Danseur et chorégraphe burkinabé, fondateur avec Seydou Boro de la compagnie Salia Nï Seydou, Salia Sanou a pris la direction artistique des prochaines Rencontres de la création chorégraphique de l’Afrique et de l’Océan indien (Antananarivo, 12-18 nov. 2001). Il succède à la chorégraphe et danseuse sénégalaise Germaine Acogny qui a occupé cette fonction lors des deux précédentes éditions.
En tant que nouveau directeur artistique des Rencontres de Tananarive, quelles nouveautés impulsez-vous à cette manifestation ?
Je voudrais tout d’abord rendre hommage à mes devanciers Alphonse Tierou et Germaine Acogny. Avec le soutien de l’association Afrique en Créations, ils ont énormément fait pour le développement et la reconnaissance internationale de la danse africaine contemporaine. Pour ma part, j’ai propose un certain nombre d’aménagements pour les prochaines Rencontres qui vont dans le sens des propositions qui ont été faites à l’issue de la dernière édition :
1) L’installation d’une plate-forme installée dans une rue de Tananarive où se produiront toutes les compagnies sélectionnées. Il est important que les Rencontres s’ouvrent à la population malgache, qu’elles ne restent pas destinées à un petit cercle d’initiés. Le but de cette manifestation est entre autres de susciter des vocations chez de jeunes Malgaches. Les Rencontres doivent devenir un événement populaire.
2) Les prix des lauréats ne comporteront plus d’enveloppes financières. Cette dotation sera partagée entre toutes les compagnies sélectionnées qui recevront chacune 20 000 FF à Tananarive, en plus des 10 000 FF qu’elles auront perçus précédemment pour préparer leur participation au concours. En plus de ces sommes, les trois lauréats bénéficieront de tournées en Europe et en Afrique. Elles seront notamment invitées à se produire en février 2002 au théâtre de Chaillot, à Paris, dans le cadre de la semaine de la danse contemporaine organisée par le chorégraphe José Montalvo et l’Afaa (Association française d’action artistique).
3) Quatre ateliers vont être mis en place : un atelier chorégraphique animé par des chorégraphes membres du jury ; un atelier de management des compagnies, fonction essentielle qui fait cruellement défaut actuellement en Afrique ; un atelier photographique et un atelier-forum intitulé « atelier du regard sur une oeuvre chorégraphique » qui réunira des journalistes culturels des pays des compagnies finalistes et proposera une réflexion sur la critique de pièces chorégraphiques.
Quel est le programme des rencontres professionnelles ?
Plusieurs conférences et débats sont programmés. Notamment la conférence du sculpteur Ousmane Sow, qui présidera les Rencontres, et de Kossi Assou, plasticien togolais, sur l’interpénétration des domaines artistiques et l’importance de la scénographie dans la création chorégraphique. J’ai souhaité qu’Ousmane Sow préside les Rencontres pour plusieurs raisons. D’une part, parce que son travail sur le mouvement est très intéressant. En tant que sculpteur, il peut transmettre aux danseurs un regard neuf sur le corps qui les amènera à le manipuler autrement, à un nouveau rapport à la chorégraphie. D’autre part, parce qu’il a des prises de position importantes : il refuse la ghettoïsation des artistes africains. Parmi les autres conférences, citons celle sur le rôle du Masa par son directeur Manu Yablaih, celle de Germaine Acogny sur l’enracinement de la danse et celle d’Helmut Vogt et de moi-même sur les espaces de création en Afrique.
Il y a deux éditions des Rencontres, vous étiez parmi les jeunes chorégraphes finalistes. Cette année, vous dirigez cet événement d’envergure (le seul concours chorégraphique panafricain). Comment cela s’est-il fait ?
C’est vrai, en 1997, j’ai participé aux Rencontres en tant que candidat au sein de la compagnie Salia Nï Seydou. Nous avons remporté le deuxième prix. En 1999, j’ai été sollicité pour être membre du jury. A l’issue de cette édition, j’ai écrit un projet pour dresser le constat et les perspectives des Rencontres. Je l’ai envoyé à Germaine Acogny qui souhaitait quitter sa fonction. Germaine a proposé que Souleymane Koly (directeur de l’Ensemble Koteba d’Abidjan) ou moi-même lui succède. L’Afaa m’a choisi. J’apprécie que cette institution m’ait fait confiance bien que je sois jeune.
C’est une responsabilité délicate
Oui mais très excitante car elle me donne les moyens de continuer à faire avancer la danse en Afrique. La seule chose qui pourrait me gêner, c’est que le poids de l’institution finisse par prendre le pas sur l’artistique. Je déplore de devoir faire des compromis sur la composition du jury. J’espère être écouté et souhaite la présence de membres anglophones et lusophones en son sein.
Les Rencontres ne sont-elles pas en train de devenir une plate-forme de programmation pour les festivals du Nord ?
C’est en effet le cas. C’est un aspect important car il est essentiel que les oeuvres circulent mais les Rencontres ne peuvent se limiter à cela. Avant tout, elles doivent permettre à des compagnies du continent africain de se rencontrer sans imposer un modèle. Chaque vision doit être respectée, même si elle ne correspond pas à l’idée que l’Occident se fait de la danse africaine contemporaine. Les Rencontres ne doivent pas être une fin pour les chorégraphes africains mais une étape. Avec ou sans elles, le combat doit continuer dans chaque pays.
Comment s’est déroulée la sélection des compagnies finalistes ?
Nous avons reçu 59 cassettes vidéo présentant 20 minutes du travail des compagnies. Dans un premier temps, j’en ai sélectionné 25 seul. Puis un comité de sélection composé des responsables de l’Afaa, de chorégraphes français et africains, de programmateurs et de journalistes ont retenu parmi ces dernières les dix finalistes. Les votes ont souvent été assez unanimes excepté deux cas litigieux : celui de la Côte d’Ivoire avec une pièce présentée par une chorégraphe ancienne membre d’une compagnie lauréate (Tché Tché en 1999), ce qui est contraire au règlement, et celui de la Jeune compagnie malienne dirigée par la chorégraphe haïtienne Kettly Noël. Ces cas se sont aussi réglés par le vote.
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