Killer of Sheep

De Charles Burnett

Ce que les cinéastes noirs faisaient pendant que Luke Skywalker explorait la galaxie
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Suite à de longues négociations pour obtenir les droits des musiques qui illustrent de manière poignante un film impressionnant, le premier film de Charles Burnett sort enfin en salle. Réalisé alors qu’il était encore étudiant à UCLA, il date de 1977 et peut être parce que le noir et blanc était déjà à l’époque une marque du passé, il n’a pas pris une ride. Le quartier noir de Los Angeles, Watts – South Central, n’a rien du ghetto des films des années 90 tels que Boyz’N the Hood (qui se déroule en partie dans les années 70) ou South Central. La vie est certainement difficile, faite de frustration, la drogue et la criminalité ne sont jamais loin, mais Stan est surtout un père de famille qui travaille dur pour nourrir sa famille, apprendre à son fils à survivre dans la rue et à protéger les siens.
Peu de films américains évoquent la classe ouvrière avec autant de compassion sur un ton aussi réaliste. L’abrutissement au travail, les jours qui se répètent, les voitures qui ne démarrent pas, les combines pour trouver un moteur qu’on ne peut pas se payer, les enfants qui énervent parce qu’ils sont là, les couples que la réalité rattrape, l’empathie silencieuse de Stan pour les moutons qu’il égorge chaque jour à l’abattoir. Killer of Sheep est fort par ses scènes de rue, de jeu d’enfants qui observent les grands et se chamaillent constamment, des garçons qui n’aiment pas les filles, des filles qui rangent le linge pendant que leurs frères affûtent leurs frondes. Des enfants qui grandissent sans innocence non parce qu’ils sont pauvres ou noirs, mais parce que l’enfance n’est pas l’innocence. C’est les parents qui crient pour rien, l’école où l’on s’ennuie, les frères et sœurs qui horripilent. C’est aussi les parents calmes après le travail, les amis qui passent sans prévenir, les sorties en voiture le week-end, même si elles finissent parfois sur le bord de la route… La caméra est proche du quartier, des corps, des objets. Chaque image est une composition nouvelle, un fait exprès qui prétendrait ne pas se faire remarquer.
On ne regrette pas que la distribution se soit battue pour acquérir les droits musicaux : la bande son est captivante tant elle renvoie à l’Amérique noire, à l’histoire, à la rage de vivre et de se faire entendre. Dinah Washington, Paul Robeson, Elmore James, des voix du passé qui rappellent que l’Amérique de la liberté et de l’oppression ne s’est pas construite en un jour. Killer of Sheep parle des gens avant de parler de la société, ne plaint personne, n’accuse personne, ne dénonce que la difficulté de supporter l’absence de prospérité et de rester du côté de la loi que l’on dit être le bon.

Killer of sheep sortait en salle le 1er octobre et en dvd le 25 septembre (distributeur et éditeur : les Films du Paradoxe)///Article N° : 8077

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