Quel est le statut de la langue portugaise en Angola ?
Le portugais est en train d’écraser toutes les langues africaines, ce qui n’est pas le cas au Mozambique. Dans un premier temps, l’Angola était lié au Brésil, ce qui avait sa traduction linguistique, puis le Portugal s’est imposé par la colonisation, enfin actuellement un retour au Brésil s’opère bien qu’il soit conditionné par la pression des élites attachées à la langue portugaise du Portugal. Il existe ainsi un portugais angolais érudit et un portugais angolais populaire.
Le portugais est bien plus enraciné en Angola que ne le prétendent les politiques et les Angolais eux-mêmes. Nous sommes tous des enfants du colonialisme même si nous avons tous des statuts différents : il y a les orphelins, les enfants légitimes et illégitimes. Il ne s’agit pas là de victimisation du colonialisme, c’est un fait qu’on le veuille ou non. En Angola, une couche sociale de notables existait, « les métisses », qui utilisait massivement la langue portugaise. Ils ont été écrasés par la colonisation. La première génération de colons s’est africanisée mais pas la seconde et la troisième. A la suite du grand soulèvement de 1961, l’administration coloniale portugaise a créé des écoles qui ont été le grand facteur de diffusion de la langue portugaise dans le pays, puis l’armée a pris le relais. Et avec la guerre civile, les Angolais ont pris le relais.
Que pensez-vous de l’organisation des PALOP et plus particulièrement de la politique portugaise en Afrique ?
Il ne s’agit que de verbiage : les PALOP n’ont aucune réalité. La plupart des intellectuels angolais se foutent des PALOP. Les Portugais ont toujours nourri un complexe d’infériorité vis-à-vis de l’Europe ; aujourd’hui ils veulent souligner leur caractère européen avant toute chose- l’Afrique est une question secondaire. Je n’ai jamais vu de pays si ignorant de l’Afrique que le Portugal : c’est une expérience refoulée !
Quel est votre regard sur la littérature angolaise ?
C’est une littérature encore très jeune qui comporte une faiblesse structurelle liée à l’étroitesse numérique des écrivains, en ce sens c’est une littérature fragile. C’est un processus de décantation qui fera émerger des écrivains.
La littérature et la guerre ?
Oui la guerre est omniprésente. Par exemple, ma femme a perdu la moitié de sa famille dans la guerre, quant à moi j’ai fait la guerre de libération… Alors oui, la guerre est omniprésente, elle fait partie intégrante de nous, c’est elle qui s’exprime dans notre écriture.
Seule la guerre de décolonisation est abordée. Comment expliquez-vous le silence qu’il semble y avoir sur la guerre civile qui fait rage ?
La guerre civile est un monstre, elle nous écrase… la distance n’est pas possible pour le moment. La transformation radicale du pays provoque le silence car peut-être seul le silence est à la mesure de la guerre. La mort partout force au silence. Que seraient les protestations débiles par rapport à la violence de la guerre. Il ne s’agit pas d’un silence passif mais une attente de quelque chose de meilleur pour reconstruire.
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