Le Maroc, pays d’influence

Entretien de Marie-Isabelle Merle des Isles avec Daniel Rondeau

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L’exposition L’Appel du Maroc, présentée à l’Institut du Monde arabe jusqu’au 31 janvier, réussit la gageure de se concentrer sur les écrivains. Les mots se lisent plus qu’ils ne se regardent… Pour éviter cet écueil, Daniel Rondeau, commissaire de l’exposition, présente des objets symboles : le sabre de Pierre Loti ou les valises de Paul Bowles. Et ponctue le parcours avec les œuvres de Charles Matton qui, par ses boîtes miniaturisées, sait reconstruire un lieu, une pièce qui l’ont touché, nous permettant d’accéder à l’univers d’auteurs comme Burrough ou Le Clezio. Ses boîtes-atmosphère nous font débarquer à Tanger, pénétrer dans la librairie des colonnes pour demander l’adresse de Bowles avant de le rejoindre dans sa chambre ou rêver de s’installer, pour écrire à son tour, dans la chambre de l’inconnu dans le désert…
Le Maroc – ou, devrait-on dire les Marocs – a fasciné et inspiré des écrivains aussi différents que Michel Vieuchange ou Paul Orand, les Américains Bowles ou Kerouac, Jean Genet ou l’Espagnol Juan Goytisolo… Quels ont été pour cette exposition vos critères de sélection?
D’abord de présenter les figures repères telles que Loti ou Bowles, et que les présents puissent évoquer les absents. Mais une telle exposition ne peut bien sûr être exhaustive. Par contre, le catalogue qui l’accompagne a tenté de l’être.
Pourquoi cet intérêt pour le Maroc ?
Je ne le découvre qu’en 1985, en allant interviewer Paul Bowles qui, à ma question « Pourquoi écrivez-vous ? » me répondit : « Parce que je fais encore partie des vivants » ! A l’époque, il était effectivement oublié et j’ai sans doute contribué à sa résurrection en le republiant aux Editions Quai Voltaire que je venais de fonder. Pourquoi le Maroc ? Parce c’est à la fois l’Orient à la pointe de l’Afrique, inaccessible, inviolé, tel un « Tibet africain », et surtout parce que cet « Orient marocain » est la porte ouverte à la poésie, à un monde de conteurs fabuleux. C’est un pays qui a son rythme propre et qui répond bien au désir d’absolu de beaucoup d’écrivains. Peut-être aussi parce qu’à neuf ans, moi, le petit Champenois, j’ai découvert dans une discothèque municipale de Châlons-sur-Marne la musique arabe. Peut-être surtout parce qu’au-delà de mon désir de témoigner sur mon temps et ses drames – de Beyrouth à Sarajevo – ce qui me passionne, ce sont les mythes et les mythologies dont ce pays, à cheval sur deux mers, à l’extrême de l’Afrique, est rempli. N’oublions pas que ce sont les universités arabes qui nous ont transmis l’héritage grec et que la religion chrétienne est d’abord une religion orientale, que les scènes bibliques et religieuses qui habitent notre imaginaire se situent à Bethléem sur le Jourdain, près de la Mer Morte ou dans le désert, ce désert que l’on retrouve aussi au Maroc et qui va attirer jusqu’à la mort Michel Vieuchange ou Isabelle Eberhardt. Cette exposition est un hommage à ce pays et aussi à Paul Bowles qui, sans le vouloir, me l’a fait découvrir.

Daniel Rondeau est écrivain et journaliste à l’Express. Il est l’auteur de Tanger et d’Alexandrie (Editions Nil). ///Article N° : 1198

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