors, je veux faire des choses pour la Guyane.
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