La plus protocolaire des formules a été prononcée dans le langage le plus officiel : » Je déclare ouvert la 7eme édition du festival international de l’acteur »
C’était du 19 au 27 juin 2003 à Kinshasa.
Après plusieurs tergiversations, plusieurs » est-ce que ça va se faire ? » et » avez-vous des infos sur le FIA ? « , on a pu dire enfin : ça y est
Camerounais, Béninois, Centrafricains, Belges, Français, Congolais d’en face ont répondu présent à l’appel pour faire de ce FIA un hommage digne à Nono Bakwa, l’un des pionniers de la mise sur pied de cette rencontre internationale en Afrique centrale. Cette édition a été de mémoire, non seulement à Nono mais aussi à Katanga Mupey, Mutombo Buitshi ainsi que tous ceux qui ont milité pour que le théâtre vive dans la capitale de la musique.
Ya Nono, comme l’appelaient affectueusement les Kinois, s’est battu, l’on s’en souvient, pour que le festival soit doté d’une parution, pour qu’il s’élargisse à d’autres disciplines dont la danse contemporaine et de création, pour que pendant le FIA des chorégraphes animent des ateliers et que des peintres exposent. Des choses qui restent comme on dit
Et c’est important que les uvres survivent à leurs créateurs, que les institutions demeurent, que les choses se fassent. Pour qu’encore l’on dise : ça y est
Ce FIA 2003 en chiffres ce fut 39 artistes et donc 15 compagnies venant de 9 pays dont la RDC, compagnies et artistes ayant livrés 18 spectacles, en 10 jours de représentations, dans 7 sites, pour 3467 spectateurs en audience cumulée. C’est aussi 4 ateliers formation ainsi que 4 rencontres artistiques, 3 éditions du Moniteur FIA, environ 1530 repas et 2501 litres d’eau servis. On n’attend plus que les x nombres de bébés nationaux et surtout internationaux à naître
» De son vrai nom Félix Bakwa Bafukuluil, ya Nono était plus qu’un ami, il était devenu mon frère.
Je me souviens encore de ce jour ou je débarquai à l’Ecole st Georges, lieu de répétition de la troupe Inchi Yetu.
Je fus accueilli par un jeune homme svelte, avec une chevelure abondante : c’était Félix. Depuis ce jour, une amitié franche a survécu a l’usure du temps. Dix-sept ans après notre rencontre, l’Ecurie Maloba est née. Je fis appel a Nono et malgré les rapports tendus qu’il entretenait avec Mutombo, l’intérêt de l’art finit par avoir le dessus et nous voila embarqués sur cette barque dénommée Ecurie Maloba dans une croisière à destination de l’infini.
Il y a eu des vagues, des vents, des pluies, des nuits et des jours apparaissant sans lendemains, nous tenions bon.
Alors que nous n’avions pas encore atteint l’objectif, Mutombo nous quitta
Restés a deux, nous continuions Nono et moi de sillonner l’Europe, l’Afrique, pour expliquer au monde qu’au Congo Démocratique on fait du travail de qualité. Ya Nono accoucha de projets qui placèrent l’Ecurie Maloba au firmament de l’art théâtral : Arrêt kardiak, Ngando, Les dernières nouvelles ne sont pas bonnes, et tant d’autres qui ont vu le jour grâce aux talents dimensionnels de Ya Nono. Et il en avait d’autres en gestation. Quel gâchis.
Le dimanche 19 mai 2002, nous avions improvisé une réunion à deux. Pendant plus de cinq heures, la structure était à l’ordre du jour. A la fin, il était 20 heures passées, il m’annonce que la production du 16 mai était la dernière pour lui car il voudrait se consacrer complètement à la mise en scène. Je vais faire une dernière mise en scène pour le MASA, ce sera pour la pièce Le Rebelle et après j’irais me reposer en France en octobre.
A un moment il me demande : Shaka, pourquoi il n y a que les meilleurs qui partent ? Pourquoi cette question ? Je lui demande. Je ne cesse de penser à Katanga et à tout ce que nous nous étions dit, quel gâchis
me dira-t-il.
Une pluie fine commence a tomber a l’espace. Il nous faut partir. Quand il prend place à bord de ma jeep, je vois des larmes couler de ses yeux, Ya Nono pleurait
Un silence nous enveloppe tout le long du trajet jusque chez lui. En descendant, il me dit son envie de faire une excursion le samedi 1er juin avec l’Ecurie Maloba : Je te laisse le choix du site, mais n’oublie pas, c’est pour fêter mon anniversaire.
Lundi 21 mai, pendant que nous préparons le spectacle du 31, il s’en prend violemment à un jeune comédien, Tshitshi, question de l’exhorter au travail. En fait a travers lui, il s’adressait à tous les jeunes de la compagnie. Il termine en disant qu’il y toujours un temps pour tout.
Mardi 28 vers 6 heurs, je suis réveillé par mon téléphone. Au bout du fil, son épouse m’apprend que Ya Nono venait de piquer une crise. Evacué vers l’hôpital, rien ne présageait le pire. Mais hélas, ce jour-là Dieu en avait décidé autrement. Malgré nos prières et nos supplications, la mort était au rendez-vous. Qui l’eut cru ? Pas moi. Cette nuit noire fut la plus longue que j’ai connu jusqu’à ce jour.
Quand le médecin m’apprend qu’il n y a plus rien à faire, je comprends alors ses larmes de l’autre soir ainsi que tous les propos tenus ce jour là. Et surtout le sens de son excursion du 1er juin
Vanité des vanités, tout est vanité, dit l’Ecclésiaste. Le héros est parti, laissant les Enfants Terribles orphelins de leur père et grand frère.
Que tous ceux qui aiment l’Ecurie Maloba sachent que le baobab est tombé. Mais d’autres baobabs sont là pour continuer son uvre.
Nono Bakwa vivra à jamais. Que son âme repose en paix. »
A Kinshasa, il faut toujours cette dose de feeling pour que les choses se fassent et à tous les coups, en ce qui concerne le FIA, elle est de la partie. Toujours.
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