Le hip hop tanzanien ou la volonte de briser le mur du silence

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Notre intérêt pour le hip hop tanzanien a débuté dans un village reculé des montagnes Udzungwa (2). Je vivais à proximité d’un kiosque duquel le tenancier écoutait une musique qui a rapidement attisé ma curiosité. Ce n’était ni à cause de sa rythmique qui n’avait rien à voir avec une quelconque tradition musicale africaine, ni pour son contenu chanté dans la langue swahilie et qui, en ces débuts de terrain, m’était encore peu familière. Les raisons de mon étonnement résidaient dans le zèle avec lequel ce jeune commerçant s’attachait à glisser du matin au soir la même cassette dans sa chaîne hi-fi alimentée par une batterie électrique qu’il rechargeait spécialement à cet effet lors de ses déplacements en ville.

« Nimepania kuelimisha jamii ya Tanzania, nimepania hatutaki viongozi wanaosinzia, nimepania Bwana, Mtanzania bwana […] Watanzania hivi ni wapi tunaelekea ? Au ukoloni unataka kujirudia […] Hii kazi yangu bwana kurekebishana, nikinyamaza tanzania itakwisha tu […] » (1)
Extrait du titre « Nimepania » du groupe Joni Woka et Ras Lion (2002)

Quelques semaines plus tard, un ami me traduit les paroles d’une des chansons qui avaient rythmé mes réveils matinaux dans le village. Je suis stupéfaite par la portée politique et civique des paroles et la mise en scène originale qu’elle contient, digne d’un comique de théâtre (3). Un des chanteurs imite avec brio la voix d’un homme soûl, c’est la fameuse sauti ya kilevi ou voix éméchée du hip hop tanzanien. Ainsi, désinhibé, l’enivré livre très librement ses sentiments de révolte sur les dysfonctionnements de son pays.
Lors de mes déplacements consécutifs en milieu rural et urbain durant l’année 2003 et au début de l’année 2004, je me suis intéressée à étudier de plus près la singularité du hip hop en Tanzanie. Ce petit bain de culture dans le monde de la musique ya kizazi kipya (4) m’a permis de découvrir sa forte inscription dans le paysage socioculturel et politique du pays.
Ces premières observations ont débouché sur l’écriture de cet essai dont l’objectif majeur consiste à mettre en valeur la force syncrétique du hip hop tanzanien et la forte intrication qui s’est opérée entre ce mouvement et la société.
Le hip hop est devenu une courroie de transmission des aspirations et des crises que traverse la société ainsi qu’un instrument de mobilisation populaire de nature politique et / ou sociale. Regardons de plus près, l’émergence de ce mouvement et comment il est parvenu à conquérir un large public.
Hip hop, brève définition
S’il ne fait pas de doute que l’impulsion de ce mouvement s’inscrit dans les quartiers « noirs et hispaniques du Queens, de Brooklyn et surtout du Bronx » [Ferrari, 2000, p.1], la question de la genèse de ce mouvement refait régulièrement surface. Quelles sont les influences musicales qui ont contribué à la formation de cette culture originale ?
Alors que certains chroniqueurs remontent aux années 20, lors de l’enregistrement du premier album de blues par un chanteur afro-américain, d’autres s’attachent plus volontiers à affirmer l’origine africaine du rap. Les nombreuses traditions musicales de ce continent auraient depuis des temps immémoriaux privilégier des formes musicales alliant le récit au chant, la diction à la mélodie qui « n’est qu’un ornement, un embellissement de la parole » (5).
Dans son article sur « La préhistoire du rap » (6), Arnaud rappelle la kyrielle de genres musicaux contemporains ; issus aussi bien du blues, que du gospel et du jazz ; qui bien avant la formation des premiers groupes de hip hop ont commencé à explorer des nouveaux sons et manières de chanter. Tous ces styles avant-gardistes, tels que les talking blues, ont impulsé des modes d’expression artistiques proches du « chanté-parlé » (Arnaud, 1999) propre au rap.
En dépit de ces difficultés à circonscrire très nettement les limites de ce mouvement, le hip hop doit être appréhendé, selon la formule consacrée de Marcel Mauss, comme un phénomène « social total ». En plus d’embrasser des expressions artistiques très disparates, il renvoie à une attitude, à un rapport au monde qui sont partagés par la « nation hip hop » (Cachin, 1996). Le graffiti ou la fresque murale peinte à l’aérosol, la culture du tag, la dance (7), le rap et le scratch (8) sont les principaux modes d’expression du hip hop. D’autres aspects participent à forger l’identité du mouvement hip hop, tels que le langage, la tenue vestimentaire, la manière de se mouvoir, de se nourrir, etc.
L’explosion du hip hop a très fortement marqué l’actualité culturelle de ces dix dernières années. De plus en plus de groupes de musique se réclamant du mouvement hip hop apparaissent aussi bien en France, aux Etats-Unis, qu’en Afrique, en Corée, etc.
Mondialisation d’une culture : le cas du Hip Hop tanzanien
Des ghettos newyorkais à Dar es Salaam
La culture hip hop est apparue dans les grandes métropoles américaines de la côte est. Cette nouvelle vague musicale succédait à des années de culture disco, « avatar dollarisé de la soul music qui pendant toute une décennie, a renfloué le show-business tout en marginalisant les grandes voix afro-américaines » (9).
Au début des années 70, les premières techniques de scratch sont initiées par des DJs en herbe (10). En 1979, Sugar Hill Gang produit le premier album de rap à être commercialisé : « Rapper’s Delight ». Celui qu’on considère aujourd’hui comme le personnage clef de ce mouvement naissant, Africa Bambataa (11), lance au début des années 80 plusieurs albums avec des nouveaux sons créés avec des synthétiseurs et des samplers. Il est de même l’instigateur de la Zulu Nation, organisation qui a pour but de promouvoir « la paix, l’amour et l’unité » (12).
Après l’avènement des premiers représentants du hip hop (13), une autre génération, celle de la New School connaît les premiers succès mondiaux du rap. De nombreux artistes et fans blancs commencent à s’intéresser de près au hip hop après s’être déployés au sein de la minorité afro-américaine. Les conditions de production musicale s’améliorent sensiblement. Les artistes disposent d’une plus grande capacité de création en studio en utilisant les premiers samplers numériques.
La polémique autour du rap fait rage avec la New School. Les objectifs qui animent cette seconde génération de rappeurs consistent à dénoncer la marginalisation que subissent les minorités suite à l’oppression du capitalisme post-industriel et à ses effets sociaux destructeurs.
Le gouvernement américain est l’instigateur d’une distribution spatiale discriminatoire des différentes classes sociales de la société américaine. Les politiques d’urbanisation initiées sous la présidence de Ronald Reagan annoncent les phénomènes de communautarisme qui confinent les communautés issues des vagues d’immigration dans des aires habitables déplorables telles que les anciennes zones industrielles désaffectées.
La communauté afro-américaine, aux premières loges des effets d’exclusion (14), est très sensible à l’appel à la lutte pour les droits civiques lancé par les militants du hip hop qui occupent le devant de la scène durant les années 80 (15). Ces derniers dénoncent la continuité des formes d’oppression économiques subies par les minorités dans une société indifférente aux sorts des exclus. La violence des rues, les règlements de comptes entre gangs, les appels à la révolution au sein de la communauté immigrante, etc. figurent parmi les principaux thèmes explorés par les chanteurs de hip hop de l’époque.
L’insertion dans une entreprise – qui elle-même assure l’intégration sociale et un certain pouvoir de consommation- met sur le banc tous ceux qui ne sont pas parvenus à devenir de véritables winners dans la société américaine. La propriété de biens (maisons, voitures, etc.) définit la place de chacun dans la société. L’idéologie de l’efficacité et du productivisme consacre la réussite sociale par le travail. Dans ce contexte, tous ceux qui s’insurgent contre les inégalités sociales inhérentes à ce capitalisme exacerbé ne recueillent évidemment pas l’assentiment de l’opinion publique. Les médias assimilent les acteurs de la culture hip hop à des délinquants issus de la communauté étrangère qui refusent indubitablement de « s’intégrer » dans la société américaine. Qu’est-ce que ces jeunes qui scandent des mots incompréhensibles et se permettent de couvrir de graffitis les murs de la ville ? Que peuvent-ils bien avoir d’intéressant à revendiquer ? L’appréciation du grand public est quasi-unanime sur ce point qui s’insurge et s’inquiète de cette culture factieuse qui déferle dans les agglomérations américaines et européennes. Critiques, railleries et peurs cristallisent donc de nombreux préjugés à l’égard du hip hop, qualifié d’ignominie.
Ainsi, l’incompréhension et le rejet l’emportent de manière générale sur ce nouveau mouvement artistique considéré avant tout comme une expression de la violence urbaine excitée par les artistes et les autres militants issus du mouvement hip hop. Ceux qui sont issus de la côte ouest font les choux gras de la presse à scandale. Les procès de certains rappeurs, impliqués dans des affaires criminelles, sont la pour conforter la condamnation du public à l’endroit de cette tendance urbaine jugée malsaine.
Simultanément, de nouveaux groupes émergent. Ils se démarquent peu à peu de la tendance gangsta rap qui avait dominé les premières années de commercialisation du hip hop américain. Ils incarnent un rap nouveau, tourné vers des valeurs plus positives et tranchent avec l’image ultra violente qui avait marginalisé les premiers rappeurs américains. Ce nouvel état d’esprit est interprété comme un retour aux sources, à un hip hop pacifique, celui dont Africa Bambataa s’était fait le fervent défenseur.
Dans les années 90, un pluralisme des genres au sein de la culture hip hop conquit un nouveau public qui désormais reconnaît le hip hop comme une culture pleine et entière (16). L’appui et l’intérêt commercial grandissant de l’industrie du disque pour une culture plus éclatée participent de même à populariser cette musique sur la scène internationale. Cette musique est distribuée auprès de nombreux disquaires. Du coté des médias, de nombreux magazines, fanzines, émissions radiophoniques et télévisuelles commencent à exploiter l’intérêt croissant du public pour le hip hop.
Grâce à cette médiatisation accrue, cette culture réussit à s’exporter dans d’autres sociétés. Elle remporte peu à peu l’adhésion d’une jeunesse transculturelle. Ce mouvement n’est pas seulement accaparé par une jeunesse issue des grandes cités américaines et européennes mais aussi par d’autres, considérablement éloignées des réalités économiques et politiques qui caractérisent les sociétés occidentales.
Le phénomène du hip hop se déploie en effet à une vitesse fulgurante dans de nombreux pays africains. En effet, c’est à la fin des années 80 que les premiers jeunes artistes en herbe africains, témoins pour la plupart d’une récession économique et d’une crise sociale et parfois politique de plus en plus critique (17), épousent de pleins fouets cette nouvelle culture. Bien que les débuts du rap en Afrique aient été calqués sur le modèle américain (18), les artistes y inscrivent peu à peu leur marque identitaire. L’appropriation du hip hop dans ce continent ne débouche pas sur un mimétisme primaire d’une culture occidentale mais sur des dynamiques musicales et sociales remarquables. L’exemple de la Tanzanie est très caractéristique de cette culture aujourd’hui mondiale et de sa capacité à se fondre dans des sociétés plurielles. Dans tous les pays où ce mouvement s’est infiltré, un syncrétisme très fécond entre influences et cultures musicales variées s’est formé. En Tanzanie, le hip hop est parvenu à bâtir un pont avec la société entière. L’exemple du hip hop tanzanien étaye la thèse d’une culture profondément populaire (19).
Introduction du hip hop en Tanzanie, contemporaine de l' »uwazi »
L’apparition du hip hop en Tanzanie au milieu des années 80 est concomitante d’une promotion mondiale du rap américain et de l' »uwazi » (20) ou ouverture politique et économique sans précédente. La Tanzanie a manifesté une vive résistance à l’occidentalisation durant les deux décennies de socialisme à l’africaine.
Faisons un bref retour en arrière sur ces années de communisme. En 1964, le leader de la Tanzanie indépendante, Julius Nyerere, rédige et mit en application les principes de la Déclaration d’Arusha qui affiche sa volonté de fer de former une nation sur des principes communautaires. La conséquence majeure de la promulgation de cette Déclaration d’Arusha est le contrôle par l’Etat de l’économie. Ce dernier nationalise les premières industries manufacturières qui avaient été en majorité implantées par des investisseurs étrangers au lendemain de l’Uhuru (21). Les colons, peu nombreux dans le territoire du Tanganyika s’étaient concentrés sur les cultures des matières premières pour remplir les stocks de l’empire allemand puis britannique. Ils n’avaient donc pas encouragé l’essor du secteur industriel dans cette colonie.
Politiquement, des systèmes de propagande assurent la pérennité de ce régime. Les « ennemis » de la nation tanzanienne avaient comme nom le capitalisme, l’individualisme, l’émancipation excessive des mœurs et de la femme pour n’en citer que quelques-uns. Ainsi, le gouvernement s’attache-t-il à limiter, voire à interdire, l’introduction de toute influence occidentale (22).
La formation du Ministry of National Culture and Youth vise l’unification du pays via un processus d’homogénéisation de la langue et de la culture de la Nation. Lors d’un fameux discours de Nyerere qui inaugurait la création de ce ministère, celui qu’on nommait le Mwalimu (23) exprime son regret au regard de l’attrait que les tanzaniens semblent avoir pour les « songs of European » (24) telles que le ‘twist’, la ‘rumba’, le ‘chachacha’, le ‘rock-and-roll’, le ‘waltz’et le ‘foxtrot’. Cette démagogie politique cherche à légitimer une promotion intensive d’une prétendue culture tanzanienne « traditionnelle ». Les groupes de « ngoma za asili » (Mangesho, p. 35) étaient hautement considérés par les autorités en place pour diffuser l’idéologie socialiste au sein de la jeunesse tanzanienne (25). Ainsi, une forte connivence entre la politique et la culture est-elle entretenue à des fins de propagande politique.
Mais lorsqu’en 1985, le fondateur de l’Ujamaa se retire suite au cuisant échec de sa politique économique socialiste, ce dernier nomme à la tête du pays une nouvelle figure politique, Ali Mwinyi Hassan. Pendant une décennie, il précipite la Tanzanie dans une ère capitaliste extrêmement libérale. Le mot d’ordre est ruksa ou liberté d’entreprendre, d’investir, d’importer, etc. Les Tanzaniens assistent au passage brutal d’une économie centralisée à une économie ouverte au libre-échange. Mais les premières vagues de privatisations initiées durant la décennie Mwinyi bénéficient principalement à la communauté asiatique et musulmane.
Suite aux pressions des grandes instances internationales, les autorités décident de démocratiser le pays en organisant les premières élections présidentielles et multipartites en 1995. Elles incitent le nouveau gouvernement à entreprendre des réformes macro-économiques telles que la dévaluation de la monnaie tanzanienne. Les privatisations des anciennes structures étatiques amorcées sous la période Ruksa se poursuivent. Par conséquent, la génération tanzanienne née dans les années 80-90 est la première à expérimenter l’affranchissement politique et économique du pays. Sur le plan culturel, un vent de liberté accompagne cette plus grande liberté d’initiative économique et politique.
Alors que sous Nyerere, les médias et la culture avaient été placés sous haute surveillance par les autorités dirigeantes, dans les années 90, cette ouverture au monde assure une plus grande liberté d’expression et de diffusion des informations. Peu à peu, les médias s’autorisent à diffuser des sons qui différent de la culture musicale tanzanienne « classique ». Jusqu’à la fin des années 80, les groupes de ngoma ou de danses traditionnelles, le kwaya ou la musique religieuse, le taarab et le dansi (26) étaient jusque-là les quatre principaux genres musicaux qui se produisaient sur la scène musicale tanzanienne (27). C’est dans ce contexte de plus forte perméabilité aux influences extérieures que la jeune génération tanzanienne découvre la culture hip hop. Mais quel accueil la société tanzanienne réserve-t-elle à cette culture ?
Vives résistances face à la « muziki ya kihuni »
La percée timide du hip hop dans le pays à la fin années 80 s’achoppe au poids de l’héritage de l’idéologie socialiste ainsi qu’à une industrie musicale embryonnaire. En effet, l’incompréhension du public face à cette nouvelle musique ajoutée aux maigres infrastructures que dispose le pays freinent la vitesse d’extension de cette musique dans le pays.
Le premier public à écouter du hip hop est la jeunesse urbaine qui bénéficie d’un accès privilégié à l’information musicale internationale. A cette époque, cette culture n’est écoutée que par une fraction infime de la génération de l’après-Ujamaa, c’est-à-dire celle qui réside dans les villes ou l’ouverture progressive au monde extérieur est la plus sensible. Certains bénéficient de contacts privilégiés avec les Etats-Unis ou l’Europe facilitant ainsi l’accès à l’actualité culturelle et, de ce fait, au mouvement hip hop américain (28).
Or, les premiers artistes et sympathisants qui s’étaient initiés à cette culture s’heurtent à une véritable levée de bouclier de la part de l’opinion publique tanzanienne. D’après un chanteur de hip hop, Ras Lion, de nombreux jeunes étaient contraints d’écouter et d’enregistrer en catimini les premiers titres américains qui étaient diffusés à la radio. La perception de cette musique qualifiée par la société de muziki ya kihuni ou de musique de délinquants plonge ses racines dans l’histoire coloniale et post-coloniale du pays.
Le hip hop s’infiltre dans un pays où la jeunesse avait été quelques années auparavant assujettie au pouvoir des autorités administratives. Elles s’étaient employées d’abord à saper le système de la chefferie afin d’annihiler toutes velléités ethniques au lendemain de l’Indépendance. La jeune génération, établie majoritairement dans les villages Ujamaa, était priée de suivre et d’appliquer les consignes formulées par les autorités locales, régionales et nationales qui exigeaient une docilité infaillible des citoyens tanzaniens aux autorités (29).
Selon l’idéologie communautaire défendue par Nyerere, l’économie du pays reposait sur le dévouement de tous les citoyens à une production agricole qui devait être autosuffisante. L’avenir et la gloire de la Nation se jouaient donc dans les villages Ujamaa. Le Père de la Nation considérait l’agriculture comme la ‘colonne vertébrale'(30) de l’économie du pays. Par l’emploi de cette allégorie, il soulignait le choix délibéré des leaders socialistes de concentrer tous les efforts productifs de la Nation sur le secteur primaire.
Dans la réalité, les rudes conditions de vie au village incitent de nombreux jeunes à tenter une autre vie en zone urbaine. Lorsque les premières migrations campagnes / villes débutent à l’époque coloniale, les autorités britanniques s’emploient à les contenir à partir d’opérations d’expulsion de ces jeunes. Ils étaient considérés comme des fautifs car ils n’avaient aucune légitimité de résidence dans les villes (31).
Au lendemain de l’Indépendance, les nouvelles autorités chargent les agents de contrôle déployés en milieu urbain de réserver le même traitement à tous ceux qui étaient pris en flagrant délit de non-participation au travail communautaire. Tous ces jeunes « wahuni » présents dans les villes menaçaient la construction de la Nation. De même dans le discours socialiste, toute femme circulant seule en ville était perçue comme une prostituée. A partir d’une diabolisation excessive des populations urbaines, le gouvernement entend glorifier la vie au village.
Cette perception très négative de la jeunesse urbaine oisive, improductive, et susceptible de s’adonner à la délinquance refait surface lorsque lors de l’introduction du hip hop dans le pays et du soutien des premiers fans et artistes tanzaniens pour cette culture.
Une tendance au rejet de la société tanzanienne à l’endroit de la première vague d’artistes et de fans de hip hop dominera pendant plusieurs années consécutives.
A la fin des années 80, les premiers artistes tanzaniens de hip hop reproduisent le style américain du gangsta rap. Le public de manière générale est récalcitrant à l’attitude de ces jeunes wahuni car elle sèmerait le trouble dans une société marquée par vingt ans de socialisme autoritaire. Les chansons sont pour la plupart incomprises du grand public car elles étaient peu parlantes (32) et chantés principalement en anglais (33). Les thèmes récurrents des premiers titres des artistes tanzaniens reprennent ceux qui avaient été explorés par les premiers rappeurs américains tels que la violence des cités urbaines, les conflits entre gangs, etc. De même, les larges tenues de sport, les chaînes en or, les baskets et autres accessoires portés par les chanteurs de rap reflètent des attitudes inadmissibles pour les anciens de la période Nyerere.
Ainsi, le milieu urbain qui avait été, d’après les démagogues de la période Ujamaa, le lieu de la décadence par excellence, était-il à nouveau condamné par l’opinion publique qui observait l’émergence de nouvelles formes de délinquance dont l’attitude des premiers rappeurs ou jeunes reconvertis à la culture hip hop et au style vestimentaire qualifié d’arrogant.
Par conséquent, les premiers artistes de hip hop de la fin des années 80 et du début des années 90 composent avec une société qui désapprouve très fermement l’intérêt des jeunes pour cette muziki ya kihuni.
Un des premiers rappeurs tanzaniens, Saleh Jabri, appelé aussi le King of Swahili rap, confirme l’incompréhension ambiante qui régnait entre les jeunes (34) :
« This was a time when hip hop in Tanzania was still seen as ‘uhuni’ or gangsterism, associated with crime and drugs. This situation has changed only recently !
There’s an entire generation of Tanzanian rappers that had to cope with disapproval by their families, teachers etc. »
Les rappeurs actuels ironisent souvent sur la première génération d’artistes de hip hop tanzaniens qui scandaient des morceaux de rap calqués sur le modèle américain (35). Un journaliste explique que les premiers artistes tanzaniens usaient de mots obscènes, aptes à semer le trouble, pareil aux rappeurs américains (36). Leurs textes présentent un caractère ésotérique aux yeux d’un public très peu familier avec la langue qui était adoptée à l’époque par les pionniers, c’est-à-dire l’anglais. Citons le témoignage de Saleh Jabri :
« I remember late Nigga One, who used to be number one in Tanzania rap (Yo ! Rap Bonanza) rapping in English » (37)
Les journalistes analysent l’aversion du public à l’égard de cette culture par le vide moral qui caractérisait les premiers titres de hip hop (38).
Du « mimétisme » américain à la création originale d’un rap swahili
Au tout début du rap tanzanien, il n’était venu à l’idée de personne de rapper en swahili (39). Ce que certains ont qualifié de « mimétisme » (40), soit la pâle imitation du rap américain, se désagrège très rapidement sous l’effet de l’apport de nombreux éléments venus de la société tanzanienne, à savoir en premier lieu la langue swahilie. A cet instant, le hip hop franchit une étape capitale. Ce choix linguistique consacre de manière irrémédiable l’inscription identitaire du hip hop dans la société tanzanienne (41).
L’artiste Prof Jay, un des artistes les plus importants de la scène hip hop, évoque l’avancée progressive d’une nouvelle génération qui, peu à peu, se détache de l’empreinte américaine pour façonner un style singulier, fruit d’une dynamique de création syncrétique et très prolifique (42).
Au début des années 90, le chanteur Saleh J, installé à Dar es Salaam, enregistre les titres les plus en vogue diffusés sur les ondes radiophoniques grâce à son « one supra double cassette with mic » (43). Il réinterprète avec sa propre voix des titres de rap américain mondialement connus tels que « the Power » du groupe Snap. Le titre qui le propulse sur la scène nationale, est la version swahilie d’un des plus gros tubes de rap américain de l’époque : « Ice Ice Baby » du chanteur américain Vanilla Ice. Saleh J enregistre ce titre sur cassette dont certaines copies sont revendues dans les kiosques de son quartier :
« My friends who used to come at home they went crazy when they heard it and asked me to have the copy so I gave them blindly. […] I don’t know which one of my friends went to the Indian
distributors and sold it only as a single… One day one of my friend came and told me that your
song is heard all over Uhuru street… I didn’t believe him… » (44)
A l’issue d’une des premières compétitions de hip hop organisée en 1991 (45), durant laquelle il interprète ce premier titre, Saleh J remporte le premier prix. Ce succès qui reste encore dans la mémoire des premiers admirateurs de hip hop donne l’idée à d’autres artistes en herbe de composer sans vergogne un rap swahili.
Dans le contexte d’un mouvement musical mouvant et naissant, l’esprit des pionniers du hip hop est d’interpréter un nouveau genre musical sans d’autres prétentions. C’est pour le « fun and not for money » que cette génération se lance dans cette nouvelle aventure musicale, précise Saleh J. Le dédain éprouvé par la société à l’égard de cette musique, ajouté aux conditions d’enregistrement très rudimentaires n’autorisent pas les premiers artistes de hip hop d’envisager des lendemains prometteurs (46).
Durant les années 90, les plus gros succès musicaux viennent tout droit du Zaire. Le dansi congolais et tanzanien, les groupes de taarab (47), le reggae et les groupes de percussions composent les principaux genres de musique diffusés et écoutés dans tout le pays. Mise à part le reggae, les autres musiques s’inscrivent dans une relative continuité au regard des tendances musicales de l’ère socialiste (48).
A cette époque, l’industrie musicale est encore embryonnaire. Certains artistes enregistrent leur album au Kenya, et ce, jusqu’en en 1977, année de fermeture de ses frontières. La production musicale en Tanzanie est limitée par des moyens techniques nettement moins avancés si l’on compare avec son voisin kényan. A la fin des années 80, tous les artistes qui désirent commercialiser leur musique se rendent dans les rares studios d’enregistrement de la capitale. Deux studios seulement fonctionnent avant la vague de libéralisation du marché du disque : le studio Radio Tanzania Dar es Salaam et TFC (49).
Alors que Nyerere s’était fait le vif défenseur des musiques dites « traditionnelles » (50), elles ne bénéficient pas d’un environnement favorable pour se développer dans le long terme (51).
Après l’uwazi, la MJ Record en 1996 s’installe dans un « twenty feet container » (52) qui à cette époque accueille plus de groupes de dansi que de chanteurs de rap. Le hip hop est encore une musique mineure et très peu lucrative. Par conséquent, très peu d’artistes de rap produisent leur album jusqu’aux années 1998-2000.
Malgré les balbutiements de l’industrie musicale et des conditions d’enregistrement limitées, la volonté de certains artistes de se lancer dans le hip hop ne s’essouffle pas. Une popularisation croissante du hip hop via les médias encourage de plus en plus d’artistes à se lancer dans la muziki ya kizazi kipya soit la musique de la nouvelle génération (53).
Premières tentatives de promotion du hip hop
Les radios privées remplissent un véritable rôle d’initiation et de familiarisation du hip hop dans les années 90. Elles apparaissent suite à l’ordonnancement d’une nouvelle loi dans le domaine de la communication.
Le Tanzania Broadcasting Act de 1993 dissout « the Radio Tanzania Dar es Salaam Act No 11 of 1965, which made RTD the only mouthpiece of the government and the party » (54). L’annulation de cette précédente loi qui avait donc concédé tous les pouvoirs à la radio pro-gouvernementale RTD précipite l’arrivée dans le paysage radiophonique de nouvelles stations FM (55).
La promotion médiatique du hip hop est d’abord l’œuvre de quelques présentateurs radios qui malgré le dédain ambiant que la société réservait aux artistes de hip hop n’hésitent pas à lancer du rap sur les ondes FM. Ils militent activement en faveur d’émissions de sensibilisation à la musique hip hop animées par les premiers DJs tanzaniens. Les tubes de rap américain les plus populaires (56) avec la timide apparition des premiers morceaux des artistes tanzaniens (57) captivent une audience de plus en plus assidue aux émissions de rap radiophoniques.
Dans le même temps, une résistance à la culture hip hop est toujours perceptible dans les maisons de radio privées. Certains employés issus de l’ancienne génération sont toujours habités par une certaine révulsion aux influences musicales extérieures (58). Ils perçoivent cette nouveauté musicale comme le fruit d’une influence occidentale condamnable, susceptible de corrompre la jeunesse tanzanienne. D’après Mangesho (2003, p. 47), cette mauvaise image est alimentée par la diffusion à la télévision de clips de rap américain qui mettent en scène :
« people dressing in coats while covering their faces, holding chains and baseball
clubs, fighting and holding guns, men wearing turbans like women, or praising
marijuana ».
Mais grâce aux initiatives inédites d’animateurs radio et à leur militantisme, le hip hop connaît une première période de sensibilisation dans les années 95-98. Certaines émissions assurent la promotion des premiers concerts événements de rap swahili.
Les chanteurs tels que la groupe Kwanza Unit et Mister II (59) occupent très tôt le devant de la scène musicale. Les spectacles sont organisés parfois avec peu de moyens. Des compétitions musicales de plus en plus fréquentes dans le pays, commencent à populariser le hip hop swahili. Les artistes enregistrent des albums et les distribuent via la vente de leurs cassettes dans les boutiques de fortune des rues de Dar es Salaam et des autres centres urbains.
Les spectacles de musique représentent les premiers lieux de diffusion du rap swahili. L’artiste Prof Jay nous rappelle lors d’un entretien (60) l’existence d’une compétition musicale (61) programmée dans une école secondaire internationale de Dar es Salaam. Tous ceux qui le souhaitaient étaient autorisés à y participer. Cependant, une seule condition était requise : les participants devaient composer une chanson autour du thème de l' »utamaduni« , c’est-à-dire la culture tanzanienne. Deux frères mordus de hip hop, désireux de rentrer dans la compétition, présentent de manière inattendue un rap swahili. Par ailleurs, ils composent leur texte sur le thème du SIDA et du « safe sexe » (62). D’après le groupe Kwanza Unit, cette exhibition dans l’histoire du hip hop en Tanzanie aurait marqué le passage d’un rap anglais à un rap swahili et social.
Par la suite, de plus en plus de jeunes étudiants de la capitale économique se lancent pour participer aux matamasha ou spectacles de musique qui mettent en compétition des rappeurs en herbe (63). Parallèlement, les radios à la fin années 90 convient des jeunes auditeurs lors d’émissions rap à exposer au public leur création et composition personnelle. L’animateur de la radio Uhuru, Sebastian Maganga, accorde à ses auditeurs la possibilité de participer à une compétition radiophonique. Tous ceux qui le désirent peuvent tenter leur chance en scandant en direct leurs morceaux de rap swahili par téléphone. Le gagnant décroche une séance d’enregistrement gratuite pour une chanson au studio Sound Crafters du quartier de Temeke de Dar es Salaam. La condition préalable exigée pour postuler à cette compétition – étalée sur plusieurs semaines – consiste à chanter un rap positif qui fasse sens (« meaningfull« ) (64). On peut donc déjà entrevoir à la fin années 90, l’orientation qui est donnée au rap swahili, porteur d’un message et instructeur. La session « the Talent show » initiée par Taji Liundi diffusée en direct sur sa radio, Radio Times, organise de même « ‘an open mike competition‘ » qui accorde la possibilité aux plus audacieux d’exhiber leur talent dans la composition d’un rap swahili (65).
Les émissions de radios créent une dynamique musicale féconde. En effet, parmi les premiers fans de hip hop certains se décident à tenter leur chance sur ces scènes locales ou a portée plus nationale.
Médiatisation et popularisation accélérées du hip hop
A la fin des années 90, le hip hop commence à séduire un public de plus en plus large aussi bien dans les villes que dans les villages. Aujourd’hui, lors d’un passage en ville, nombreux sont les villageois qui saisissent cette occasion pour se fournir en cassettes dans les kiosques à musique. Bien que les villageois soient toujours aussi occupés à travailler dans les champs, nombreux sont ceux qui se dirigent en direction des kilabu le dimanche, équivalents aux « maquis » d’Afrique de l’Ouest, pour boire la bière locale et se délasser sur des airs de Bongo Flava. Dans les zones rurales privées d’électricité, ceux qui disposent d’un système de batterie électrique ou d’un radiocassette à piles distillent à tout moment cette musique dans la communauté. Dans les bourgs semi ruraux électrifiés (66), les passages dans les kilabu accueillent une clientèle quotidienne.
En dépit du lent développement des moyens de communication en Tanzanie, la radio reste le principal support de diffusion du hip hop. La présence mineure voire nulle de la presse et de la télévision dans les campagnes expliquent son usage toujours aussi dominant.
Rappelons que les campagnes concentrent les trois quarts de la population (67). L’absence d’électricité dans de nombreux villages et le faible budget d’une majorité de villageois freinent l’accès à la presse et à la télévision. Cette dernière (68) est surtout regardée en milieu urbain dans les principaux lieux de sociabilité (tels que les bars, les hotels, les cyber cafés, les salons de coiffure, les kiosques de rue, etc.). Elle est encore aujourd’hui le plus souvent regardée en collectivité et ne fait que très rarement l’objet d’une appropriation individuelle. Quant à la presse tanzanienne, elle n’est distribuée que dans les zones urbaines, voire les bourgs situés le long des grands axes routiers. Elle est peu lue par les femmes pour des raisons culturelles et aussi économiques (69). Quant à la presse électronique, de nombreux sites internet se font le relais de l’actualité du Bongo Flava. Mais elle n’est consultée que par un faible échantillon de la population établie principalement en ville (70).
Par conséquent, la radio en Tanzanie continue de jouer un rôle primordial dans le processus de médiatisation de la culture hip hop. Elle a encore un long avenir devant elle étant donné l’immobilisme économique qui règne dans les villages.
La presse swahilie depuis l’explosion du Bongo Flava contribue aussi à promouvoir sensiblement cette musique. Une kyrielle de journaux vendus à très bas prix (Kiu, Ijumaa, Bingwa, Kasheshe, Lete Raha, Komesha, Chekanao, etc.) publient dans leurs pages centrales de brèves informations sur les artistes de hip hop américains et tanzaniens. Ces hebdomadaires, voire bi-hebdomadaires vendus principalement par les jeunes revendeurs de rues des villes, connaissent un succès remarquable. Ils font cependant souvent l’objet de remontrances de la part de la génération plus âgée. Disposée sur des étalages de fortune, cette presse exhibe régulièrement des photos de femmes en tenues très aguicheuses prises parmi la foule lors des concerts de Bongo Flava ou d’autres lieux d’intense fièvre musicale. Ces premières pages sont souvent à l’origine de polémiques qui recoupent les conflits de génération existants dans la société tanzanienne actuelle.
Quant aux journaux anglophones, plus centrés sur l’actualité du pays et internationale (The Guardian, The Sunday Observer, The Daily News), ils traitent occasionnellement de l’actualité musicales, avec cependant une idée quelquefois très limitée de la musique « moderne » tanzanienne. L’article intitulé « Can the ‘new generation’find a market abroad ? » (71) se demande si la nouvelle génération des artistes sera capable de s’exporter à l’étranger alors que celle-ci a déjà fait une percée aux Etats-Unis (72) et est très largement écouté au Kenya. L’article kényan du Sunday Review titré « Tanzanians stealing the local show » (73) confirme cette faible connaissance pour la musique de la jeunesse contemporaine de la presse anglophone tanzanienne. En effet, le journaliste développe l’engouement des Kényans pour le nouveau style tanzanien « known as « Bongo Flava »« . Il cite les artistes les plus adulés par la jeunesse kényane : « TID (Top In Dar), Jahmo, Gangwe Mob, Mad Ice. Mad Ice, Mr Nice […] ».
De plus en plus de magazines tanzaniens (Femina, Sportscene, etc.) centrés sur la jeunesse, le sport et la vie culturelle consacrent de longs articles sur la musiki ya kizazi kipya.
Une très forte dynamique médiatique et artistique s’est donc construite autour du hip hop en Tanzanie. Des concerts de Bongo Flava (festivals, compétitions, exhibitions, etc.) sont annoncés presque chaque semaine a Dar es Salaam et dans les villes. Celles qui rassemblent un très grand public et donc les plus lucratives sont, d’après Mister II (74) les villes de Dar es Salaam, de Mwanza, d’Arusha et de Zanzibar.
On peut distinguer différents types de spectacles de hip hop. Les concerts compétitifs décernent le prix du meilleur chanteur de l’année. Nous citons quelques exemples puisés dans l’actualité récente tels que les compétitions Mfalme wa Rhymes, Kilimandjaro Premium Lager Tanzania Music Awards, et ceux qui se présentent comme des fêtes culturelles populaires : Tamasha la Muziki (ou fête de la Musique organisée par l’Alliance Française), Fiesta 2004 (Dar-Mwanza-Arusha), Champion’s day, etc. Il y a aussi les concerts qui sont destinés à inaugurer la sortie d’un nouvel album. Ils peuvent avoir lieu dans une ou plusieurs villes. Tout dépend de l’assise financière de l’artiste, des sponsors qui le financent, de sa place dans le milieu artistique et compétitif. Les artistes les plus commercialisés sont souvent accompagnés par toute une escorte d’artistes venus soutenir ou féliciter un des leurs.
La « mapinduzi halisi ya Bongo Flava » ou la consécration du rap swahili
Durant la période 98-2000, le hip hop tanzanien passe à la vitesse supérieure. Le succès international du rap américain, sa diffusion sur les premières radios privées tanzaniennes et l’apparition de nouveaux studios d’enregistrement encouragent des jeunes artistes à se produire sur la scène.
Les concerts de hip hop dominent rapidement l’actualité musicale à Dar es Salaam ainsi que dans d’autres centres urbains. Il commence à représenter une manne économique de plus en plus sollicitée par les entreprises privées. Depuis, les sponsors privés (qui peuvent être des compagnies telle que la société Coca-Cola, Kilimandjaro, etc. voire des entrepreneurs privés) constituent les plus grosses sources de financement sollicitées par les organisateurs de concerts ou les artistes eux-mêmes.
Suite au succès incontestable du hip hop tanzanien et au développement de l’industrie du disque, les musiques qui avaient auparavant dominé sur la scène musicale tanzanienne sont rapidement dépassées par la vague déferlante du hip hop (75).
Quant aux médias télévisuels, de nouvelles émissions musicales (76) commencent à faire la promotion des premiers vidéo clips des rappeurs tanzaniens (77).
A la fin des années 90, la vitesse de production du hip hop est époustouflante. La vague déferlante du hip hop, selon un jeune fan de hip hop de Morogoro, conquit littéralement toute la société tanzanienne. Aussi bien les anciens que les enfants acceptèrent ce nouveau style musical qui est dans un premier temps reconnu et désigné comme du Bongo Flava. Cette désignation se répand comme une traînée de poudre dans tout le pays. Cette formule est toujours extrêmement galvaudée par les médias.
A l’époque de Nyerere, le substantif « bongo » renvoyait à la capitale Dar as Salaam. Depuis, ce terme a connu un élargissement sémantique progressif. L’introduction de titres de hip hop tanzaniens dans le paysage musical kenyan (78) a brouillé les limites géographiques du terme « bongo ». Ce substantif pourrait aussi englober d’après certains artistes toute l’Afrique de l’Est, terres dans lesquelles le Bongo Flava a réussi à pénétrer.
Dans le milieu du hip hop, Mister II à travers son album « Ndani ya Bongo » sortit en 1996 ; qui signifie littéralement « dans Bongo » ; fut le premier à employer ce mot. Puis en l’an 2000, le groupe Hard Blasters sort un titre qui reçoit l’un des premiers gros succès du hip hop tanzanien. Le leader de ce groupe qui chante depuis quelques années en solo marque un tournant décisif dans l’histoire du hip hop avec son titre « Chemsha Bongo ». Ce titre jouait avec le double sens du mot « Bongo » qui signifie en argot l’intelligence et à la fois, la ville de Dar es Salaam ou par extension la Tanzanie. Le chanteur confesse aujourd’hui dans un entretien publié dans un magazine, The Entertainer, dont la date n’a pas pu être relevée que :
« the song was powerful and the overall performance was incredible. It was something Tanzania had never seen before ».
Cette appréciation pour cette musique quasi-générale est légitimement perçue comme une « révolution » tant la première génération de rappeurs a été dans un premier temps l’objet d’une méfiance voire d’une condamnation très prononcée par un grand pan de la société.
L’interprète de « Chemsha Bongo », actif sur la scène depuis une dizaine d’années, est depuis appelé à travers les médias le « Mwanapinduzi wa Hip Hop nchini » (79). De même, le succès national et intergénérationnel de la musique hip hop consacre l’année 2000 comme celle de la « mapinduzi halisi ya Bongo Flava » soit la véritable révolution du Bongo Flava. Un renversement étonnant d’appréciation s’est donc produit dans l’opinion publique et le monde de la musique. Après des années de méfiance voire de condamnations sévères à l’égard des auteurs de la musique de la nouvelle génération, les représentants du hip hop ont gagné les faveurs de la société tanzanienne.
La formule Bongo Flava est utilisée par certains DJs qui diffusent sur les ondes les titres des programmes musicaux consacrés à la musique moderne. De nos jours, le Bongo Flava revêt des significations très différentes selon les personnes qui l’emploient. Pour les plus vieilles générations, il semble que toute mention au Bongo Flava renvoie à l’ensemble des musiques qui ont été introduites récemment dans le pays, telles que le rap, le R & B. Pour ceux qui sont issus du milieu de la musique (les journalistes, les programmateurs de concerts et les artistes eux-mêmes), le Bongo Flava est considéré comme un style distinct du hip hop (80). Les classifications musicales sont donc mouvantes et dépendent de la manière dont chaque auditeur ou artiste perçoit l’évolution de la nouvelle musique en Tanzanie.
Depuis quelques années, le rap swahili s’est énormément diversifié. Il connaît des mutations constantes. Il explore des genres très différentiés tels que le « hip hop mdundiko« , le rap « cartoon » et le rap swahili « hard-core » (81).
Le hip hop mdundiko a été l’initiative du groupe Mambo Jambo mêlant des danses traditionnellement jouées par les Zaramo lors de cérémonies. Ce style original n’a cependant pas fait d’émules.
Le rap cartoon ou katuni quant à lui est toujours très présent. Le terme anglais « cartoon » renvoie à des histoires de bandes dessinées. Ces chansons sont destinées avant tout à distraire les auditeurs. Mr Nice est l’un des plus grands représentants de ce rap katuni. Il est devenu une star incontestée du Bongo Flava. En effet, ses titres, dont le désormais mythique « Fagilia », ont connu un succès considérable aussi bien en Tanzanie qu’au Kenya. Mr Nice est classé dans la catégorie des artistes qui chantent avant tout pour « kuburudisha jamii« , c’est-à-dire pour distraire autant les jeunes, les enfants que les plus âgés. Son style et sa notoriété en Afrique de l’Est font souvent l’objet de discussions opposant les adulateurs et les plus critiques à son égard, débats qui sont alimentés par les affaires à scandale qui entourent le chanteur (82) et font les choux gras de la presse locale.
Quant au rap swahili hardcore, leurs interprètes développeraient des sujets traitant de la société et des problèmes contemporains.
Une autre fusion très intéressante est apparue sur la scène du hip hop : le Taa-rap que Mangesho (2003) définit comme un « Zanzibar rap version fused with Taarab » (83). La « magie multiforme du rap » évoqué par Arnaud (84) est donc bien palpable à travers l’exemple du rap swahili.
Les différents styles cités ci-dessus n’embrassent pas toutes les formes qui se démultiplient toujours un peu plus chaque jour dans le paysage musical actuel. D’autres styles inédits viennent étoffer les courants musicaux qui composent le Bongo Flava. La chanteuse internationale Ray C s’est fait connaître grâce à son premier titre, « Mapenzi yangu », qui est chanté sur une musique d’influence indienne (85).
De nouveaux groupes tentent de s’imposer en reproduisant les styles de leurs prédécesseurs ou en insufflant un nouveau style. Dernièrement, un nouveau groupe, Akili the Brain, a fait la promotion de son premier tube. L’interprète est un jeune tanzanien d’origine asiatique. L’originalité de ce titre est le mélange encore plus prononcé des genres qui témoigne de la force du hip hop tanzanien, à la convergence de cultures plurielles. Ce groupe entremêle des paroles swahilies avec une musique et une chorégraphie indienne. Depuis la sortie récente du titre intitulé « Nakupenda Regina« , le groupe fait l’actualité musicale des derniers hits du Bongo Flava. La tenue vestimentaire, les mélopées saccadées du rap, la gestuelle corporelle, etc. constituent ces éléments présents dans les nombreux « sub-forms » (Mangesho, 2003 : 17) du Bongo Flava.
Le rap swahili est aujourd’hui reconnu par l’ensemble de la société comme un genre musical à part entière. Lors des concerts, il est fréquent que les artistes soient accompagnés par des danseurs qui se distinguent car reconnus comme des stars dans leur domaine (86). Leur chorégraphie n’emprunte pas seulement au style saccadé du breakdance. Les danseurs qui accompagnent les chanteurs de hip hop adoptent souvent une gestuelle très fluide (87) qui présente de fortes similitudes corporelles avec les danses interprétées par les troupes de percussions ou ngoma za asili.

1. Traduction de Peter Mangesho (2003, p. 145-146) : « I am determined to educate the Tanzanian society, I am determined we don’t want leaders who doze, I am determined so as a Tanzanian […] Tanzanians where are we heading ? Or colonialism wants to come back ? […] This is my job to correct one another. If I keep quiet Tanzania will be finished […] »
2. Ce village appelé Udekwa se situe dans la région d’Iringa. J’entamais les recherches de terrain dans une zone montagneuse relativement isolée.
3. Ce groupe est celui que nous avons cité plus haut : Joni Woka et Ras Lion. Leurs chansons sont connues pour être très critiques à l’endroit des autorités en place.
4. Expression qui signifie littéralement « de la nouvelle génération »
5. Cf « Le chanté-parlé africain » d’Arnaud, 1999. Cet auteur rappelle que ce « chanté-parlé » n’est pas un art exclusivement africain ». Ce « style (intermédiaire entre la diction et le chant), on le retrouve dans le monde entier, des cantillations hébraïques ou islamiques aux invocations des chamanes en passant par la saeta (chant de procession du flamenco) et les récitatifs des Passions de Bach… ».
6. Article paru dans la revue Africultures (1999).
7. Dans le langage de la culture hip hop, l’expression corporelle s’appelle le breakdance ou le smurf. Olivier Cachin dans son lexique de son livre L’offensive Rap (1996) définit cette danse comme une « saccade robotique ou acrobatique ».
8. D’après la définition donnée par Olivier Cachin (1996), le scratch signifie « l’effet sonore obtenu en actionnant un disque d’avant en arrière sur une platine. Le procédé (scratching) est employé par tous les DJs de rap ».
9. Ibid.
10. Clive Campbell d’origine jamaïcaine et futur Kool DJ Herc, est l’un des premiers DJs à organiser dans son quartier des fêtes musicales similaires à celles des Blues Dances de la Jamaïque, et ce, à partir des premiers sound systems, « sorte de discomobile aux énormes haut-parleurs » (Cachin, 1996).
11. L’histoire de son prénom est connue : il l’emprunte à celui d’un chef Zoulou qui avait lutté pour la paix et l’unification des tribus d’Afrique du Sud.
12. Cachin, 1996.
13. Africa Bambataa, Kool DJ Herc, Grandmaster Flash & The Furious Five, etc. font partis de la Old School des années 70-debut annees 80.
14. Le chômage au début des années 80 augmente sensiblement à cause de la récession économique de 1981-1982. L’administration diminue le montant des prestations sociales. Arnaud (1999) note qu’à cette époque les soupes populaires dans les quartiers les plus pauvres de New York ne désemplissaient pas.
15. Tels que Public Enemy, Run DMC (qui chanta son fameux « Walk This Way » avec le groupe de rock Aerosmith), LL Cool J, etc.
16. Le trip hop, le jazz rap, etc. sont ces nouvelles sensibilités qui ont émergé dans la culture hip hop.
17. Avec comme exemples récurrents, la dépendance du prix des matières premières aux marches mondiaux, une vie politique gangrenée par la corruption, une pauvreté accrue dans les campagnes et les villes, l’extension dramatique de la pandémie du sida et ses effets destructeurs au sein des familles, etc.
18. Cf l’article d’Arnaud, « Le « chanté-parlé » africain » (1999) : « […] les débuts du rap africain ont été vraiment pitoyables : au début des années 90, on a vu se pavaner ces piètres imitateurs de leurs lointains cousins […] ».
19. Cf l’article de Denis-Constant Martin sur la culture populaire (2000).
20. Ce terme signifie l’ouverture.
21. Cf Shivji (1975, p. 163) : « The strategy adopted by the post-independance government typically involved inviting foreign investments. The First Five-Year Plan allocated something like 80 per cent of investments to foreign sources ».
22. Cf Perullo dans son article (2003) : « […] foreign music was formerly forbidden under the government’s strict socialist policies ». Cependant, Mangesho (2003) note qu’en dépit des lois destinées à censurer ces musiques, des cassettes piratées des groupes très connus internationalement comme « Grease, ABBA, Boney M and musicians like James Brown » (p. 35) circulaient dans le pays.
23. Terme swahili qui signifie le professeur. Cette assimilation chef d’Etat / professeur était destinée à recueillir l’affection et le respect indéfectible des citoyens à l’endroit du fondateur de l’idéologie socialiste à l’africaine.
24. Cf le discours de Nyerere du 10/12/62 repris dans le livre d’Askew (2002, p. 13).
25. Ibid, p. 14 : « Ngoma, or « traditional dances », are valued for essentializing both « tradition » and the ethnic groups that perform them. At the same time, however, they are subjected to modification to accommodate nationalist goals and objectives ».
26. Askew (2002) traduit le dansi par une : «  »dance » music, or heavily Zairean-influenced urban popular music » (p. 69). La définition de Mangesho (2003) souligne : « the importance of the guitar, the strength of the Democratic Republic of Congo […] jazz influence, the juxtaposition of traditional Tanzanian patterns and relationship with new musical ideas and instruments. » (p. 25).
27. Cf Martin 1983.
28. Cf P. J. Haas et T. Gesthuizen, p. 281 : « Before the period of liberalization and privatization […], rap reached only a limited number of individuals in Tanzania who had special contacts with friends or family living outside the country ».
29. Cette soumission du peuple aux autorités permit de déplacer 80 pour cent de la population lors de grandes Opérations de villagisation lancées par Nyerere. L’idée était d’obliger la population villageoise, dont le peuplement dans les zones rurales était caractérisé par un habitat dispersé, de vivre en communauté pour la faire participer aux travaux agricoles et l’installer auprès d’infrastructures sanitaires et scolaires.
30. En kiswahili : uti wa mgongo.
31. Cf l’excellent article d’Andrew Burton sur l’histoire de ces pratiques d’expulsion de ces jeunes migrants qui déferlaient en ville.
32. La génération de l’ère de Nyerere est la population qui est aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années. D’après elle, les débuts du hip hop n’étaient pas prometteurs car « nyimbo zilikuwa siyo nzuri », « bila maana » (les chansons n’étaient pas intéressantes car dénuées de sens).
33. Le swahili en Tanzanie est la langue vernaculaire qui fut imposée dans tout le pays à l’époque de Nyerere. Sa connaissance et son usage par la quasi-majorité des différents groupes ethniques du pays ont contribué à forger la Nation tanzanienne.
34. Cf l’entretien réalisé en octobre 2001 avec Saleh Jabri et Thomas Gesthuizen et consultable sur le site
www. Africanhiphop.com. Ce site anglophone, financé par une ONG hollandaise, représente une vitrine électronique très riche sur l’actualité de la culture hip hop en Afrique.
35. Extrait d’un article portent sur l’artiste Prof Jay paru dans le magazine The Entertainer (date inconnue) : « […] they (les premiers rappeurs tanzaniens) just mimicked western artists of the day such as Easy E or NWA in general, Cool Moe D, LL Cool J, Public Ennemy, among others. ».
36. Cf le journal bi-hebdomadaire Bingwa paru le 03/06/03.
37. Extrait de l’entretien avec Saleh Jabri et Thomas Gesthuizen.
38. Un journaliste de Bingwa paru le 05/04/02 souligne l’apparence violente des premiers artistes de hip hop qui fut l’objet de vives critiques. Il souligne que la communauté tanzanienne était complètement indifférente à une culture qui, selon elle, ne lui apportait rien : « Wakati wanaanza kina Mr. II na wenzake kama Kwanza Unity ambao si rahisi kutaja mafanikio ya Hip hop […] muziki huo ulikuwa unaonekana kama wa wahuni. Hakuna aliyejali kusikiliza, sababu ulionekana ni muziki wa watu fulani, tena ambao ni wapenda fujo, wavaa vidani puani au sikioni tu, na haukuwa na faida yoyote kwa jamiii ya Tanzania ».
39. Cf Haas et Gesthuizen (2000, p. 283) : « No one thought it possible to write a Kiswahili rap ».
40. L’auteur Olivier Barlet dans l’éditorial d’Africultures consacré à la culture hip hop parle d’une première vague qui aurait vacillé entre un « mimétisme stérile » ou « syncrétisme vivant » (cf son article « Le Défi », octobre 1999).
41. Cf l’article de Perullo (2003) qui met bien en évidence les idéologies sous-jacentes aux choix linguistiques au début du hip hop tanzanien.
42. Cf l’entretien avec Prof Jay paru dans le magazine The Entertainer (date inconnue) : « When I was in form 1, in the 90’s, we slowly started building and moulding our hip hop careers. We structured rhymes and styles, trying to formulate our art and culture through our music. »
43. Ibid.
44. Cf l’entretien entre Saleh J et Thomas Gesthuizen.
45. Cette compétition appelée Yo ! Rap Bonanza est la première à avoir propulsé de nombreux rappeurs sur la scène musicale hip hop tanzanienne aux débuts des années 90.
46. Lors d’un entretien avec Mister II en juin 2004, il nous confirme qu’à cette époque les premières cassettes de rap tanzanien passaient de main en main, faute de distributeurs et de maison de disque intéressées pour soutenir cette musique.
47. Voir le remarquable travail anthropologique d’Askew sur le taarab (1992) qu’elle définit par une « sung Swahili poetry » (p. 69). Elle présente différents styles de musique qui dominaient sur la scène musicale lors de son étude de terrain – soit le dansi, le taarab et les ngoma – en exposant brillamment leur imbrication avec la vie politique de la Tanzanie.
48. Le dansi était considéré par les autorités tanzaniennes comme un genre musical local, propre au pays.
49. Mangesho (2003, p. 39)
50. Ibid : p. 35 : « By 1979 more than 6,000 traditional music and dance groups, 120 Swahili jazz bands, 60 taarab groups, 50 choirs and 30 brass bands were disclosed ».
51. Ibid, p. 36) : « Nyerere might have succeded in preventing Tanzanian music industry from felling into the claws and traps of the big multinational million-dollar recording and distribution companies like BMG, Time Warner and Sony, but enough was not done to protect home artists and their work rights and construct for them a strong and respected music industry ».
52. Ibid, p. 40.
53. Cette expression swahilie est très souvent employée par les médias pour désigner l’ensemble des musiques qui ont une origine extérieure au pays (comme le R & B).
54. Mangesho, p. 46.
55. Les radios les plus connues aujourd’hui sont Clouds FM, Radio One, Radio Uhuru, Times FM, etc.
56. Mangesho (2003, p. 47) cite Snoop Doggy Dogg, Dr Dre, Tupac Shakur et Notorious B.I.G.
57. Nous citons l’ancien présentateur radio Taji Liundi, aujourd’hui manager de Radio Times. Il a par le passé travaillé pour la station privée Radio One, une des premières à avoir cassé le monopole de la radio publique RTD.
58. Mangesho (2003, p. 47) : « According to Mr Liundi, the management of Radio One « which contained a lot of old people » was very reluctant for them to air Swahili rap ».
59. Il est aujourd’hui considéré par ses paires comme le mkongwe ou le vétéran du hip hop tanzanien. Mister II est le premier artiste de hip hop à produire un album de rap swahili.
60. Effectué le 25 mai 2004 à Mwenge. Déj
61. 2000, p. 283.
62. Haas et Gesthuizen (2000, p.283).
63. Extrait d’un article paru dans Bingwa : « Wanafunzi wa secondari mbalimbali wakaudaka muziki huo, ikawa kila matamasha wanashindana kurap » (les étudiants des écoles secondaires- équivalent aux collèges et lycées français- s’emparent de cette musique à chaque fois qu’un spectacle leur donne l’occasion de participer à des compétitions de rap).
64. Cf Mangesho (2000), p. 51.
65. Ibid, p. 52. Nombreux sont les artistes actuels qui furent repérés pour la première fois lors de cette compétition à laquelle assistaient les producteurs de musique. Nous citons : « TID, Solo Thang, Mwanafalsafa, Sister P., Wagosi wa Kaya, Juma Nature, and Da Jo » (p. 52).
66. Nous nous appuyons sur nos observations faites dans le village de Mang’ula qui s’étale au pied de la chaîne de montagnes Udzungwa et dans lequel les kilabu accueillent une clientèle plus régulière comparé au village nettement plus isolé d’Udekwa situé à l’intérieur de cette chaîne, sur son versant opposé. Lors de notre étude de terrain dans ce village, nous avons rencontré d’anciens musiciens qui nous ont exposé les instruments de musique de percussion qu’ils jouaient lors d’événements particuliers au village (mariages, funérailles, etc.). Ces instruments dorment désormais dans les chaumières de leurs créateurs car la génération actuelle ne jure plus que pour la musique moderne.
67. Si plus de 80 pour cent de la population tanzanienne demeure dans les zones rurales, parallèlement le nombre de citadins ne cesse d’augmenter suite à la venue massive et constante d’enfants et jeunes villageois dans les villes.
68. Le nombre de chaînes télévisées s’accroît chaque année. En 1973, à Zanzibar, la première chaîne de télévision fut diffusée (TVZ). Aujourd’hui, on recense plus de neuf chaînes à Dar es Salaam (Mangesho, 2003, p. 55).
69. Cf l’étude de Mwendamseke (2003).
70. Un journaliste du Guardian note qu’un tanzanien sur 5000 utilise internet alors qu’en Europe et aux Etats-Unis, précise-t-il, on compterait un internaute sur cinq. Au regard de la pauvreté qui frappe la majorité de la population tanzanienne, il souligne à juste titre que : « the current interest in bringing Internet to all corners of the country remains ambiguous and not comprehensive » (14/07/04).
71. Paru dans le Sunday Observer du 6 juin 2004.
72. cf l’article « Tanzania music gains popularity in US » d’Eric Toroka et consultable sur le site www. Africanhiphop.com
73. Paru le 19 septembre 2003.
74. Entretien du 03/06/04.
75. Les groupes de dansi congolais ont été détrônés par l’apparition de nombreux groupes de dansi tanzaniens comme Twanga Pepeta, Extra Bongo et bien d’autres qui rameutent toujours autant d’admirateurs lorsqu’ils se produisent sur scène. Par ailleurs, les « classiques » de l’époque des années 70 – les groupes de jazz urbain, de rumba, etc.- sont aujourd’hui revisités et remis au goût du jour. Les artistes qui se lancent dans le Bongo Flava n’hésitent pas à s’en inspirer voire à les réinterpréter. Cf le dossier sur le come back des vétérans de cette tendance musicale paru dans le East African du 10-16 / 05/04 (« We’re back ! Seventies Music is all the rage again »)
76. A noter que la chaîne Channel 5 est dédiée à la musique hip hop étrangère et locale.
77. Bien que la production vidéo ne soit pas encore bien développée en Tanzanie, de plus en plus d’artistes sortent leur clip souvent bien après la sortie de leur titre sur les ondes FM. Prof Jay nous souligne lors d’un entretien l’importance des clips pour assurer une promotion artistique maximale et tenter de s’exporter à l’extérieur du pays.
78. Mais les Kényans semblent affectionner plus particulièrement les chansons « za kuburudisha » d’après Mac D. En effet, les titres les plus en vogue sont ceux d’artistes qui en Tanzanie rentrent dans la catégorie des musiques distrayantes qui ne comportent pas de messages (tels que Mister Nice). Prof Jay qui appartient à deux catégories de hip hop : « yenye historia na ujumbe », celui qui délivre une histoire fictive et celui qui est porteur de messages.
79. cf Kiu du 31 / 05-03 / 06/04.
80. Lors d’un entretien avec Prof Jay (le 25/05/04) celui-ci m’a repris car j’avais associé par mégarde sa musique à du Bongo Flava. Il m’a défini le hip hop tanzanien comme une musique explorant « mambo ya jamii » (les problèmes de la communauté). Il souligne que le hip hop contrairement au taarab est un genre musical « wazi » c’est-à-dire ouvert dont les messages sont livrés au public de manière très explicite.
81. Mangesho (2003, p. 17) énumère ces « sub-forms » en précisant qu’ils ne représentent pas l’ensemble des styles qui se réclament du hip hop en Tanzanie.
82. Un ami burundais nous décrit ce chanteur comme un « charlatan » en faisant allusion aux altercations qu’il eut avec un autre chanteur de rap Dudubaya dans une des boites de nuit les plus connues de Dar es Salaam, le Bilicanas.
83. Mangesho (2003) p. 124.
84. Cf revue Africultures, no 21, l’article « La Préhistoire du rap ».
85. Cf l’article paru dans le magazine Femina de mai-juillet 2004 : « Ray C goes international ».
86. Tels que les fameux jumeaux et danseurs Sunche et Kapeto présents lors de concerts événements (tel que celui de l’artiste solo Dudubaya qui eut lieu à Morogoro le 2avril 2004).
87. La chanteuse Ray C s’est fait connaître pour son style chorégraphique très ondulé. Ceci lui a valu le surnom de la chanteuse à « une taille sans os » (kiuno bila mfupa).
///Article N° : 4090

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