La nolica sort du maquis

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Voici en quels termes s’énonce les grandes lignes de la théorie littéraire forgée par Pabe Mongo que les Presses universitaires de Yaoundé viennent de publier dans la collection  » Connaissance de… « . Le livre s’intitule La Nolica (la nouvelle littérature camerounaise) du maquis à la cité.

Après avoir occupé les premières loges en Afrique francophone, la littérature camerounaise est entrée en déclin depuis les années 1990. Les critiques s’en émeuvent et crient à la nécessité de la relance. Pabe Mongo propose ici une approche théorique pour créer la dynamique d’une Nouvelle Littérature Camerounaise, NOLICA, par le renouvellement de l’imaginaire, de l’écriture et de la langue. La théorie de Pabe Mongo repose sur cinq concept clés : l’oppression, la misère, la liberté, la pertinence et le  » francophonien  »
L’oppression caractérise la situation de coercition dans laquelle ont vécu les camerounais depuis l’occupation coloniale jusqu’à la dictature du parti unique. Comme la Terreur en France, le système répressif camerounais a coupé et emporté de nombreuses et belles têtes. Celles qui e échappèrent ne durent leur salut qu’en se réfugiant, soit dans le maquis, soit dans l’exil. Les écrivains de cette époque vont créer une littérature de combat que Pabe Mongo rebaptise littérature du maquis, tant elle emprunte ses techniques à la guérilla : brouillage des repères, intrépidité des personnages, violence des propos, etc.
Autour des années 1990, traversé par les courants libéraux universels et par la récession économique, le Cameroun entre dans l’ère des libéralismes et des ajustements. Les camerounais sont libres et misérables ! Mais au lieu d’être exaltés par la liberté retrouvée, les gens vont être davantage taraudés par la misère qui va clochardiser les hommes, corrompre les esprits et appauvrir l’art. Garçons et filles écrivent et publient à compte d’auteur pour la plupart, des librettos de 21 pages, voire moins. C’est la littérature du tout venant. Une littérature caractérisée, entre autre, par les survivances anachroniques du maquis, la niaiserie des sujets, le refus de l’effort, la faiblesse institutionnelle, une langue limoneuse : la camfranglais.
La Nouvelle Littérature camerounaise (Nolica) que Pabe Mongo propose ne peut se construire qu’en s’appuyant sur le second fondement de l’époque actuelle, à savoir la liberté. Il s’agit d’abord de prendre conscience de cette liberté et de l’exploiter. A tort ou à raison, beaucoup d’écrivains ont du mal à croire en la liberté d’expression. Ils font profession de la nier et se complaisent à justifier leur improductivité par la peur. Et pourtant, en dehors des textes réglementaires et législatifs qui proclament nos droits, les preuves de la liberté sont visibles dans la pluralité politique, l’existence de l’opposition et d’une opinion publique largement exprimée par la presse. A force de douter de sa liberté, l’écrivain qui, hier, était la bouche de ceux qui n’ont point de bouche, est devenu aujourd’hui le plus timide des locuteurs de la scène.
La littérature du maquis était pertinente en son temps. On ne pouvait en effet, sans être suicidaire, affronter, à visage découvert et à mots nus, la violence qui régnait aussi bien sous la colonisation que sous les dictatures post-coloniales. Le camouflage était par conséquent la seule réponse intelligente à la situation qui prévalait. Par contre, l’échec du tout-venant vient de sa non pertinence, de son inadéquation par rapport à la demande artistique du moment. La promesse de réussite de la Nolica est fondée sur la volonté d’édification d’une nouvelle pertinence.
Parce que la langue constitue l’outil primordial de réalisation littéraire, Pabe Mongo ne pouvait ne pas évoquer le nouvel usage de la langue française. Pour des raisons évidentes, les écrivains du maquis ont utilisé le français classique. C’était la langue du maître, nouvellement apprise. Avec le tout-venant, cette littérature de misère, la langue tombe dans le tout-venant linguistique, le camfranglais, un cocktail de 240 langues nationales plus les deux langues officielles, le français et l’anglais. Cette mixture indigeste provoque souvent une rupture de communicabilité à l’intérieur de la zone francophone.
C’est pour remédier à cette situation que Pabe Mongo propose, entre le français classique et le camfranglais, de créer un nouveau registre linguistique qu’il nomme le francophonien, qui sera la langue de la francophonie, le français restant la langue de France. Le francophonien s’identifiera par deux traits essentiels : la communicabilité inter francophone et le génie culturel.
En cherchant à esquisser la théorie de la Nolica, Pabe Mongo a rencontré la nécessité de montrer la pertinence et les limites de la littérature d’hier (la littérature du maquis), et enfin de convoquer les errances en cours (la littérature du tout-venant), et enfin de convoquer à témoin les écritures ambassadrices (la légion étrangère) pour confirmer la pertinence de ses thèses. Trois théories complémentaires pour servir de litière à la Nolica. Mis en musique, ce quadruptique a permis à Pabe Mongo de répondre aux questions suivantes : D’où vient la littérature camerounaise ? Où est-elle ? Où va-t-elle ? Réponse : la littérature camerounaise vient du maquis, elle est dans le tout-venant, elle va vers la Nolica. Par modestie sans doute, Pabe Mongo a centré son ouvrage sur le Cameroun. Cependant ? Il est loisible de constater que le modèle ou le schéma camerounais est intégralement applicable à la littérature africaine d’expression française dont sont issues d’ailleurs toutes les illustrations et les analyses.

///Article N° : 4171


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