La vie est un spectacle

2ème édition des Rencontres du Sud d'Abidjan

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Pour sa deuxième édition, les Rencontres du Sud – le mois de la jeune photographie d’Abidjan – a proposé du 8 mars au 9 avril 2002, deux expositions. La première au CCF, sur « photographie et mariage » avec 7 photographes d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. La deuxième au Goethe-Institut avec les photos de l’Ivoirien Paul Kodjo et l’Allemand André Lützen. Deux ateliers, l’un consacré au sténopé ouvert aux enfants déshérités, l’autre à cinq photographes qui ont croisé leurs regards sur Abidjan. Regard panoramique sur les lignes de force de l’exposition thématique.

C’est sans doute dans la manière de traiter la thématique du « mariage » que résident l’unité et la spécificité des images proposées. Unité dans la jubilation poétique qui agit chaque image et spécificité dans l’organisation des éléments du champ visuel pour « inventer » un langage où se mêlent métaphore, allégorie, allusion à des fins de détournements de sens.
Les sept photographes proviennent certes de cultures différentes mais leurs visions sur la thématique du « mariage » se rapprochent par l’originalité de leur interprétation autant qu’ils se singularisent par leurs styles personnels. Les uns invitent à participer à une fête où la vie devient un spectacle vivant, les autres proposent une méditation rêveuse. Un souffle poétique traverse, de part en part, chaque image où le photographe joue sur les rapports entre les décors naturels et les éléments qu’il organise dans l’espace, pour interpréter les personnages en mouvement.
L’ensemble des photographies s’ordonne en un voyage au cœur du « mariage » en tant qu’événement de haute portée sociale pour revivre les temps forts d’une fête conviviale. Dans les yeux des convives se lisent la joie et la jubilation, signes que ceux-ci partagent le bonheur de deux êtres qui scellent leur destin pour construire ensemble. Les images de cette fête sont des propositions pour se souvenir, pour partager les instants décisifs de cette communion. A sa manière, chaque photographe en écrit l’histoire, chaque image exprimant à la fois des réalités culturelles et des réalités sociales qui nous parlent autant que les détails des lignes vestimentaires des convives. A la beauté formelle des images s’ajoute la richesse de leurs contenus où l’insolite, l’inédit, l’inattendu sont toujours présents.
Les images de la photographe ivoiro-française Amah Rachel Boah font appel à une culture hybride où la rue est le lieu d’un spectacle permanent. Son écriture se déploie en un travelogue – récit de voyage – genre qu’elle privilégie dans le regard qu’elle jette à la fois sur les êtres et leur environnement. L’émotion qui anime ses personnages est captée avec justesse pour faire jaillir la joie qui transporte chacun d’eux. Sur un registre similaire procède le photographe français, Philippe Dolo, dont les œuvres sont référencées à l’écriture cinématographique hollywoodienne du mode de vie américain. Il écrit avec une infinie délicatesse le roman de l’american way of life avec ses explosions de joie, son goût prononcé du spectacle, le convive devenant à la fois acteur et spectateur.
Les photographies proposées par l’agence Encre noire surprennent, et ce de façon agréable, par leur contenu insolite et inédit. En témoigne l’image de ces deux madones construisant un numéro de tango aux pieds d’une table chargée de fleurs épanouies. Comment ne pas être captivé et séduit, par cette autre image de madone de blanc vêtue, juchée sur son piédestal face à l’horizon, qui en descend et d’un pas leste, court vers son avenir, le visage radieux ?
Comment ne pas être également surpris par l’architecture insolite des images construites selon le procédé du sténopé, offertes par l’association Oscura ? En jouant à déconstruire les lignes architecturales des décors dans lesquels évoluent ses personnages, le photographe en crée de nouvelles, rythmées par un mouvement qui provoque le vertige. Et pourtant ses personnages sont saisis dans des postures où ils semblent méditer sur la vie à venir.
Les images conçues par l’initiateur des Rencontres du Sud, Ananias Leki Dago, correspondent à sa démarche de manipulation de la réalité pour la recomposer et en enfanter une nouvelle conforme à sa vision. Ainsi cette métaphore d’une offrande symbolisée par une gerbe de fleurs, jouant à détourner le sens, pour en induire une autre, dont la signification ne se dévoile qu’à l’issue d’un minutieux décryptage où la lumière joue le rôle de révélateur. On croirait par la rigueur de ses compositions et l’agencement des éléments du décor, que le photographe construit d’abord mentalement ses scènes avant de les saisir.
Architecte et designer passé à la photographie conceptuelle, Issa Diabaté procède par un traitement allégorique de ses images dont la puissance de proposition, au-delà de la provocation qu’elle induit, demeure dans le registre atypique. L’humour qu’il instille dans ses compositions rime avec dérision. Ces images peuvent être également lues comme la métamorphose d’une métaphore d’une identité en constante recomposition identitaire. Et c’est justement ce lien qui unit l’ensemble des œuvres retenues à cette deuxième édition des Rencontres du Sud 2002.

On trouvera sur africultures.com d’autres articles et photos sur les Rencontres.///Article N° : 2245

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