Le Crépuscule de l’Homme

De Flore Hazoumé

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Le Crépuscule de l’Homme de la romancière béninoise Flore Hazoumé est aussi une réflexion intéressante sur les destinées et des hommes et des peuples, de la nature humaine et animale par extension, si l’on s’en tient au strict résumé de la trame narrative ainsi qu’à la description des passions qui font de ce récit sombre et apocalyptique un condensé de la douloureuse réalité sociale et politique d’une vieille Afrique qui refuse de mourir pour que naisse la nouvelle.
Dans une ville nommée Bunjabala (allusion à Bujumbura ?), un jeune couple d’étudiants va se révéler être le révélateur des tensions qui secouent le pays à une échelle plus grande. Edith et Pascal– elle étudiante en médecine légale, lui étudiant en sciences humaines – sont en effet issus de classes sociales et d’ethnies différentes, avec un mystère toutefois quant à l’ethnie réelle de Pascal, ni Sutu ni Tsatu, ce qui fait de son combat en faveur des Tsatus, un geste d’idéaliste  » solidaire de tous les révoltés de la terre « , ainsi qu’il le définit lui-même (p. 25). Le père d’Edith, Bernard Gassana, personnage très proche du pouvoir Sutu, et qui fut lui-même jadis un  » casseur de Tsatu « , reste secrètement fasciné par la gouaille et l’aura du jeune homme, lequel professe comme lui des théories apparemment séduisantes sur la nécessité de la violence révolutionnaire. Comment transformer une simple revendication estudiantine en contestation politique capable d’ébranler les assises du pouvoir ? L’énigmatique Pascal seul sait comment s’y prendre, manipulant la masse à son aise, laquelle croit que le jeune homme possède également des pouvoirs surnaturels qui le rendent insaisissable à ses ennemis. Finalement, une fois son but atteint, Pascal disparaîtra définitivement de la scène, laissant Bernard admirer les effets dévastateurs de ce qui ressemble plus à une vengeance grégaire des Tsatus qu’à une révolution éclairée.
Qui est vraiment Pascal Tuzbelbe ? Prophète ? Incendiaire ? Pourquoi disparaît-il sans qu’aucun indice ne permette d’en imaginer la raison ? D’ailleurs, tout va très vite dans ce roman. Ainsi le lecteur se retrouve-t-il transporté dans une seconde partie qui a pour cadre les collines et les forêts autour de Bunjabala. À temps, pour assister aux mesquineries de la vie entre réfugiés, à la folie douce de Bernard Gassana toujours tenté par une contre-révolution des Sutus. Mais des menaces plus graves se profilent à l’horizon, au nombre desquelles la faim, la soif, et une épidémie étrange qui va tout emporter sur son passage.
Quelques problèmes structurels affaiblissent cependant l’unité du récit. Le flash-back psychologique sur le couple Bernard et Émilienne Gassana dans l’avant-dernier chapitre peut surprendre le lecteur par son côté un peu trop  » téléphoné « , même s’il est censé éclairer le secret de la naissance d’Edith, et le profil de bourreau manipulateur de Bernard Gassana. Le procédé choisi, la confession d’Émilienne au seuil de la mort, trop convenu dans un roman au ton si sobre et dépouillé, explique peut-être ce sentiment d’impromptu que l’on a en lisant la scène. Edith serait le fruit d’un viol, et Bernard en épousant Émilienne n’avait fait que transférer son amour de Claire, jeune Tsatu assassinée qu’elle aima jadis, sur un être vivant ; un transfert morbide qui l’empêcha longtemps de consommer son mariage avec une Émilienne rétive. Enfin, si l’épilogue fait sourire, on se plaît à l’accepter comme la seule solution métaphorique que l’auteur a trouvé pour nuancer le tableau complètement sombre de l’Afrique qu’elle peint dans ce récit : seuls rescapés d’un virus inconnu qui ravagea la contrée, Dolorès, la fille d’Edith, et Moïse (clin d’œil à la Bible ?), le garçon recueilli par Edith et son dernier compagnon Karim sont emportés par une maman gorille au fin de la forêt, pendant que la vie humaine s’éteint lentement sur le continent et sur la Terre. Le crépuscule de l’Homme venait de commencer, oui mais…  » quelque part en Afrique, au plus profond de la jungle, vivait … une maman gorille et ses… enfants, une bien étrange famille.  » Afrique, berceau de l’Humanité ? Après tout, pourquoi pas !

Le Crépuscule de l’Homme, Flore Hazoumé, CEDA, 2002///Article N° : 3191

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Un commentaire

  1. j’ai vraiment aimé cette œuvre si réaliste mais par moment elle se présente comme une œuvre traitant des faits imaginaires du fait de phénomènes surnaturels et choquants. Il faut cependant garder de cette œuvre qu’elle est particulière et qu’elle traite de faits qui ont nécessairement maqués l’histoire de l’Afrique et particulièrement celle du Rwanda

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