L’Insertion de l’école africaine dans l’industrie culturelle occidentale

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La culture africaine actuelle – qui va de l’école primaire à l’université – ne bénéficie d’aucune autonomie. cela va sans dire.
En fait, il n’y a pas de système scolaire africain à part, hors de l’industrie culturelle occidentale, qui elle-même réduit la culture à une simple marchandise.
Le problème posé au continent africain ne réside pas dans le simple fait que les livres qu’utilisent les Africains, du premier degré au troisième cycle, soient fabriqués en Occident par de véritables multinationales de l’édition (Nathan, Hachette, Bordas, Hatier, Larousse, etc).
Le plus grave n’est pas à nos yeux tant le monopole de l’outil de production de la culture que le fait que les Africains n’y soient pour rien dans ce qu’ils achètent, lisent, apprennent, appliquent, défendent bruyamment souvent ; dans les objectifs qu’ils assignent ce faisant à leurs vies.
Le pire, c’est que les produits « offerts » et la lecture qui en découle soient toujours décalés dans le temps. Les produits de l’industrie culturelle occidentale en Afrique brillent par leur ancrage au passé culturel occidental. Ils n’offrent que des réponses . dans l’oubli total des questions que l’occident s’est posé à un moment donné. Réponses sans questions, à prendre comme telles et qui, de toute façon, ont cessé d’être pertinentes pour l’occident lui-même au moment où l’Afrique s’en empare.
Dans le domaine de la culture comme dans celui des biens de consommation, il est évident qu’il est un continent qui sert de débarras : l’Afrique.
La culture y est aussi une marchandise.  La marchandise étant la catégorie générale de tout ce qui peut être vendu, à un titre ou à un autre, par un moyen ou par un autre. De fait, rien n’échappe au circuit de la marchandise : les biens alimentaires, vestimentaires, les moyens de locomotion, les « biens intellectuels ».
Le monopole de l’industrie culturelle occidentale et la démobilisation intellectuelle en Afrique : le mythe du cargo
On peut observer que le monopole de l’industrie culturelle occidentale génère en Afrique le mythe de la donation, phénomène si bien analysé par J. Beaudrillard chez les Mélanésiens. Car,  ayant tout écrasé, les produits de cette industrie « se proposent (.) comme de la puissance captée, non comme des produits travaillés (.) comme une grâce de la nature, (.) une manne et un bienfait du ciel. Les Mélanésiens (.) ont développé ainsi au contact des Blancs un culte messianique, celui du Cargo : les Blancs vivent dans la profusion, eux n’ont rien ; c’est parce que les Blancs savent capter ou détourner les marchandises qui leur sont destinées à eux, les Noirs, par leurs ancêtres retirés aux confins du monde. Un jour, une fois mise en échec la magie des Blancs, leurs ancêtres reviendront avec la cargaison miraculeuse, et ils ne connaîtront plus jamais le besoin. »
Le mythe du cargo remplit un vide d’explications qui, tout en dédramatisant la douloureuse condition du vaincu, conduit cependant à sa graduelle démobilisation intellectuelle. Il lui paraît alors naturel que la production se situe ailleurs, en un lieu si lointain que les produits consommés apparaissent comme une manne intarissable octroyée par les ancêtres. L’urgence d’une mobilisation intellectuelle disparaît ainsi pour ne laisser place qu’à une pure et simple activité de captation…
Antoine NGUIDJOL
Docteur en philosophie, attaché d’administration scolaire et universitaire

///Article N° : 4421

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