Le poème est une aiguille de feu

Printemps des poètes

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Hostie de l’hostilité comme un puits tressé dans l’abîme de janvier.
Le livre renvoie les projectiles.
Le livre est une éponge.
Le livre éponge le sang.
Le livre est une raquette et nous marchons dans les neiges fondues.

Vendanges de tous les roués, de tous les rouges, de tous les dehors.
Notre sommeil fermente la poudre.
Il est temps de vider notre couteau, de couler nos contenus de rancune, de poser un rire barillet sur la table … A chaque tour on décapsule un cynisme.
Je brode des bombes en dentelles, roulements à bille et piétinements lacés à ma ceinture,
il n’y a pas à lever une armée de crayons contre les kalachs mais bien à faire passer chaque flux de violence par la tête vive du carbone fossile et déterrer les mots, seule hache de guerre. (Etre viril c’est se vriller dans les courants de l’écrire.)

Poécrimes et tartes à la lettre, les fusils se chargent de mots, de flots bouées et de cadavres.
Je vous parle d’un noel sans père, d’une lune de janvier pelé, glocum dans les veines de l’univers. Les étoiles se figent.

Ma langue, elle, se troue, lierre lambeau enroulé sur des vertèbres de filiations pourries, foulée dans les boues des porcheries de l’histoire post-coloniale.
Je me débite chaque soir et distribue mon corps passoire, vessie-ciguë pour quelles lumières universelles, poumons infestés de grandes idées, branches cassantes, cœur renversé et sur le trottoir des écorces d’humanisme séché, des déclarations de peau.

La règle du feu est simple : il faut se brûler pour connaitre la brûlure.
Plonger le soleil à mains nues sous les bord de l’ouest.
Écrire un texte ouvert comme un ventre sur le ciel, une multitude d’aiguilles phosphorescentes pour indiquer à nouveau le sud.
Et affûter la tempête pour extraire ce lexique que l’on nous a enfoncé il y a longtemps dans la bouche.
Pour que la paix règne le sens devra couler par les deux oreilles.
Notre plume jouxte les braises.

Le poème ne réfléchit pas. Il absorbe la lumière et recrache des boyaux d’énergie.
Il tire, sort, à moitié arrache la langue du pouvoir pour y inscrire ses raclements de gorges.
Il est une aiguille de feu pour coudre des ponts, tisser de bord à bord des hommes et des métiers, cicatriser le ciel.
Le poème est une aiguille de feu pour opérer à vif la réalité, zigzaguer un vivre ensemble et faire sonner nos archipels de dissidence.
A pas de flocons entendre se déplacer la danse.
Le poème est une aiguille de feu pour chasser, chercher par et par le chaos, pour passer sens dessus, sens dessous, hors la glaciation des poitrines, nos voix par le grand mors. Pour fondre les barres dans la fixation des chants.
Le poème est une aiguille de feu sertie dans le grand foin médiatique, plantée dans le tendon de l’appel à la guerre et à la sécurité. (Les pirates surveillent et démontent tout établissement de plans.)
Le poème est une aiguille de feu soufflée dans les forges des dominés, écrasée par tous les systèmes dominants, il en est le perpétuel reste, l’infinie résistance, ce qui reste au sol après que l’on ait fini de le partager, de se définir.
Le poème est une aiguille à tête chercheuse, chercheuse de feu sur les mille points perdus de nos rétines.
Le poème est une aiguille de feu pour éclater la représentation en myridades d’images poétiques. Pour lutter contre la violence implicite de tous les discours, tous les systèmes fussent-ils républicains ou laîques.
Le poème est une aiguille de feu pour découdre le mal et le bien et les faire bals, mien, tien, rebondissants.

Ne jamais donner sa langue au char, toujours revenir sur les lieux du poème.

///Article N° : 12852

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