Bams est d’origine camerounaise, née en France il y a 24 ans. Elle incarne cette génération de jeunes issus de la diaspora. Avec un premier album sorti cette année, Bams, en plus de développer une vision très critique de la société dans laquelle elle évolue, s’inscrit dans la logique d’un dialogue avec l’Afrique.
Peux tu nous parler de ta rencontre avec le rap ?
En fait, je ne viens pas du rap. A 15 ans, j’étais chanteuse dans un groupe qui s’appelait Sugagang. Il y avait un batteur, un bassiste, un guitariste et moi. C’était un mélange de jazz, de rock alternatif, de ska et un peu d’afro-beat. Je chantais et j’écrivais aussi. On a dû faire cinq ou six scènes dans la région des Yvelines et sur Paris. C’est après l’adolescence que je me suis mise à rapper. C’est grâce ou à cause – je ne sais pas encore – de rencontres avec des rappeurs et des producteurs. Il y a eu les premières soirées hip-hop dans lesquelles on a la possibilité de free styler. J’ai fais mes premières scènes avec un groupe et après je me suis produite en solo. En fait, le rap est arrivé à un moment où en général, on a envie de diriger soi même sa vie. Et puis, je pensais beaucoup à poser un pont entre les jeunes de la diaspora qui ont vécu en Europe et ceux d’Afrique. Il y avait la volonté politique pour faire passer le message à tout le monde mais la démarche est surtout humaniste.
Dans tes textes, tu revendiques l’appartenance à cette génération assise » le cul entre deux chaises « . Ici beaucoup de jeunes ne le vivent pas toujours très bien. Toi, comment t’en es-tu tiré ?
Il y a eu des moments difficiles. Surtout pendant l’adolescence. Parce qu’on est confronté à l’éducation africaine des parents d’une part, et à notre situation de Français de l’autre. J’ai eu de la chance car mes parents ont tout fait pour que je retourne au pays tous les deux ans. Parfois tous les ans. Et finalement, nous n’avons pas grandi dans une atmosphère occidentale. Maintenant, j’en fais une richesse. Et cela ne constitue pas un problème existentiel. La France est autant mon pays que le Cameroun. D’un autre côté, le mot » intégration » me fait gerber. Ça ne veut rien dire. Intégrer quelque chose, c’est accepter un corps étranger. Et je pars du fait que, que tu sois noir, blanc, jaune, petit ou grand, tu fais partie de la race humaine. L’intégration c’est développer l’idée d’une race supérieure qui imposerait ses valeurs à une autre. En fait, quand j’évoque la condition de l’homme noir dans mes textes, c’est surtout par rapport à tous ceux qui sont paumés, qui se posent plein de questions et qui sont troublés par l’opinion des médias occidentaux qui va le plus souvent dans un seul sens. Si le rap peut donner un autre point de vue, tant mieux.
Penses-tu qu’en France le rap est encore l’expression d’une contestation sociale ?
Je ne poserais pas le problème comme cela. Je dirais plutôt que le rap est en train de devenir une musique, au même titre que le rock, la chanson française etc. Il devient une musique parce qu’il est ouvert. Il y a plusieurs variétés de rap, même s’il y a toujours des rappeurs revendicatifs. C’est comme chacun le sent. Ce qui serait dangereux, c’est qu’il y ait plus que du rap distrayant. Mais toutes les musiques sont passées par là. Et puis ça forme les oreilles des gens. Après, ils peuvent faire la distinction.
Crois-tu que ton objectif, ton combat social et politique, corresponde aux aspirations africaines et contribue à briser le mythe de l’Occident qui est entretenu en Afrique ?
J’espère qu’un Africain de souche relativisera en écoutant mon album et qu’il se fera une vision plus juste de la France. Moins idéaliste. Je dirais que de toute manière, j’écris en tant que jeune femme noire d’origine camerounaise née en France. Je n’ai pas vécu au Cameroun et je n’ai pas les problèmes que rencontrent les Camerounais. Mais je crois être sur la même longueur d’onde que le combat que l’homme noir doit mener face au monde impérialiste et capitaliste. Que l’on soit d’ici ou de là-bas, nous devons être unis. C’est cette association qui fera que les choses pourront avancer. C’est un échange d’énergie. Et nous, ici, nous devons donner les moyens à ceux qui vivent en Afrique. Après chaque voyage au pays, je reviens boostée, revigorée. Cela me motive. Je suis plus précise sur la façon d’organiser mes projets. Et quand j’entends que la France ou je ne sais quelle ONG a été jeter des sacs de riz pour soit disant aider l’Afrique, ça me fait rigoler. Si j’avais le pouvoir d’arrêter ce genre de choses, je le ferais tout de suite. Je suis convaincue que c’est au peuple africain et à notre génération issue de la diaspora de redonner sa notoriété d’antan à l’Afrique. Je ne fais pas du rap pour le rap. Je ne vais pas être rappeuse toute ma vie. C’est pour me donner la notoriété nécessaire afin de consolider l’unité de la communauté noire en France et créer cette passerelle entre elle et son continent d’origine. Mon projet de vie, c’est ça. La musique n’est qu’un moyen pour l’atteindre.
De quoi t’inspires tu pour tes texte ? T’inspires-tu de la culture africaine, de sa littérature par exemple ?
J’aime bien lire. Malheureusement, j’ai moins le temps maintenant. Sinon, j’aime bien la littérature américaine, noire ou blanche et quelques écrivains français, surtout ceux du 19ème siècle. Je n’ai pas tellement abordé d’auteurs africains. La plupart du temps ce sont des biographies sur des personnalités. Comme Thomas Sankara par exemple. Ou alors je lis des contes. Il y a pas longtemps, j’ai offert à un ami un bouquin de proverbes africains. C’est une littérature dont je me sens encore éloignée. Les situations que j’y trouve me sont étrangères. Déjà, dans la vie, je ne suis pas très amatrice de fictions ; j’aime les choses auxquelles je peux m’identifier. Mais ça ne fait pas longtemps que j’ai su qu’il y avait des librairies spécialisées. J’y viens petit à petit.
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