Pour la troisième année consécutive, les tirailleurs sénégalais seront célébrés le 23 août au Sénégal, où une journée leur est consacrée.
Au-delà de l’aspect Commémoratif de cette journée décrétée en 2004 par le président Abdoulaye Wade, elle suscite bien des questions quant aux rapports que les états post-coloniaux entretiennent avec l’histoire et la mémoire coloniale.
Aux Tirailleurs Sénégalais morts pour la France
Voici le Soleil
Qui fait tendre la poitrine des vierges
Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards
Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle.
J’entends le bruit des canons est-ce d’Irun ?
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire des
Futurs morts, on les remercie d’avance futurs morts obscurs
Die Swartz schande ! (Léopold Sédar Senghor, 1938)
Décrétée dans la foulée des commémorations du soixantième anniversaire du débarquement des Alliés et de la libération de Paris, la première » Journée du tirailleur sénégalais » (1) avait réuni les chefs d’état malien, burkinabé, tchadien et béninois dont les pays anciennes colonies françaises avaient fourni des conscrits à la formation des bataillons et régiments de tirailleurs. Si l’objectif affiché était de donner à cette commémoration une dimension panafricaine, cette » journée du Tirailleur » relève surtout d’une mise en scène mémorielle qui en définitive ne prend en compte que ce qui lui apparaît de l’ordre du » positif » (2). Ainsi par méconnaissance, par déni ou encore par imposture, cette mémoire officielle minore des pans les plus complexes mais aussi les plus » obscurs » de l’histoire des soldats indigènes qui furent avant tout des instruments de l’impérialisme colonial français en Afrique.
Dans les nombreuses allocutions qu’il eut à prononcer, le président sénégalais a tout d’abord dédié ce jour commémoratif, » à la mémoire des soldats africains ayant combattu pour l’empire colonial français durant les deux guerres mondiales « , et » afin que les nouvelles générations se souviennent qu’à l’heure des rendez-vous des batailles pour la liberté, l’Afrique était présente » (3). Brossant une partie de l’histoire de la participation des tirailleurs dans les deux guerres mondiales, il n’a pas manqué de relever le lourd tribut payé par les combattants venus d’Afrique, à savoir des milliers de morts, de blessés et de disparus. Il rappelle aussi avec justesse que les territoires africains – en particulier l’AEF – furent parmi les premiers à répondre à l’appel du 18 juin 1940 du chef de la France libre (de Gaulle) et à constituer ainsi un point de départ pour la reconquête de l’hexagone aux mains de l’Allemagne nazie (4).
Outre le fait de rendre hommage aux soldats africains morts » pour la liberté » et aux survivants considérés comme des héros, le président Wade a également légitimé l’institution de cette commémoration comme une » manière d’affirmer [le] sentiment d’injustice qui a été faite à l’égard des tirailleurs sénégalais » occultés aussi bien au niveau français qu’africain .
Ce registre des injustices concerne ainsi tout à la fois les mauvais traitements subis par les combattants noirs de la part des Allemands (5) et d’autre part le peu de considérations que » certains Français » ont réservé aux soldats noirs pourtant artisans de la libération de la métropole (6). L’évocation de la sanglante répression de la mutinerie de Thiaroye (novembre 1944) permet au président d’introduire la très controversée question des traitements pécuniaires des soldats africains et plus, de poser cette commémoration comme le lieu de la défense des intérêts des rescapés et des veuves devant la » cristallisation » et le non reversement de leurs pensions par l’État français (7).
Le choix de la date du » 23 août » 2004 n’est pas anodin, il correspond en fait au 23 août 1944, qui marque la libération de la ville de Toulon par le 6e RTS (régiment de tirailleurs sénégalais) et symbolise aux yeux du président Wade » la participation de l’Afrique à la libération de la France et à la lutte des forces alliées contre le nazisme » (8).
Outre l’instauration de la date et les arguments justificatifs avancés à cet effet, les autorités sénégalaises ont également recherché des symboliques fortes dans le lieu et dans l’image. En effet, l’ancienne Place de la Gare, témoin du périple du chemin de fer Dakar-Niger (9) est désormais rebaptisée Place des Tirailleurs sénégalais. En conséquence, c’est au cur de cette nouvelle place aseptisée et consacrée que trône désormais l’imposante stèle de bronze de » Dupont et Demba » (10) représentant deux soldats, l’un français (Dupont) et l’autre africain (Demba), le regard embrasant fièrement l’horizon. Dupont qui enserre son compagnon de la main gauche semble cependant lui montrer la voie. À la base de cette icône sont inscrits les mots suivants : » vers la victoire « .
Expression de la » fraternité d’armes » entre le tirailleur africain et le soldat français mais aussi symbole de la loyauté et de la fidélité des indigènes à la » mère-patrie « , cette stèle avait été inaugurée au cur de la capitale de l’AOF, le 30 décembre 1923 (11). Elle avait fait suite à la pose – le 11 novembre – de la première pierre du monument dit du » souvenir africain « , avec les statues du général Faidherbe13 et du gouverneur Van Vollenhoven14 qui exaltaient la grandeur de l’uvre » civilisatrice » de la France impériale..
Or, plusieurs décennies après l’indépendance du Sénégal, ces monuments-symboles de la domination coloniale qui trônaient encore dans l’espace dakarois, déclenchèrent une forte protestation de l’opinion publique. Considéré comme symbole de la persistance du néocolonialisme, » Dupont et Demba « , implanté place Tascher en face de l’Assemblée nationale, suscita passion et colère (12). Pour apaiser l’opinion, le gouvernement socialiste fit alors déboulonner dans la nuit du 13 au 14 août 1983 les deux monuments coloniaux. » Dupont et Demba » fut alors remisé dans les travers du cimetière catholique de Bel-Air (Dakar) (13). Son retour sur la scène mémorielle en 2004, sonne comme une revanche de la mémoire coloniale sur l’anonymat et la marginalité (14).
Dans la même logique mémorielle qui accompagna la journée du Tirailleur, le cimetière militaire de Thiaroye, où reposent les tirailleurs victimes de la répression coloniale de décembre 1944 fut réfectionné en grande pompe après que les gouvernements successifs du pays depuis l’indépendance aient observé une certaine indifférence vis-à-vis de ce lieu.
L’institution d’une mémoire des tirailleurs sénégalais, qui doit être appréhendée comme une volonté de » réhabilitation » de la formation et de l’action d’hommes qui ont plutôt » combattu pour la grandeur de la France « , ne peut cependant manquer de surprendre (15). Elle pose en effet la question de l’interprétation à donner du tirailleur dans la mémoire collective des Africains. Autrement dit, rappeler à la France ses devoirs vis-à-vis de ceux-ci suffirait-il à justifier une commémoration ? Assisterait-on plutôt à un moment d’autoglorification d’une institution de l’armée coloniale durement subie (16), et qui devrait à plusieurs égards, susciter une introspection critique de la part des Africains ?
En vérité, la complexité liée à la genèse du recrutement du tirailleur et de la propagande véhiculée par la puissance coloniale pour justifier ses desseins impériaux est pratiquement méconnue dans les milieux politiques, de l’enseignement et donc de la masse des populations sénégalaises et africaines.
Cela explique la vision idyllique du tirailleur véhiculée par un État postcolonial que d’aucuns considèrent, surtout depuis l’avènement du conflit ivoirien, comme le dernier bastion du pré carré africain de la France. On ne retient généralement des tirailleurs que leur bravoure lors des batailles héroïques qu’ils ont livrées sur les fronts métropolitains. On se complaît aussi souvent à rappeler qu’ils ont servi de » chair à canon » à l’armée française durant les deux guerres (17). Et enfin, on fustige à juste titre d’ailleurs, la brutalité d’une République coloniale (massacre de Thiaroye), amnésique, et très peu » reconnaissante » des sacrifices consacrés par ses soldats indigènes (cristallisations des pensions) (18). Même le talentueux film Camp de Thiaroye du cinéaste sénégalais Ousmane Sembène sortis en 1988, néglige des aspects essentiels comme le rôle du tirailleur dans le maintien de l’ordre colonial et le dévouement et l’attachement particuliers que celui-ci voue traditionnellement à l’officier blanc et à la France (19).
Ce que l’on sait moins c’est l’origine servile des premières troupes noires recrutées par Faidherbe (20) et le fait que ce sont ces mêmes tirailleurs qui ont assuré la conquête des territoires coloniaux français. On semble ignorer également que ces soldats indigènes jouèrent un rôle majeur dans la » pacification » de l’empire colonial français et dans les conflits de décolonisation (Indochine et Algérie). Enfin on méconnaît totalement les fondements du corpus juridique mis en uvre par la puissance coloniale dans le but d’organiser un recrutement vital pour la sauvegarde de son indépendance nationale (21). Si la conscription militaire des deux guerres mondiales fut un » succès » aux yeux du colonisateur, elle souleva de multiples résistances (migrations, auto-mutilations, rébellions) et réactions des autorités coloniales (répressions, amendes, emprisonnements, rapts de conscrits potentiels) (22).
Une récente étude, consacrée à la mémoire laissée par les tirailleurs, faisait apparaître une représentation ambivalente et fragmentée : » victimes « , » traîtres » ou » héros » (23). Si quelques écrits d’historiens et de militants anticolonialistes stigmatisèrent l’image négative laissée par les combattants noirs considérés comme des instruments de l’impérialisme colonial, dans l’ensemble la perception dominante fut celle du tirailleur-héros désormais magistralement relayée par l’État sénégalais avec l’institution d’une journée commémorative.
La commémoration est certes un moment privilégié pour les Nations de rappeler à leur mémoire un évènement saillant, à connotation positive ou négative de leur propre histoire. Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France célèbrent à l’occasion leurs morts, leurs héros mais aussi leurs victoires les plus significatives, synonymes de fierté nationale. En Afrique et plus particulièrement au Sénégal où les priorités sont ailleurs, le débat historique peine à émerger. Dans la majorité des pays, les » héros nationaux » (24) gardent encore une audience et une place très infimes dans les mémoires officielles. Dans les ex-colonies françaises d’Afrique, presque rien ne fut fait au lendemain des indépendances dans le sens de la décolonisation de l’histoire et des mémoires. Or, quelle légitimité et quel sens donner à la » journée du tirailleur » quand on sait que son histoire » n’appartient » pas aux Africains ? C’est en effet, la France qui a façonné et projeté sur plusieurs théâtres d’opération et pour son propre compte, » ses » Sénégalais venus des quatre coins de l’Afrique.
Faudrait-il concevoir comme source de gloire et de fierté, l’utilisation pragmatique et » tous terrains » du Sénégalais ? Le tirailleur ne symbolise-t-il pas l’aboutissement de la » mission civilisatrice » de la France en Afrique ?
Il convient de préciser que l’histoire du tirailleur, à la fois outil de colonisation et de domination en Afrique, puis appoint à la Défense nationale métropolitaine – est de l’ordre de l’histoire de France. Rappelons, à cet effet, quelques péripéties de l’utilisation des troupes noires pour s’en convaincre. La création des premières formations de tirailleurs sénégalais date de 1857. Celle-ci était alors nécessitée par l’inadaptabilité des soldats métropolitains au rude climat africain. De fait, les autorités coloniales opérèrent ainsi que le firent jadis les conquérants Grecs ou Romains : à savoir recruter et former des soldats indigènes – adaptés au terrain et bon marché – nécessaires à l’extension puis à la sauvegarde des territoires conquis.
Ainsi, par le biais du système du rachat, ce sont pour la plupart d’anciens esclaves qui furent recrutés et transformés en soldats : c’était le prix à payer pour leur liberté qui intervenait alors au bout de quelques années de service. On peut donc dire que ce sont les tirailleurs sénégalais encadrés par une poignée d’officiers métropolitains qui ont assuré la conquête et la » pacification » de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Équatoriale Française (AEF) entre 1857 et 1911. Leur docilité et leur loyalisme mais aussi pour leur ardeur au combat faisant leur réputation, la France qui comprit l’avantage de disposer de tels soldats, ne tarda pas à envisager d’utiliser leurs services hors du cadre restreint de ses colonies d’Afrique noire.
Le début du XXe marque en effet le point de départ : les tirailleurs participent à des campagnes militaires françaises en Afrique du Nord. Dans Force noire, ouvrage magistral, – publié en 1910 et qui connut un impact réel dans les milieux militaires et l’opinion métropolitaine – le général Mangin appelle à un recrutement massif de combattants noirs dans l’optique d’une future guerre européenne. L’objectif d’une telle conscription fut de combler le déficit démographique chronique de la France face à l’ennemi allemand. L’ouvrage du général Mangin permet de mieux comprendre le pas décisif franchi d’une part dans la sophistication de l’arsenal justificatif mais aussi l’utilisation des soldats noirs sur les fronts métropolitains, c’est-à-dire dans des conflits opposants des blancs européens. En effet après avoir constaté la stagnation persistante de la démographie française par rapport à celle de l’ennemi allemand, Mangin estima nécessaire d’instituer une conscription militaire en Afrique dans le but de combler un déficit qui pourrait avoir des conséquences décisives sur l’issue des combats d’une guerre inévitable.
Si les campagnes de recrutement de la Grande Guerre produisirent des résistances et des révoltes, il n’en fut pas de même pour le second conflit mondial. Par la loi de 1919, le service des armes fut institutionnalisé et entra dans les murs dès l’entre-deux-guerres. De plus, par le biais d’une vibrante propagande orchestrée par l’administration coloniale et ses principaux auxiliaires (notables, chefs, » évolués « , anciens tirailleurs etc.), la mobilisation de 1939-40 se déroula en toute quiétude et en filigrane d’une vague de loyalisme.
Gardien de l’empire africain, résistant parmi les FFL (forces françaises libres), libérateur de l’hexagone, fossoyeur d’indépendance sur les théâtres algéro-indochinois, le tirailleur sénégalais constitua un puissant outil militaire dans le dispositif de l’impérialisme colonial français. À ce titre, entre 1914 et les indépendances (1960), l’Afrique noire était conçue dans la vision stratégique de l’état-major métropolitain, comme un gigantesque réservoir de combattants potentiels !
Une interprétation moins sentimentale, pour ne pas dire scientifique, de l’histoire des tirailleurs sénégalais permettrait sans nul doute de saisir toute l’incongruité d’une telle célébration. Celle-ci traduit, en effet, excellemment, la nébuleuse qui entoure le binôme histoire / mémoire, et en particulier la lecture et le sens que l’histoire officielle des États postcoloniaux tarde à porter sur le phénomène colonial. Or, ce dernier qui ne dura qu’à peine un siècle (1860-1960) a pourtant marqué de son sceau le destin des populations africaines.
Les différentes cérémonies et l’entrain dont ont fait preuve le président Wade et une grande partie de la presse sénégalaise autour de cette commémoration interpelle l’historien sur les limites interprétatives ou du moins sur le sens à en livrer aux citoyens africains. La célébration du tirailleur tombe dans l’incongruité lorsqu’on en fait une source de » dolorisme » permanent, mais aussi de gloire nationale. Elle indique de façon magistrale l’impact de la domination coloniale au Sénégal et en Afrique noire.
La vague d’envolées dithyrambiques qui a marqué les discours des autorités sénégalaises et les articles publiés dans la presse lors des deux premières éditions de la » Journée du tirailleur « , permettent de mettre en exergue deux idées fortes (25). D’une part, ces contributions ne se sont nullement empêchées de puiser dans la littérature coloniale française, matière à glorifier » l’allant, la bravoure et la détermination » du soldat noir au service de la cause française. D’autre part, tout se passe comme si, la conscience de soi ne devrait exister que validée par la bonne conscience de l’autre !
En effet, une idée très répandue dans la mémoire collective et dans certains écrits historiques fait du tirailleur sénégalais, revenu du front, le précurseur des indépendances africaines (26). En réalité, le combattant noir, solidement encadré par l’officier colonial, par ailleurs réputé sûr et loyal, s’avère intrinsèquement lié à la métropole. Il est étonnant et paradoxal d’entendre des anciens combattants bardés de médailles et de décorations, vanter les louanges de la France coloniale (27),alors que dans le même temps, la République ne s’est pas empressée de répondre favorablement à leurs revendications pécuniaires. Ainsi, contrairement à ce qui a été écrit, la mutinerie des tirailleurs sénégalais du camp de Thiaroye n’introduit aucune revendication à caractère anticolonial. Ces combattants d’infortune réclamaient plutôt un peu de respect par rapport à leur sacrifice pour la » mère-patrie » et surtout le paiement de la totalité de leurs arriérés de salaire non pas en franc CFA mais en franc métropolitain.
Par ailleurs, célébrer en grande pompe la » journée du Tirailleur » relève d’un certain anachronisme. La réflexion historique sur le sens de la colonisation semble être frappée de tabous dans nombre de pays d’Afrique noire. On sait que la décolonisation des colonies françaises d’Afrique de l’Ouest s’opéra d’une manière générale de façon pacifique et que les indépendances octroyées en 1960 ne signifièrent guère une rupture des liens avec le colonisateur. En conséquence, alors que la période post-coloniale s’est marquée, dans le Maghreb, par un réel inventaire du fait colonial et, par conséquent, une réappropriation / revalorisation de son histoire et des valeurs culturelles spécifiquement arabo-islamiques, les états de l’Afrique subsaharienne ont quant à eux, fait preuve d’un extraordinaire mutisme qui en dit long sur l’ambiguïté des rapports entretenus avec l’ancienne puissance coloniale. Obnubilé par la volonté de construire l’unité nationale dont les partis uniques étaient garants, de nombreux états africains postcoloniaux, ont choisi d’enseigner l’histoire des relations internationales au détriment de l’histoire nationale qui était pourtant à écrire (28). Cela explique donc la nécessité de procéder à la décolonisation des inconscients dont le corollaire passe par un inventaire critique des mémoires coloniales.
Or, au-delà du tapage médiatique dont le point d’orgue fut l’organisation de quelques débats à la télévision nationale, la science historique ne semble pas être au cur des priorités ni de l’État sénégalais encore moins de la majorité des populations en butte aux difficultés économiques et sociales. Compte tenu de l’image minorée et positive complaisamment véhiculée par le discours officiel, cette commémoration annuelle portée à bout de bras par le président Wade a incontestablement contribué à renforcer l’idée du » tirailleur-héros » et du » tirailleur-victime » dans l’opinion publique.
La » journée du Tirailleur » est, à tort, un moment de fierté nationale et d’autoglorification sur fond de » dolorisme « . Or, le non-sens donné à cette commémoration enfonce irrémédiablement dans l’ergastule de l’oubli des faits historiques de portée hautement plus symbolique dans l’optique d’une construction de l’identité nationale. Continent aujourd’hui satellisé et extraverti, il n’en demeure pas moins que l’Afrique a une histoire et des valeurs culturelles propres. Il importe à l’ensemble de ses fils de vulgariser et de mettre en valeur son patrimoine sous peine de subir une déculturation aux conséquences des plus néfastes. Les Africains doivent enfin accepter de faire l’histoire, c’est-à-dire d’être maîtres de leur destin et non de la subir au risque d’en rester les éternels spectateurs.
1. Ce jour commémoratif du 23 août est donc un férié et par conséquent chômé et payé
2. Nous voulons dire que tout ce qui allait dans le sens de l’autoglorification, de l’héroïsation et de la stigmatisation de l’attitude de la puissance coloniale a été mis en scène.
3. Discours prononcé par le président Wade à la conférence de presse organisée à la salle des banquets du Palais présidentiel, Dakar, 22 août 2004.
4. Le gouverneur du Tchad Éboué s’était rallié à de Gaulle dès le 18 juin 1940. Nommé gouverneur général de l’AEF, il transforma ce territoire en bastion de la France libre dans l’optique de la libération de la métropole.
5. Le président Wade faisait ici allusion aux exécutions sommaires et tortures perpétrées par les soldats nazis sur les tirailleurs faits prisonniers lors de la bataille de France (juin 1940). Sur cette thématique voir : Raffael Schleck, » ‘They are just savage’, German Massacres of Black soldiers From the French Army in 1940″, The Journal of Modern history, Juin 2005, p. 325-344.
6. D’un autre point de vue, il fustige pudiquement la violente répression de la mutinerie des tirailleurs du camp de Thiaroye (Dakar) en décembre 1944.
7. Discours prononcé par le président Wade
, Ibid., 22 août 2004.
8. Ibid
9. Ce train fut construit dans le cadre de la pénétration de l’hinterland soudanais. Il servit aussi à acheminer vers le port de Dakar les matières premières et au rassemblement des tirailleurs issus des autres colonies françaises à Dakar avant leur départ pour la métropole lors des deux guerres mondiales
10. Ruth Ginio, » African Colonial Soldiers between Memory and Forgetfulness: the case of post-colonial Senegal « , Revue Outre-Mers, T.94, 350-351 (2006), p. 141-155.
11. » Demba et Dupont : le retour
« , http://www.ldhtoulon.net/article.php3?id_article=298.
12. » Demba et Dupont : honte d’hier, honneur d’aujourd’hui « , Hebdomadaire Wal Fajri, 25 août 2004.
13. Ibid
14. Ruth Ginio, » African Colonial Soldiers
», p. 144
15. Sur l’histoire des tirailleurs sénégalais voir Myron Echenberg, Colonials conscripts : the Tirailleurs Sénégalais in French West Africa, 1857-1960, Heinemann (1991) et Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre, Karthala, Paris, (2003).
16. Les tirailleurs sénégalais étaient en effet utilisés comme des forces de maintien de l’ordre dans les territoires coloniaux de l’AOF et de l’AEF.
17. Cette thématique de la » chair à canons » selon laquelle les tirailleurs étaient d’abord envoyés en première ligne semble être réfutée par l’historien Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre
, Karthala, Paris, 2003.
18. Voir à ce sujet les ouvrages de l’historien malien Bakari Kamian, Des tranchées de Verdun à l’église Saint-Bernard, Karthala, Paris, 2001 et du journaliste camerounais Charles Onana, La France et ses Tirailleurs, Duboiris, Paris, 2003.
19. Ce sentiment d’attachement à la France est encore très fort chez les anciens combattants, cf. Entretiens avec des anciens combattants réalisés par l’auteur, Dakar, Maison des Anciens Combattants, 11-12 août 1999.
20. C’est en effet en procédant par le système du » Rachat » d’esclaves à leurs propriétaires que le colonel Faidherbe a pu mettre sur pied les premiers bataillons de tirailleurs sénégalais au lendemain du décret napoléonien de 1857 créant ce corps.
21. Une loi de 1912 instaure le recrutement par voie d’appel puis fut en 1918 une conscription est instituée : ell est » universelle et obligatoire « . Les originaires des quatre communes de plein exercice (Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis), reconnus citoyens français étaient assujettis au régime métropolitain.
22. On observe ces résistances surtout durant la Grande Guerre et beaucoup moins pendant la Deuxième Guerre mondiale.
23. Ruth Ginio, » African Colonial Soldiers
», p. 143.
24. Lat-Dior Diop mort en 1886 à la bataille de Dékheulé devant les troupes françaises est encore reconnu comme un des » héros nationaux » du Sénégal. Pourtant l’imposante stèle qui lui est dédiée est remisée dans un quasi-anonymat, bien loin du centre ville de Dakar. L’état de délabrement avancé de sa tombe avait même suscité l’indignation de certains, Cf. Wal Fadjri, 1er juin 2005.
25. Voir les articles de l’Hebdomadaire Le Soleil, du 26 août 2004, et des 22-23 août 2005.
26. Nous ne citerons ici que l’article de Catherine Akpo-Vaché, » L’Armée d’AOF et la Deuxième Guerre mondiale : esquisse d’une intégration africaine « , Actes colloque Centenaire de l’AOF, Dakar, 1997, p. 170-179.
27. Entretiens avec des anciens combattants réalisés par l’auteur, Dakar, Maison des Anciens Combattants, 11-12 août 1999.
28. Voir » L’enseignement de l’Histoire en RDC « , » Mémoire d’un continent « , animée par l’historien Élikia M’Bokolo RFI, avril 2006. Papa Dramé est historien, Université du Québec à Montréal///Article N° : 4559
2 commentaires
Bonjour. On m’a demandé d’écrire un article pour juin 2020 au plus tard sur bataille de l’Arbresle juin 40 à laquelle mon grand-père a participé avec ses tirailleurs sénégalais – 5e cie – 25e RTS dont 1 grande partie fut massacrée à Chasselay. Mon grd père a pu échapper et ses tirailleurs et lui ont trouvé refuge ds 1 village de la loire. Personne ne connaît cette version de l’histoire même pas l’armée. En mémoire de ses tirailleurs qu’il estimait bcp, qui l’ont porté sur leur dos à tour de rôle car malade pendant leur fuite les allemands derrière, je voudrais retrouver descendants ses tirailleurs : j’ai leurs noms, leurs matricules et article que vais faire pas pour mon grd père mais pour remercier leurs familles, savoir ce qu’ils sont devenus et les faire sortir de l’ombre. Ai cherché partout mais peut-être associations vous connaissez je pourrais contacter pour connaître descendants de ces tirailleurs. 25e RTS dissous en juillet 40 donc après …? N’apparaissent dans aucun dossier : ni pensions (!) ni prisonniers ni décèdés. Peut-être rentrés en Afrique fin 40 et réaffectés. Si un message pouvait passer, peut-être des descendants se manifesteraient que je pourrais contacter pour dire merci car je ne suis pas fière d’être française pour çà et plein d’autres choses. L’article ne parlera que très peu de mon grand-père, çà n’est pas le but ! Le but est de mettre en lumière ceux qui ont bravement servi la France et qui sont restés dans l’ombre. MERCI. Cordialement.
Opéra force afro