L’art de la fugue : des esclaves fugitifs aux réfugiés…

Version remaniée de L'espace d'une fugue, texte paru dans la revue Drôle d'époque n°17 / Automne 2005.
Print Friendly, PDF & Email

 » La fugue (latin fuga, fuite) est une forme de composition musicale dont le thème, ou sujet, passant successivement dans toutes les voix, et diverses tonalités, semble sans cesse fuir.  » in Encyclopédie Universalis.

Dénètem TOUAM BONA

Dès le 16ème siècle, dans les marges des colonies du Nouveau monde, des sociétés d’esclaves fugitifs voient le jour : Palenques et Cumbes de l’Amérique hispanique, Quilombos et Mocambos du Brésil, Maroons communities de Jamaïque et de Floride, Kampus de Guyane et du Surinam. Au-delà de leurs différences, ces communautés  » buissonnières  » partagent un même art de la fugue : le repli en forêt constitue en effet la matrice de leurs cultures. Quel qu’en soit le sujet (réfugiés, vagabonds, transfuges, déserteurs, enfants, migrants, etc.), la fugue se compose toujours en contrepoint des machines de capture. Si elle trouve dans l’expérience historique du marronnage(1) sa manifestation la plus évidente, elle n’en demeure pas moins une forme de résistance universelle, repérable en d’autres lieux, en d’autres temps ; y compris à venir…
La notion de  » fuite  » renvoie essentiellement à deux choses : l’idée d’une lâcheté, d’un refus de l’action et l’idée d’une simple réaction, d’un instinct  » animal  » de survie vis-à-vis d’un danger imminent ou d’une violence subie. Dans les deux cas, la fuite apparaît toujours comme un phénomène passif et second. De par ses renvois musicaux, la notion de  » fugue  » rend bien mieux compte de la dimension créatrice des  » lignes de fuite « .  » Fuir, mais en fuyant, chercher une arme  » (2), nous enjoint Deleuze. Justement, les nègres marrons ne fuient pas : ils  » fuguent « … Maîtres du subterfuge, ils s’esquivent, se dérobent, s’évanouissent dans une nuée d’artifices : des fausses pistes, des leurres, des stratagèmes, des ruses de toute sorte. Fugueurs, les guerriers marrons ne persistent dans l’être qu’en disparaissant ; de leur disparition ils font une arme à multiples tranchants. Dans leur mouvement perpétuel de retrait et d’attaque, les accompagnent, les soutiennent, participent aux combats, des femmes, des enfants, des anciens et des esprits ; toute une diaspora mouvante d’où jailliront des formes de vie inédites. C’est d’abord, aussi fragile soit-elle, cette vie commune des hommes et des femmes, des Kongo et des Ashanti (diversité des origines africaines), des vivants et des morts, qui produit la communauté. Par  » communauté « , il faut entendre une organisation religieuse et politique, des techniques agricoles et de construction, un art et une pharmacopée, bref une culture complète. Ainsi, l’espace d’une fugue, dans les plis et replis des bois humides et touffus, des  » contre-cultures  » marronnes surgissent et se déploient ; des cultures dont l’organisation et les valeurs s’opposent diamétralement à celles des sociétés esclavagistes. Mais si le marronnage trace la ligne de fuite de l’espace colonial, il génère également, dans le même mouvement créateur, des spatialités inouïes : espaces de vie des villages furtifs, espaces charnels des corps scarifiés, espace-temps mystiques des danses et rituels, espaces plastiques des objets produits (pagaies, calebasses, maisons sur pilotis, etc.). Le Tembé(3), l’art des peuples marrons de Guyane française et du Surinam, offre au regard l’un des plus beaux  » espaces de fugue  » : aujourd’hui encore, le marronnage s’y poursuit dans les entrelacs du bois sculpté.
Villages marrons, villages furtifs…
Extrait du journal du capitaine Stedman de l’expédition hollandaise (1772-1777) contre les marrons Boni : Narrative of Five Years Expedition against the Revolted Negroes of Surinam :  »  (…) nous avançâmes jusqu’à l’entrée d’un beau champ de riz mûr, qui formait un rectangle, au bout duquel la ville rebelle [Gado saby]  paraissait en amphithéâtre. (…) L’activité de ces nègres, lorsqu’ils sont tranquilles dans les forêts, est des plus grandes ; au moyen de trappes artistement pratiquées et des hautes marées, ils prennent abondamment du gibier et du poisson qu’ils font sécher à la fumée pour les conserver. Leurs champs sont couverts de riz, de manioc, d’ignames, de plantaniers, etc. (…) Ils pourraient nourrir des cochons, de la volaille, et dresser des chiens pour la chasse ; mais ils craignent que les cris de ces animaux, et surtout le chant du coq, qu’on peut entendre de très loin dans la forêt, ne fasse découvrir le lieu de leur retraite.  »
La plupart des noms des camps de rebelles comportaient une allusion ironique, une provocation à l’égard des troupes coloniales qui les traquaient. Dans son journal d’expédition, le capitaine Stedman nous en énumère quelques uns : Gado saby :  » Dieu seul me connaît  » ; Mele my :  » Troublez-moi, si vous l’osez  » ; Kebry my :  » Cachez-moi feuillages « …
Définition du  » marron  » :  » Les Espagnols appliquaient primitivement le terme  » marron  » aux animaux qui, de domestiques, devenaient sauvages (…), et c’est pour cela qu’ils l’ont étendu jusqu’à leurs nègres. Puisque l’on dit cochon marron, pourquoi ne pas dire nègre marron.  » Victor Schoelcher
Le fugitif et le molosse
 » … Limier robot est infaillible. (…). Ce soir, notre chaîne est fière de pouvoir suivre le Limier par hélicoptère-caméra dès son départ en chasse (…) un nez si sensible qu’il est capable d’identifier et de retenir dix mille constituants olfactifs sur dix mille personnes sans être reprogrammé ! « (4) Pattes arachnides, vélocité foudroyante, odorat infaillible, un molosse cybernétique se lance à la poursuite de Montag ; le pompier rebelle du célèbre roman d’anticipation Fahrenheit 451. Le crime de cet homme : avoir sciemment conservé et lu des livres qu’il était censé détruire. Dans le monde parallèle imaginé par Ray Bradbury, l’ordre des choses s’inverse : les maisons étant ignifuges, les pompiers se font pyromanes. Fahrenheit 451, c’est précisément la température à laquelle un livre se consume. Les soldats du feu sont désormais les nouveaux inquisiteurs d’un pouvoir totalitaire qui a banni tout ce qui favorise réflexion, passion, sédition : les livres sont traités au lance-flamme et leurs lecteurs retraités en psychiatrie. Dans le parc d’attraction généralisé, dans le Disneyland obligatoire, dans le reality show permanent que sont devenus les Etats-Unis et leur empire, les  » murs-écrans  » des logements déversent en continu, sous forme de programmes télévisés, apathie et amnésie : une zombification cathodique.
 » Afin de pourchasser les Indiens fugitifs et les Noirs marrons, on inventa dans l’île de Cuba une superbe machine à ratisser et exterminer : le limier assassin. Sa renommée s’étendit à travers tout le territoire et bientôt on en exporta en grand nombre vers le sud des Etats-Unis, où ils étaient connus sous le nom de Cuban hounds. « (5)
La fable futuriste de Bradbury porte l’écho des vieilles histoires d’esclaves échappés et de chasse à l’homme. La cavale de Montag s’inscrit dans celle plus ancienne du nègre marron. L’esclave fugitif et le molosse forment un couple indissociable, autant dans l’imaginaire que dans la réalité de l’esclavage. A l’instar du nègre marron, c’est en plongeant sous le couvert des futaies que le héros de Fahrenheit 451 échappe à la machine de capture. Retour d’un animal domestique à la vie dans les bois (étymologie de l’espagnol «  cimarron « ), la ligne de fuite du marronnage est une ligne d’ensauvagement. Le marron partage avec le pirate des Caraïbes (utopie de Libertalia), avec le bandit social (Robin Hood, Cartouche, Zapata…), avec le vagabond céleste (beat generation), avec l’incorrigible gamin fugueur, avec tous ceux qui refusent l’assujettissement des esprits et des corps, la pratique de la  » dé-domestication « , de l' » in-discipline  » radicale. Ce n’est sans doute pas un hasard, si dans l’un des livres fondateurs de la littérature américaine, Les aventures de Huckleberry Finn (Mark Twain), la fugue de l’enfant et celle de l’esclave se confondent en une seule et même odyssée libératrice : la dérive, à bord d’un radeau de fortune, sur les eaux majestueuses du Mississipi, de Jim, l’esclave nègre qui refuse de se laisser vendre, et de Huck, le jeune orphelin qui refuse les bonnes mœurs de la  » civilisation « . Avec David Thoreau, le célèbre auteur de la Résistance au gouvernement civil, la quête de la vie sauvage prendra la forme d’un retrait philosophique en forêt (Walden où la vie dans les bois).
La  » communauté  » : une utopie créatrice
Dans le futur sombre de Fahrenheit 451, des milliers de lecteurs dissidents s’échappent des villes en suivant des voies ferrées désaffectées.  » La voie ferrée. Les rails qui s’échappaient de la ville pour rouiller à travers la campagne, dans les bois et les forêts désormais déserts qui longeaient le fleuve. C’était le chemin conduisant là où Montag allait (…). « (6) A la faveur de l’ombre et de la solitude des forêts traversées, ils forment des communautés  » littéraires  » inédites reliées les unes aux autres par des rails oxydés. Ces microcosmes utopiques dont Bradbury esquisse le portrait peuvent nous donner une idée de ce qu’ont pu représenter, à l’époque de l’esclavage, les communautés marronnes. La résistance des fugitifs de Fahrenheit 451 est d’abord culturelle : ce qui les soude, c’est une vision du monde, une culture partagée, en l’occurrence la littérature mondiale.  » Nous aussi nous sommes des brûleurs de livres. Nous lisons les livres et les brûlons, de peur qu’on les découvre. (…) Nous sommes tous des morceaux d’histoire, de littérature et de droit international ; Byron, Tom Paine, Machiavel ou le Christ tout est là. « (7) Chacun des maquisards a donc mémorisé des chapitres voire des livres complets : l’un incarne Don Quichotte, l’autre Les voyages de Gulliver, et à eux tous ils comptent réinventer le monde.  » (…) clochards au-dehors, bibliothèques au-dedans « (8), leur espace d’action est d’emblée celui de l’utopie. A l’instar de ces bibliothèques vivantes(9), les Africains fugitifs(10) à l’origine des premières communautés marronnes détenaient en mémoire des paragraphes entiers de leurs cultures natales (Ashanti, Yoruba, Kongo, etc.). De sorte qu’à chaque nouvelle communauté de nègres rebelles correspondra une anthologie unique(11).
Au-delà de l’usage de la violence (sabotage des machines, empoisonnements, révoltes armées,…), c’est à travers des pratiques culturelles telles que les communions mystiques et festives des macumbas, les scansions rythmiques des chants de travail (la matrice du blues), les joutes verbales des veillées de contes, les variations créatrices des parlers créoles et des negro speech (un usage  » mineur  » de langues majeures), qu’au sein même de la plantation les esclaves conquerront des espaces de liberté. La communauté marronne n’est que l’aboutissement ultime de ces processus de subjectivation, de ces arts de soi à travers lesquels – par l’improvisation, par la variation continue des rythmes, du phrasé corporel et vocal – l’esclave redevient, pour lui-même et les autres,  » sujet  » d’actions et de créations. Parce qu’ils réactivent les mémoires du corps et de l’oralité (mémoires motrices,  » traces mnésiques  » des cultures africaines), parce qu’ils nourrissent une nouvelle spiritualité(12), les  » rythmes de résistance  » (qui se manifestent dans la danse, la musique, le  » réveil  » des spirituals…) offriront le meilleur antidote à la  » zombification « (13) esclavagiste. L’esprit des dissidences  » noires  » s’est toujours  » incorporé  » dans des dissonances rythmiques.
Au point de naissance des sociétés d’esclaves fugitifs, il y a une utopie créatrice : plutôt que rejoindre la  » terre des Ancêtres  » en se donnant la mort (sens du suicide pour les Africains déportés), les marrons choisiront de recréer cet  » au-delà  » sur place, hic et nunc, dans les interstices du système esclavagiste. Dans son essai lumineux(14) consacré au Quilombos dos Palmares (la plus importante communauté de nègres rebelles qu’ait connu le Brésil), Benjamin Péret a très bien saisi la portée universelle des dissidences marronnes :  » Nous avons là des Noirs venus de tous les points d’Afrique qui n’ont presque rien en commun : ni la langue, ni les croyances religieuses, ni même les coutumes, ni la culture. Ces hommes – si dissemblables – se trouvent, après leur évasion, dans un endroit particulièrement isolé de la forêt vierge. Ils ont tout au plus une aspiration commune : la liberté. «  Les  » Communes marronnes  » n’ont donc rien à voir avec de quelconques communautés  » ethniques  » (à quoi l’on réduit souvent la notion de  » communauté « ) : elles serviront de refuge non seulement aux esclaves évadés mais aussi, en certaines circonstances, à des soldats déserteurs, à des paysans chassés de leurs terres, à des Amérindiens échappés des  » missions  » (établissements jésuites), à des hors-la-loi de toutes les  » couleurs « … Certains groupes marrons comme les Congos (Panama) et les Garifunas(15) iront même jusqu’à tisser des alliances solides avec des bandes de pirates afin de razzier convois d’or et ports espagnols. Ce qui, en soi, n’a rien d’étonnant vu que le marronnage produisait régulièrement des formes de banditisme (cow boys noirs du Far West, cangaceiros du Brésil, etc.) et que la piraterie elle-même était, en partie, alimentée par des marronnages  » noirs  » et  » blancs  » (celui des  » engagés « (16) et des marins).Tout comme les Quilombos représentaient  » un constant appel, un stimulant, un étendard pour les esclaves noirs « (17),  » l’apparition d’un drapeau noir à l’horizon était promesse de délivrance « (18) pour des matelots maintenus dans des conditions de vie misérables. Véritables communautés politiques où la délibération jouait un rôle primordial, les contre-sociétés pirates et marronnes étaient traversées par un refus viscéral des rapports de domination. Bien sûr, la réalité historique de ces dissidences fut souvent bien éloignée de l’idéal qu’elles incarnaient : nombre de pirates étaient impliqués dans la traite négrière et, en vertu d’accords passés avec les autorités coloniales, nombre de marrons ramenaient des esclaves fugitifs à leurs maîtres…
Zones franches
Pour Gregor H., le fugitif d’une nouvelle d’Alain Fleischer, la  » forêt était une zone franche, eaux extraterritoriales où l’on peut naviguer au large en échappant aux gardes-côtes et aux bâtiments des marines militaires « (19) : la voie par excellence de l’évasion, de la migration, de la clandestinité, du franchissement des frontières. Des verticales d’arbres, de roseaux, de fougères, de tiges ; des entrelacs de racines, de lianes, de branchages, de feuilles. La forêt est un espace strié de toutes parts mais ses stries sont celles du zèbre, celles d’une tenue de camouflage. Longtemps, les forêts européennes abriteront proscrits, brigands, outlaws (Robin des Bois), bandes et minorités en rupture de ban. De sorte qu’en Occident la lutte contre les illégalismes et jacqueries populaires prendra souvent la forme d’une déforestation. L’espace zébré des forêts enveloppe, enserre, couvre d’un ombrage perpétuel les agissements des animaux et des hommes. Que l’on s’y réfugie ou que l’on s’y perde, c’est un lieu où l’on disparaît. Si les nomades inventent la vitesse (Deleuze), les marrons et les peuples invisibles des forêts (amazoniens, papous, pygmées, etc.) inventent le  » furtif « . Le marronnage n’est une machine de guerre que dans la mesure où il est une machine de disparition. Et la forêt est la scène privilégiée de cette disparition.
Hétérotopies :  » (…) sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. (…) le bateau, c’est un morceau flottant d’espace, un lieu sans lieu (…). Le navire, c’est l’hétérotopie par excellence.  » Dits et écrits, tome IV, Foucault
Ce que dit Foucault de l' » hétéro-topie  » ( » espace autre « ) s’applique parfaitement aux communautés pirates et marronnes. Si l’hétérotopie pirate est intimement liée au navire, l’hétérotopie marronne constitue par contre une véritable production forestière. Du retranchement des fugitifs dans les bois se dégage une zone libérée (le  » dehors « ) : un  » espace autre  » qui subvertit en retour la zone esclavagiste (le  » dedans « ). Ce retrait originel fait de la communauté marronne une communauté sécessionniste ( » sécession  » vient du latin  » secedere «  : se retirer). Loin cependant d’inaugurer la naissance officielle d’un nouvel Etat, la sécession marronne consacre le  » devenir-furtif  » d’une communauté de rebelles. Les frontières du territoire marron ne peuvent se maintenir en effet que dans leur propre effacement, que par le brouillage permanent des appareils de capture. Forme collective de la fugue, la  » sécession  » constitue un processus métamorphique : le repli forestier qui l’inaugure est  » dé-pli  » d’une variation continue appliquée autant au lieu de vie qu’au mode d’apparaître des fugitifs.
La forêt exige des proies et prédateurs qu’ils se miment les uns les autres.  » Insecte au corps allongé et frêle imitant la forme des tiges sur lesquelles il séjourne (20) « , le phasme est le prince de ce royaume de métamorphoses. Se fondant dans les  » natures  » les plus diverses (arabesques végétales d’Amazonie, caatingas épineuses du Brésil, mornes et montagnes escarpés des Caraïbes, marais et mangroves labyrinthiques de Louisiane), mettant à profit le moindre de leurs accidents, la communauté marronne est une communauté  » phasmatique  » (grec phasma :  » fantôme « ). Dans la plupart des récits coloniaux d’expédition militaire, le constat de la furtivité des marrons revient sans cesse :  » comme les Noirs sont les maîtres de ces forêts et les connaissent parfaitement, (…) ils nous causent de lourdes pertes sans que nous puissions riposter, car ils sont cachés par la forêt et protégés par les troncs, nous échappant après nous avoir malmenés. »(21) La fugue inaugure toujours un cycle de métamorphoses : c’est en modifiant sa forme, son apparaître, en devenant lui-même simulacre, en produisant des leurres, que le nègre fugueur parvient à échapper à ses adversaires voire à les vaincre. Echapper à ses ennemis, c’est produire sa propre disparition : s’embusquer, brouiller les pistes, faire le mort, disparaître pour aussitôt ressurgir. Les mille et une variations marronnes forment la trame d’un véritable art de la fugue qui a trouvé dans la sculpture des Businenge(22) ( » Bouchinengué « ) sa plus belle expression plastique.
Au-delà du cercle…
C’est au Surinam et sur les rives françaises du Maroni (Guyane) que sont apparues les cultures marronnes les plus complexes et les plus durables, celles des N’djuka, Saramaka, Aluku, Matawaï, et autres groupes Businenge. Ailleurs les communautés marronnes ont été, à quelques exceptions près (Garifunas et Congos d’Amérique centrale, Maroons de Jamaïque), détruites ou assimilées. Les premières manifestations d’un art (plastique)(23) spécifiquement marron datent du début du 19ème siècle : ce sont des peignes, des pagaies, des bancs, des objets quotidiens. Il s’agit avant tout d’un art du relief ; un relief qui se dégage du bois marqué, évidé, taillé, sculpté. Les Businenge désignent leurs productions artistiques et artisanales par le terme  » tembe « . Altération de l’anglais  » timber «  qui désigne le bois de construction (poutres, planches, étais, etc.),  » tembe «  renvoie d’emblée à un lexique technique et non artistique. Si la notion de construction occupe une place centrale dans le tembe, c’est parce que la genèse de cet art ne se comprend qu’à partir de l’outil. Pour reprendre une expression de Patrick Lacaisse,  » l’outil est fondateur du tembe « . Aujourd’hui encore, chez les Businenge, la composition à main libre n’existe pas. Parce qu’il y a l’outil – le compas, la hache, la pointe sèche, la scie, la règle – il y a la sculpture sur bois. L’art marron n’a donc rien de  » primitif  » ou de  » premier  » (pour utiliser un euphémisme…), il s’inscrit d’emblée dans la modernité occidentale dont il récupère, sans état d’âme, en fonction de ses propres fins, les dernières réalisations technologiques (exemples : incorporation du moteur hors-bord dans les pirogues, usage de la tronçonneuse dans les sculptures, recyclage des textiles modernes dans l’art du patchwork). En cela, les Marrons se distinguent fortement de leurs voisins Amérindiens dont l’attachement à des traditions ancestrales (comme l’usage d’outils en pierre) a longtemps freiné la créativité.
Mais comment l’outil occidental – un instrument d’esclavage, d’aliénation – est-t-il devenu dans les mains des marrons un instrument de création, de reconstruction de soi ? Au milieu du 18ème siècle, face à la menace d’un embrasement général du Surinam, les Hollandais furent contraints de ratifier des traités de paix avec les  » bush negroes « . Ces accords prévoyaient, en échange de l’arrêt des hostilités, l’envoi d’un tribut annuel aux rebelles sous forme d’outils, d’armes et de biens divers ; ces derniers étant censés ramenés aux colons hollandais tout nouvel esclave fugitif. Le tembe naît précisément de l’appropriation créatrice par les marrons des outils du colon (nombre d’entre eux, durant leur période d’esclavage, avaient acquis la maîtrise de techniques occidentales). Il naît d’un détournement de sens et de fonction. Le tembe, c’est la réinvention, dans le creux du bois, du corps et de la famille nègres démantelés par l’esclavage. Une réinvention qui se lit dans le lexique utilisé par les marrons pour identifier les éléments de leurs sculptures. C’est ainsi que les  » yeux  » désignent les petits replis des entrelacs, le  » cou  » les parties intermédiaires qui font communiquer entre eux les rubans sculptés (reliant la tête au reste du corps, le cou est  » reliure « ), le  » nombril  » le foyer central de la composition, les  » mains  » les étais qui supportent la composition, la  » maman  » la figure matrice, les  » enfants  » les figures secondaires. Ici, la référence au corps ne doit pas être prise dans un sens symbolique ou métaphorique. Les tembe ne représentent pas des corps, ils fonctionnent comme des corps : des corps fugitifs…  Le recours au  » bois  » propre au tembe, dans l’ordre esthétique et technique, renvoie directement au  » recours aux forêts  » propre au marronnage en général, dans l’ordre de l’action.
La fugue, en tant que principe  » rythmique  » de cryptage et de variation, s’inscrit directement dans la structure du tembe. Chaque oeuvre se construit à partir d’un système de rubans : des figures complexes, entrelacées les unes aux autres, inscrites dans le bois comme autant de lignes de fuites et de fausses pistes. Les rubans tournent, plongent, resurgissent, par-dessus, par-dessous les uns les autres, offrant ainsi au regard l’épreuve du vertige. Les tembe se lisent en suivant du bout du doigt les itinéraires inscrits dans le creux d’un plat à vanner, sur la tête d’une pagaie ou sur l’assise d’un banc. Ces parcours s’empruntent comme on emprunte un layon en forêt. La virtuosité de l’artiste se mesure à sa capacité à brouiller les pistes. D’où une composition de l’œuvre par moitié ou par quart, de façon à ce que les principes qui l’ont régis demeurent insaisissables. Lire un tembe, c’est s’engager dans un labyrinthe à la poursuite d’un fugueur fictif. Dans la sculpture marronne, l’usage du compas étant quasi systématique, la plupart des figures et motifs s’inscrivent dans des cercles. Or le cercle circonscrit. Tout l’effort de l’artiste – qui s’impose sciemment cette contrainte – sera justement d’en sortir. Le tembe, c’est l’évasion du cercle : la cavale dans les bois matérialisée dans le relief du  » bois  » sculpté. L’esthétique marronne est une esthétique de la disparition.
Cette esthétique de la « fugue », on la retrouve dans les oeuvres les plus contemporaines de la culture afro-américaine :  » Allez pieds, faites votre truc, vous connaissez le jeu du Blanc, allez jambes, allez courez…  » (« Come on Feet Do Your Thing! … »), scandent les chœurs de Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, le manifeste funky(24) de Melvin Van Peebles (l’initiateur de la Blaxploitation : films des seventies ayant pour héros des justiciers  » blacks « ). Dans ce film expérimental de 1971, la course jubilatoire du héros se confond avec celle de motifs musicaux et visuels (riffs et phrases bluesy, images de fuite, surimpression de jambes solarisées, etc.) modulés, répétés indéfiniment selon des vitesses, des registres, des plans différents. Ici, l’hyperbolisation des effets spéciaux et rythmiques donne à la figure du marron une aura mythologique. Que ce soit sur le plan formel ou sur le plan de ses conditions de réalisation (semi clandestinité(25)), le brûlot politique de Van Peebles (pour la première fois dans le cinéma américain, un noir s’insurge contre l’ordre établi et tue des policiers blancs) présente tous les ingrédients d’un marronnage créateur.
Underground railroad
Follow the Drinking Gourd (extrait)
When the Sun comes back And the first quail calls Follow the Drinking Gourd. For the old man is a-waiting for to carry you to freedom If you follow the Drinking Gourd.
The riverbank makes a very good road. The dead trees will show you the way. Left foot, peg foot, travelling on Follow the Drinking Gourd.
« Follow the Drinking Gourd » ( » Suivez la gourde « ) est l’un des plus célèbres songslines (chants codés) : il expliquait le parcours que devaient suivre les runaway slaves (esclaves fugitifs) en provenance de l’Alabama et du Mississippi pour rejoindre l’Illinois (Chicago) ou d’autres Etats abolitionnistes. La  » gourde  » désignait l’étoile de la Grande Ourse, un point de repère essentiel pour se diriger vers le nord.
Dans le sud des Etats-Unis, à l’époque funeste de l’esclavage, la musique acquit chez les  » noirs  » une dimension profondément émancipatrice : le temps d’un office religieux, rythmé par les scansions du prêche, par les battements des mains et des pieds, par les transes des uns et des autres, les esclaves échappaient à leur misérable condition – collectivement, ils s’élevaient vers Dieu. Et cette ascension spirituelle prenait forme et s’amplifiait à travers le chant : le negro spiritual, le gospel, le  » go down Moses  » des enfants noirs d’Israël (les esclaves se reconnaissaient dans l’Exode du peuple Juif et dans la figure héroïque de Moïse)... Cette  » communion  » du chant qui faisait vibrer les églises noires – parfois de simples abris de planches – joua un rôle essentiel dans la genèse de ce qui, un jour, après bien des combats et bien des prises de conscience, deviendrait la communauté  » African-American « . Véritable échappée spirituelle, le chant des esclaves nègres devenait, en certaines occasions, l’instrument d’évasions bien réelles. En effet, dans les fabriques et moulins à sucre, dans les champs de canne et de coton, à l’insu des planteurs et des commandeurs, des itinéraires de fuite circulaient d’un esclave à l’autre sous la forme de chants codés : les  » songslines «  ou itinéraires chantés (voir texte ci-dessus). La ligne de chant du songsline était le prélude d’une ligne de fuite dont les subtiles ramifications couvraient un vaste territoire, depuis le delta tropical du Mississipi jusqu’aux froides rives du lac Ontario (frontière Canada). Cette voie d’évasion, abolitionnistes, esclaves et affranchis l’appelaient affectueusement l’ » Underground railroad « , la  » voie ferrée souterrainne « . Bien sûr, il ne s’agissait pas d’un véritable chemin de fer mais d’un réseau d’évasion : une organisation secrète de passeurs et de maisons de confiance destinée à relayer la course des esclaves évadés vers le Nord. De 1830 à 1860, fuyant le Sud esclavagiste, plus de 30 000  » noirs  » empruntèrent le  » train de la liberté «  pour rejoindre le nord de l’Union et le Canada. Ce gigantesque marronnage avait débuté dès 1780, mais il ne prit le nom et la forme singulière de l’ » underground railway «  que vers 1830, au moment où le développement du rail s’accélérait. A la fin de la guerre de sécession (1865), en l’espace de 80 ans, plus de 100 000  » noirs  » auront fui les plantations du deep south en transitant par les différents réseaux d’évasion que connut l’histoire nord-américaine.
Témoignage du révérend Calvin Fairbank (1847)(26)
 » Je les guidais vers l’étoile polaire, en violation des codes de la Virginie et du Kentucky. Je leur faisais traverser les forêts principalement la nuit… Les jeunes filles étaient habillées en dames, les hommes et les jeunes garçons étaient déguisés en domestiques ; les hommes portaient des vêtements de femme et les femmes, des vêtements d’homme… On voyageait à pied ou à cheval, dans des cabriolets, des voitures, des chariots, et cachés sous des chargements de foin, de paille, de vieux meubles, de boîtes et de sacs… traversant des rivières à la nage ou avec de l’eau jusqu’au menton, ou dans des embarcations ou des canots ; sur des radeaux et souvent sur un tronc d’arbre. « 
Subterfuge
Pourquoi l’ » underground railroad  » ? Engagés dans une entreprise concrète de sabotage du système esclavagiste, celle consistant à provoquer une fuite masive et continue d’esclaves, des abolitionnistes  » noirs  » et  » blancs  » baptisèrent leur organisation clandestine l' » Underground railroad « . Ce faisant, ils ne se contentaient pas d’utiliser une jolie métaphore mais détournaient consciemment à leur profit le modèle technologique du réseau ferroviaire. En effet, avec sa modélisation minutieuse des horaires et parcours, son écheveau d’itinéraires bis et de voies de secours, ses jeux de correspondance et de signalisation, la toile des chemins de fer (préfigurant celle du WEB) incarnait le réseau d’évasion idéal. La complexité et l’étendue de son maillage faisaient de l’underground railroad une organisation totalement décentralisée, ce qui la rendait d’autant plus efficace et d’autant moins destructible. Dans Pourfendeur de nuages – vaste fresque romanesque centrée sur les Brown et la guérilla qu’ils menèrent contre les esclavagistes – Russel Banks dépeint très bien cet aspect des choses :  » Il était donc réel, ce Passage souterrain. (…) Les esclavagistes n’avaient pas réussi à le couper ou à le bloquer définitivement en quelque point de son parcours. S’ils l’attaquaient à un endroit, il resurgissait ailleurs la nuit suivante. (p. 472, éd. Babel)  » Il faut donc voir dans l’Underground railroad une sorte de train fantôme, de simulacre ferroviaire, de sublime subterfuge (latin subterfugere :  » fuir en cachette « ) : tous les éléments de ce gigantesque réseau d’évasion étaient décrits et conçus en termes ferroviaires ; les familles accueillant des fugitifs étaient des  » stations » ou des noeuds de correspondance, les guides des  » conducteurs  » (ou des  » chefs de gare « ) chargés du convoyage des  » marchandises  » (les fugitifs). La plus célèbre  » conductrice  » fut Harriet Tubman (elle-même fugitive) : elle effectuera près de 20 voyages entre le sud des Etats-Unis et le Canada. Plus de 300 esclaves lui devront leur liberté. La communauté afro-américaine (en formation) toute entière se reconnaîtra en elle et la baptisera  » le Moïse noir « …
Autour des rails du  » train de la liberté « , une communauté s’agrégea peu à peu : un front mobile et furtif de résistance qui se propageait par  » correspondances « . Mais à la différence des communautés marronnes traditionnelles, la  » Communauté des réfugiés du Chemin de fer clandestin  » s’institua et prit conscience d’elle-même à travers un espace d’écriture ; une circulation centrifuge de lettres, de tracts politiques, de cartes  » ferroviaires « , de  » songslines «  et, surtout, de journaux. Pour la première fois dans l’histoire nord-américaine, par une prise de parole et une prise d’écriture, des esclaves fugitifs firent irruption sur la scène politique. Avec le soutien d’abolitionnistes Blancs, ils se battirent pour l’émancipation générale des  » brothers «  maintenus en esclavage dans le sud des Etats-Unis. La société canadienne et, dans une moindre mesure, la société des Etats nordistes leur offraient en effet la possibilité de recourir aux lois, à la presse, à l’action politique pour faire valoir leurs droits. Et c’est ce que s’empressa de faire l’écrivaine et journaliste afro-américaine Mary Ann Shadd (1823-1893) : en 1852, elle publia A Plea for Emigration pour encourager les Noirs américains à émigrer au Canada. Dans le même temps, alors qu’elle était désignée comme porte-parole des réfugiés, elle édita et dirigea un journal (ce fut l’une des premières femmes éditrices) : le Provincial Freeman. Ce n’était pas le seul journal de la nouvelle communauté afro-canadienne, il y avait aussi le Voice of the Fugitive, le Voice of the Bondsman, etc.
En se repliant au Canada, les esclaves fugitifs cessaient d’être des nègres marrons. Car en se proclamant eux-mêmes  » réfugiés « , ils avaient fait le choix de vivre au grand jour au sein d’une société  » blanche  » et de se placer sous la protection des lois civiles d’un Etat moderne. Parce qu’il suscita un véritable mouvement de migration, l’Underground Railway introduisit dans le contexte des jeunes nations américaines l’épineuse question du statut des minorités ainsi que celle du droit d’asile. Au moment où, en Europe et en France en particulier, il est devenu quasiment impossible d’obtenir un statut de réfugié, ces questions sont toujours d’actualité. Face à la stigmatisation, à la criminalisation, à la répression (rétention, incarcération, refoulement, bannissement…) croissante des  » migrants  » et alors que les contrôles et ciblages (administratifs, marketings, policiers, en entreprise, etc.) ne cessent de proliférer, il nous faudrait peut être réinventer des marronnages, réinventer des  » passages souterrains « , réinventer des  » subterfuges  » qui fassent fuir une société obsédée par l’étanchéité, l’immunité, la sécurité… Ce qu’il y a de fascinant dans ce mouvement de l’Underground Railway et qu’il faudrait creuser, c’est la façon dont la vieille figure de l’esclave fugitif et celle, plus récente, du réfugié s’y combinent étroitement ; l’une éclairant l’autre et vice versa.

1. Pour une analyse détaillée des différentes formes de marronnage, le phénomène général de la fuite des esclaves  » noirs « , se reporter à mes autres textes : Retour du Maroni in revue Drôle d’époque n°13 (2003), Les métamorphoses du marronnage in revue Lignes n°16 (2005),  » Negros cimarrones  » in revue Africultures (2005), en ligne sur : africultures.com.
2. Dialogues, p. 164.
3. Cf. Les Arts des Marrons, Richard et Sally Price, éd. Vents d’ailleurs, La Roque d’Anthéron, 2005.
4. Fahrenheit 451, Ray Bradbury, p. 174, éd. Denoël, coll. Folio/SF, 1995.
5. Premières lueurs du jour sous les tropiques, G. Cabrera Infante, p.18, éd. Mille et une nuits, Paris, 2003.
6. Fahrenheit 451, p. 188.
7. Fahrenheit 451, p. 196-197.
8. Id., p.198.
9. Les griots sont perçus en Afrique comme des bibliothèques vivantes.
10. Nous parlons ici uniquement du  » grand marronnage  » des  » nègres bossales « . Fraîchement débarqués d’Afrique, ces esclaves (les moins déculturés) étaient les plus à même de réinventer une société dans les replis des forêts. Les  » nègres créoles  » (nés sur place), quant à eux, tentaient plutôt de se fondre dans l’anonymat des villes, de se faire passer pour des  » affranchis « .
11. Ce n’est qu’une image bien sûr : les communautés marronnes ne sont pas des modèles réduits de l’Afrique mais des sociétés originales, bricolées dans l’urgence à partir de fragments de cultures africaines et d’emprunts aux cultures européennes et amérindiennes.
12. Une conception du monde singulière dont témoigne les religions afro-américaines (Candomblé, Santeria, Vodou, etc.) où divinités africaines et amérindiennes, ancêtres tutélaires, esprits des plantes et des animaux, génies féminins des rivières (mamans d’lo, wata mama,…) et saints catholiques s’entrelacent en des cosmologies complexes.
13.  » Nous avons, autant que possible, fermé toute avenue par laquelle la lumière puisse pénétrer dans l’esprit des esclaves. Si nous pouvions supprimer leur capacité de voir la lumière, notre tâche serait terminée, ils seraient alors au même niveau que les bêtes des champs, et nous serions en sécurité.  » Extrait d’un discours à la Chambre des représentants de Virginie, 1831. Free jazz/Black power, Carles & Comolli, p. 138, éd. Folio, Paris, 2000.
14. La Commune des Palmares, Benjamin Péret, éd. Syllepse, 1999, Paris. Au 17ème siècle, 70 ans durant, cette  » Commune noire  » parvint à tenir en échec, les expéditions militaires hollandaises et portugaises.
15. Plus connus sous le nom de Black Caribs, ces marrons sont disséminés dans toute l’Amérique Centrale. Leur peuple est lui-même issu d’une alliance originelle entre Africains fugitifs et Indiens Caraïbes de l’île de St. Vincent. Leur langue, hormis quelques termes européens et africains, appartient au groupe linguistique caraïbe-arawak.
16. Les candidats à l’émigration pour l’Amérique incapables de payer la traversée signaient un contrat d' » engagement  » qui les liait, pour une durée variant de 3 à 7 ans, à un futur maître. Dans les colonies britanniques, ce système perdura jusqu’au milieu du 18ème s. et se conjugua avec une politique de déportation des vagabonds, des voleurs de poule, des enfants des rues, des filles de joie, des paysans irlandais expropriés (14 ans de servitude étaient réservés à ces convict servants)…
17. La Commune des Palmares, p. 75.
18. Le Grand Dehors, Michel Le Bris, p. 309, Ed. Payot, paris, 1992.
19. La traversée de l’Europe par les forêts, Alain Fleischer, p. 25, éd. Virgile, Besançon, 2004.
20. Le nouveau petit Robert, Paris, 1994.
21.  » Relaçao das guerras feitas aos Palmares de Pernambuco… 1675-1678  » cité par G. Police in Quilombos dos Palmares , p. 129, Ibis rouge, Cayenne, 2003.
22. Nom que se donnent collectivement les peuples marrons des Guyanes. Le terme  » Businenge  » dérive de l’expression anglaise  » bush negroes « . Le busitongo, la langue des marrons, est une sorte de créole à base essentiellement d’anglais.
23. Pour des raisons de concision, nous ne nous intéresserons ici qu’à la sculpture des Businenge. Leur culture comprend évidemment bien d’autres formes d’art : danses, musiques, arts du corps (scarifications, coiffures), etc.
24. Dans le broken english du ghetto,  » Funk  » signifie  » puant  » ; il évoque l’odeur, la transpiration du nègre (dont se plaignent les  » blancs « ) : un stigmate retourné en valeur positive. En opposition radicale au côté  » léché « ,  » propre  » du jazz cool des  » blancs « , la musique Funk (comme le Free jazz) se caractérise par des sonorités  » sales « ,  » sauvages  » : importance des interférences, des cris, des improvisations (poussées parfois jusqu’à la transe collective).
25. Afin d’échapper à l’ingérence de la police et des syndicats d’Hollywood, Van Peebles fit croire qu’il tournait un film porno…
26. Cf. le site canadien : www.whitepinepictures.com/seeds/i/5-f/sidebar-f.html
///Article N° : 4420

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article
Tembe : sculptures des noirs marrons de Guyane et du Surinam
Tembe : sculptures des noirs marrons de Guyane et du Surinam
"Harriet Tubman's Underground Railroad" peinture de Paul Collins
Passage souterrain © Dénètem TOUAM BONA





Laisser un commentaire