La Folie et la mort

De Ken Bugul

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En lisant La Folie et la mort, on ne peut s’empêcher d’entendre la voix joviale et décomplexée de Ken Bugul. Elle écrit comme elle parle : par interjections, par anecdotes, faisant un détour pour rattraper le cours de l’histoire là où on ne l’attendait plus. Ken Bugul avait déjà utilisé cette technique dans Riwan ou le Chemin de sable (Présence africaine 1999), son précédent roman, couronné par le Grand prix de l’Afrique noire. L’auteur/le narrateur (Bugul semble constamment jouer avec cette limite) y délaissait souvent son récit pour commenter l’actualité ou se faire le porte-parole fervent de causes aussi variées que les sans-papiers ou le marché de l’art africain. Malgré le style qui s’approchait parfois du pamphlet, Bugul arrivait à rassembler la narration sans s’emmêler dans les fils de ces nombreuses histoires parallèles.
Dans La Folie et la mort, cette technique est poussée à l’extrême par une multiplication de voix et d’anecdotes. Le roman ressemble à une longue veillée où les histoires se succèdent et s’emboîtent, où les commentaires fusent, où les anecdotes quotidiennes se mêlent à des bribes de récits surnaturels, à des relents de contes. Cette référence à la parole des villes rappelle les propos de Patrice Nganang qui revendique l’oralité des sous-quartiers. Mais là où Nganang, tout en puisant dans le langage des rues, reste somme toute dans une écriture assez classique, le roman de Ken Bugul inscrit l’oralité dans sa structure même, faite de détours, de retours en arrière, d’arrêts brusques dans la narration, de discussions entre narrateurs.
On regrette cependant que cette tentative, intéressante en soi, ne parvienne pas tout à fait à convaincre, tant les destins des personnages restent épars. La pluralité des voix, si elle est réussie dans certains passages, semble noyer le lecteur dans d’autres.

La Folie et la mort, de Ken Bugul, Présence africaine, 2001, 236 p.///Article N° : 1944

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