Journées portes ouvertes chez Féla

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Pour le vernissage de l’exposition For Ever Live Afrika dédiée à Féla, la Fnac à sorti les grands moyens : bière nigériane au buffet et afro-beat en fond sonore.

Quand on pense à Féla, on se l’imagine généralement armé d’un joint kilométrique déambulant en petit slip dans les rues de Kalakuta son quartier-république du cœur de Lagos. Ou alors on se l’imagine chez lui, encore en petit slip, non loin d’une de ses 27 « Queen » endormie, fatiguée par les effluves de joints tout aussi kilométriques ou laminée par la partie de jambes en l’air qu’elle vient de livrer avec le mythique et très viril musicien nigérian. L’exposition For Ever Live Afrika sur Féla, organisée par la Fnac à l’occasion de la réédition de la totalité de son œuvre chez Barclay, ne fait rien ou pas grand chose pour nous débarrasser de ces clichés. Au mieux, en focalisant sur le côté exhibitionniste et grand-guignolesque de « celui dont émane la grandeur », elle confirme une fois de plus qu’il sera toujours difficile pour beaucoup de photographes occidentaux de montrer de l’Afrique autre chose que le côté émergé de l’iceberg.
Certes, la quarantaine d’images rassemblées par Philippe Bordas, photographe attitré de Mc Solaar, sont d’une qualité de composition irréprochable. Des images que lui et les Bruno Barbey, Peter Marlow, Abbas, Thierry Secrétan et autres Thomas Dorn ont ramené des nuits enfumées du Shrine, sa boite de nuit fétiche, des bidonvilles de Lagos et parfois des cérémonies vaudou auxquelles se livraient régulièrement le musicien. Des images tamisées, presque au néon, aux couleurs brûlantes de Lagos. « Néocolonialisme à l’Africaine, ultraviolence de l’armée au pouvoir, ultraviolence de la rue, multinationales repues, Mercedes, portables en or et fleuves de pétrole, telle est Lagos mégalopole de la peur« , écrit Bordas dans l’envolée ultralyrique censée présenter l’exposition. Cependant, son combat permanent contre la corruption et les relais nigérians du néocolonialisme, les passages à tabac et les tortures occasionnées par d’innombrables séjours en prison, la mort de sa mère défenestrée lors de l’assaut des militaires d’Obasanjo, tous ces faits, bien que spécifiés dans la mini-biographie de Bordas, n’apparaissent pas sur les images de l’exposition de la Fnac. « Je trouve qu’il y a beaucoup de femmes, déclarait Thomas Dorn en évoquant les nombreux portraits des Queens. C’est bien que l’on fasse ce genre d’exposition car Féla est le plus grand musicien que l’Afrique ait porté. Mais c’est très loin de l’envergure qu’il a pu avoir. »
D’ailleurs, c’est Thomas Dorn qui est l’auteur d’une des images les plus fortes de cette collection. Une des rares en noir et blanc. Toute simple : Féla ne joue pas au saxophone en petit slip, il ne fume pas de joint kilométrique, il n’est pas entouré de femmes à demi-nues, et le regard qu’il lance au photographe peut laisser penser qu’il n’avait pas forcément envie d’être zoomé à ce moment là. « Cette photo, je l’ai prise en 1993, dit Thomas Dorn. A cette époque Féla avait changé. Il était très replié sur lui-même. » Retraite évocatrice de la maladie qui le conduira sous terre quatre années plus tard ? Peut-être… Attitude qui confirme en tout cas que Féla restera un mystère. Notamment pour tous les objectifs en quête d’un trop facile sensationnel.

///Article N° : 1829

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