Namibia

De Charles Burnett (dvd)

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Le film ne sort en France que sur dvd, lequel ne comporte comme bonus que la bande-annonce, mais ce biopic historique est un témoignage puissant sur Sam Nujoma, président de la SWAPO, le parti politique qui mena la Namibie à l’indépendance.

Namibia est le fruit d’une nouvelle collaboration entre Danny Glover et Charles Burnett. Ils travaillent ensemble pour la première fois sur le tournage du troisième long-métrage de Charles Burnett, To Sleep with Anger (1991), très remarqué par la critique, et s’admirent mutuellement pour leur engagement politique et esthétique.
Les premiers films de Charles Burnett, Killer of Sheep (1979) et My Brother’s Wedding (1983), sont d’une force visuelle comparable aux meilleurs films néoréalistes italiens de l’après-guerre, avec cette même plongée dans un univers ouvrier aussi pauvre qu’il est riche d’humanité. De son côté, Danny Glover s’investit dans le troisième projet de Burnett entre deux films hollywoodiens, en l’occurrence L’Arme fatale II (1990) et III (1992), alors que le premier volet de la série (1987) l’a propulsé au sommet du box-office, après son rôle remarqué dans La Couleur pourpre (1985). Si Glover a joué pour les cinéastes les plus en vue (Richard Donner, Steven Spielberg, Francis Ford Coppola, Michel Gondry), il s’est aussi régulièrement consacré à des films engagés, notamment avec Mandela (1987) et Bopha (1993),qui se déroulent en Afrique du Sud, Bamako (2006) et Macbett (2012). Enfin, il travaille depuis longtemps à réaliser une biographie de Toussaint l’Ouverture, chef de file de la révolution haïtienne, qui doit sortir en 2013.
Namibia est donc le projet idéal pour se retrouver, avec Carl Lumbly dans le rôle de Sam Nujoma, président de la SWAPO (South West Africa People’s Organization), le parti politique qui mena la Namibie à l’indépendance, au prix d’une lutte sanguinaire dont le film retrace les épisodes dramatiques. Attentats, tirs sur des manifestants sans armes, tortures, massacres de camps de réfugiés, la caméra de Burnett filme ces violences avec une dextérité pour les scènes d’action qu’on ne lui connaissait pas. Seuls les viols collectifs sont laissés à l’imagination du public.
Le scénario s’efforce d’expliquer la guerre à travers les institutions autant que les individus, mettant en scène les enjeux pragmatiques des alliances internationales. Face à des colons Afrikaners sûrs de leur supériorité, travaillant à diviser les Namibiens, la SWAPO en appelle à l’ONU et se fait fournir des armes à Cuba, ce qui n’aide pas les relations avec les États-Unis. L’Angola et la République démocratique allemande (RDA) joueront un rôle capital dans la résistance armée et la victoire politique finale. De manière surprenante, cette approche n’évite pas l’écueil classique des films militants : le manichéisme des personnages. Le traitement réservé aux personnages afrikaners est digne des trublions nazis des films sur la deuxième guerre mondiale, personnages sans conscience autre que la supériorité aryenne, tandis que les horreurs commises par la SWAPO sont à peine évoquées par les personnages secondaires.
Une scène poignante, cependant, met le pasteur (Danny Glover) face aux réalités de ses engagements : alors qu’il assure son soutien indéfectible à la SWAPO, affirmant qu’il est prêt à donner sa vie, on lui demande s’il est prêt à tuer. Mais ses engagements religieux le placent dans une autre sphère, et la ligne de conduite du parti est explicitée : Sam Nujoma n’est pas le Mahatma Gandhi. Tout en se positionnant sans ambiguïté possible du côté des Namibiens, le film de Burnett est davantage un réquisitoire contre le colonialisme raciste et ses structures supranationales qu’une célébration de l’indépendance namibienne, dont on devine les difficultés à venir.
Les plans des dernières scènes sur les corps de ceux et celles qui ont souffert en disent plus long que les danses de victoire aux couleurs du drapeau namibien. Si le film s’arrête sur le retour triomphant de Nujoma au pays, c’est aussi pour ne pas aborder les difficultés économiques et politiques qui attendent un homme dont les débordements verbaux à l’ONU laissent présager d’un exercice du pouvoir autoritaire. Reste à raconter la suite de l’histoire d’un marxiste qui a su gouverner entre les idéologies, n’imposant pas le communisme sous la pression internationale, tandis que la démocratie namibienne produit des résultats dignes de la Russie de Poutine. On dit qu’il tire encore les ficelles du gouvernement, malgré ses différents avec le successeur qu’il a choisi.

Sortie du DVD Namibia de Charles Burnett, avec Danny Glover (Priest), Carl Lumbly (Samuel Nujoma), 2007 le 14 février 2012///Article N° : 10641

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