La romancière sénégalaise Khadi Hane signe chez l’éditeur Ndzé cette romance contemporaine qu’est Le Collier de Paille. Une histoire d’amour entre une citadine pur jus, mariée, professionnellement équilibrée et un paysan polygame, profondément ancré dans ses valeurs et son environnement ruraux. Lors d’un voyage loin de Dakar, dans un village sérère perdu au fin fond de la brousse, la narratrice aperçoit dans son champ, au hasard d’une promenade, un jeune homme » au torse noir recouvert de la sueur de ses efforts » (p. 119). Rien que ce regard de la femme sur l’anatomie de Diogoye suffit pour déclencher une passion qui, dans un premier temps, effarouche le jeune paysan pas du tout habitué à voir une femme prendre l’initiative en matière amoureuse. De fil en aiguille, et après quelques tâtonnements liés aux différences des valeurs constitutives de la personnalité de chacun des amants, l’adultère sera consommé, laissant la narratrice dans un état total d’abandon et d’incompréhension face à l’ampleur des sentiments qu’elle éprouve pour un homme complètement aux antipodes de sa culture et de son univers social. D’autant plus qu’elle sait qu’elle retournera dans son foyer dakarois, mais avec le risque désormais de vivre avec le souvenir de l’autre, dont la présence, même fugitive, pourrait à long terme constituer un danger pour son couple. Quant au père de Diogoye, l’équation est tout autre : ce n’est pas tant la nature polygamique de la liaison de son fils avec une étrangère qui le fait monter sur ses grands chevaux, mais le danger de le voir s’en aller vers la ville, séduite par cette femme pas comme les autres, adultérine mais aussi autoritaire, une femme qui commande aux hommes, tel qu’il l’a vue faire avec les hommes de son équipe !
Intrigue classique, certes mais analyse psychologique fouillée du coup de foudre servie par une écriture souple et très narrative que, par exemple, aucun dialogue ne vient couper, ce qui se révèle une admirable illustration du monologue intérieur. Suffit-elle à une femme, fût-elle musulmane comme la narratrice, d’aimer son mari pour échapper à l’appel de la chair, le désir de céder son corps aux caresses d’un autre homme ? Il se joue dans ce roman, un faux drame individuel (après tout, le mari de la narratrice ignore son escapade amoureux), néanmoins demeure in fine la question du poids des traditions fussent-elles religieuses ou traditionnelles sur la liberté sexuelle de la femme africaine.
