Les Défis du design africain

Entretien de Virginie Andriamirado avec Balthazar Faye, Cheick Diallo et Kossi Assou

Print Friendly, PDF & Email

Au XVIIème siècle, selon le dictionnaire historique de la langue française, le mot anglais design signifiait « plan d’un ouvrage d’art ». Devenu dans le langage moderne (cf. Petit Robert) « esthétique industrielle appliquée à la recherche de formes nouvelles et adaptée à leur fonction », le design s’inscrit avant tout dans une démarche créatrice et n’a en cela, pas perdu son sens premier.
Le design africain, créateur et novateur, en partie fédéré par l’ADA (Association de designers africains), en est un bel exemple. Ce n’est pas un hasard s’il a désormais sa place dans les manifestations artistiques comme la Biennale de Dakar, d’autant que certains designers comme Balthazar Faye et Kossi Assou sont également plasticiens. C’est donc au nom de la créativité, que notre rubrique arts plastiques s’ouvre ce mois-ci à cet art appliqué. Etats des lieux.
Trois signatures, trois designers, un Sénégalais, un Malien et un Togolais. Les deux premiers, Balthazar Faye et Cheick Diallo, sont installés en France tandis que Kossi Assou vit à Lomé au Togo. Tous trois ont participé à l’exposition de mobilier et d’objets contemporains « la cour africaine » présentée à Lille en novembre dernier dans le cadre de l’Afrique en créations.
Chacun, avec un style qui lui est propre, valorise son héritage culturel, renouvelle les savoir-faire en faisant appel aux matériaux locaux, sans pour autant s’enfermer dans un rapport exotique à l’objet. Au contraire, les designers proposent un nouveau langage qui témoigne de la vitalité du design africain malgré la frilosité des entrepreneurs et le manque cuisant d’unités de production.V.A.

Même si deux d’entre vous sont installés en France, travailler en Afrique comme vous l’avez fait pour « La cour africaine » c’est relever le défi d’un design africain ?
Balthazar Faye : Le défi à relever, c’est de montrer que l’Afrique peut produire autre chose que son artisanat traditionnel, qu’on peut aussi y faire des objets contemporains. Dans le cadre de « La cour africaine », on a travaillé avec des artisans qui ont l’habitude de fabriquer un certain type d’objets, ceux que l’on trouve sur les étals pour touristes. Le but, c’était de les amener à faire autre chose que des babioles, tout en nous adaptant aux matériaux qu’ils ont coutume d’utiliser.
Kossi Assou : Il s’agissait également d’utiliser les structures et les savoir-faire locaux et de rendre possible sur place la reproduction en série des objets. Dès lors que cette production en série est possible sur le continent africain, elle est évidemment possible en Occident où la technologie permet ce type de production. Le challenge à relever en Afrique, consiste à proposer des produits de design qui, compte tenu des capacités locales, soient reproductibles sur place.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?
BF : Elles se sont surtout situées au niveau de la perception des objets à fabriquer. C’est normal, les concepts que nous proposions étaient nouveaux pour les artisans, il leur a fallu un temps d’adaptation. Cela dit, il n’y a pas eu de blocage, les gens étaient très ouverts à nos propositions.
Cheick Diallo: Les artisans africains ont une autre vision de la création, il y a entre eux des codes de conduite, issus de la tradition et maintes fois relatés par les griots, qui restent mystérieux pour les non-initiés. Il faut savoir en tenir compte. Les premiers temps où j’ai travaillé au Mali en tant que designer, je suis arrivé avec mon carnet de croquis. J’ai très vite compris que mes dessins n’étaient pas lisibles pour les artisans. Il a donc fallu mettre en place une autre pédagogie, expliquer l’objet autrement, à travers des maquettes, ce qui nécessitait de ma part une présence permanente, sinon, il y avait des erreurs. Mais finalement les choses se sont bien passées. L’intérêt c’était de créer des synergies de compétences, de faire travailler plusieurs artisans sur un même objet, ce dont ils n’ont absolument pas l’habitude. C’était quelque chose de novateur pour eux. C’est une voie très enrichissante qui mérite d’être explorée.
Dans certains pays, notamment au Mali, les choses sont traditionnellement cloisonnées entre ceux qui travaillent le bois, le fer ou la terre. Avez vous été confrontés à cela ?
CD : Lors de ma première expérience de travail avec les artisans maliens, mon travail a tout d’abord consisté à décloisonner, et ça ne s’est pas fait sans difficultés. Au début, chacun restait dans son domaine. Quand les artisans ont compris l’intérêt qu’ils avaient à s’unir, des synergies se sont créées. Il y a eu une amorce qui, semble t-il, continue à évoluer dans le bon sens. Les « habilitations » traditionnelles à travailler tel ou tel matériau tendent à s’effacer devant l’intérêt d’un projet.
BF : Dans les sociétés traditionnelles, c’est vrai qu’il y a des groupes déterminés à faire tel type d’objets et à employer tel type de matériaux, mais, au Sénégal, je n’ai pas rencontré ce genre de problèmes. Les freins sont plutôt géographiques, les différents corps d’artisans ne travaillant pas à proximité les uns des autres. Ce n’est pas toujours facile de faire venir un fondeur chez un ébéniste, par exemple. J’ai donc été obligé de les amener à être très précis pour que le résultat de chacun puisse s’emboîter ensuite dans le travail de l’autre. Ils n’avaient pas l’habitude de cette façon de travailler. Ils fabriquent généralement un produit de A à Z et ne sont pas habitués à mélanger des matériaux différents. Mais ces petits problèmes pratiques ne nous ont pas empêchés, avec les moyens du bord, d’obtenir des résultats.
KA : A 300 km de Lomé, se trouvent plusieurs villages spécialisés dans la poterie. Ils se sont répartis le travail de telle façon que l’un fabrique des canaris, l’autre des vases, tandis qu’un autre réalise de grosses jarres. Si tu demandes aux villageois spécialisés dans les canaris de fabriquer des vases, ils refuseront. Chacun doit rester dans sa spécialité afin de préserver les compétences techniques mais aussi l’équilibre social et économique.
Au Togo et au Bénin, le problème qui revient le plus se situe au niveau du détournement d’objets et par rapport aux notions de dimensions. Je leur ai, par exemple, fait faire un bougeoir avec une partie métallique utilisée pour le culte vaudou, le Fa. Croyant que cet objet était destiné au vaudou, les artisans étaient curieux de savoir quel était ce Fa qui me demandait cette peu courante combinaison d’objet. Mais au-delà de l’étonnement, j’ai également senti beaucoup d’intérêt.
Quant aux dimensions, les artisans ont des standards auxquels ils ont du mal à renoncer. Une designer d’origine ivoirienne, Valérie Oka, qui travaillait avec nous, a eu des difficultés pour faire passer le concept de certains de ses objets massifs. Mais dès lors qu’ils ont compris sa démarche, il n’y a plus eu de problème. Ces petits blocages au démarrage du projet n’ont cependant pas empêché le travail d’évoluer. Nos artisans ont des capacités indéniables, mais ils se sont limités à reproduire toujours les mêmes objets. Et notre travail consiste aussi à les faire sortir de ce système qui freine leur créativité.
C’est à dire, proposer aux artisans une nouvelle approche de l’objet ?
BF : C’est la proposition d’un nouveau langage. Il y a par exemple en Afrique une autre notion de l’aspect fini. Un objet fini doit être lisse. Quand je faisais travailler les artisans sur des objets déstructurés dont je voulais que la « peau » reste brute, ils ne comprenaient pas que je veuille le laisser ainsi. Ce n’est qu’en voyant l’objet monté qu’ils changeaient d’avis. Ils prenaient tout d’un coup conscience qu’un truc qui n’a l’air de rien, une fois organisé d’une certaine manière, peut devenir quelque chose. Un artisan de Dakar qui au début ne comprenait pas le sens de ma démarche, a fini par me demander de former son fils.
KA : Apporter un nouveau langage, c’est faire accepter qu’un porte-CD, comme celui fait par Valérie Oka, ou des étagères comme j’ai eu à en réaliser aient une facture de bois brut dont on a gardé l’écorce. Je me souviens d’une chaise d’enfant réalisée par le designer ivoirien Issa Diabaté, les artisans s’étonnaient de constater qu’elle n’était pas vernie, qu’Issa laisse le métal évoluer en s’oxydant. Pour eux, il fallait enlever la rouille, vernir, peindre le métal. Ils étaient déstabilisés par la démarche qui bouleversait leurs repères esthétiques.
CD : Ce bouleversement se produit aussi bien dans l’aspect des matières que dans la fonction des objets. J’ai travaillé sur une salière en argent et j’ai donc fait appel à un bijoutier. Jusqu’à la fin de l’opération, il ne savait pas à quoi était destiné cet objet dont il a cru un temps que c’était une broche. Lorsque je lui ai dit qu’il s’agissait d’une salière, il ne voulait pas me croire. Il n’en revenait pas d’avoir pu consacrer tant de temps à un objet destiné à ne recevoir que du sel ! Parce qu’il a un blocage sur la destination des objets, un bijoutier ne va plus sortir de ses bijoux. Au Mali comme les artisans sont habitués à travailler par catégorie, il y a certains objets qu’ils estiment ne pas être « dignes » de leur catégorie. Amener les artisans spécialisés à s’orienter vers d’autres produits, c’est aussi un combat à mener par les designers africains.
Les entrepreneurs locaux sont-ils partants ?
BF : Ils ont des habitudes et il n’est pas simple de les changer. Les entrepreneurs ne veulent pas prendre trop de risques en s’orientant vers de nouveaux concepts. Le rôle du designer est de les convaincre.
CD : Certains sont ouverts à condition de leur expliquer le projet et ses enjeux. Cela dit, les entreprises qui travaillent avec les designers se comptent sur les doigts de la main. La plupart ont tendance à faire la même chose. Il n’y a rien pour fédérer ni favoriser la création. Aujourd’hui, je travaille avec des artisans isolés que j’essaye de regrouper autour d’unités de production, de fédérations d’artisans afin qu’ils puissent travailler ensemble. Quand un produit nécessite l’intervention de trois ou quatre artisans différents qui ne sont pas dans le même quartier, il leur est difficile de produire en grande quantité. Seules les unités de production peuvent permettre de produire en quantité tout en préservant la qualité.
BF : Si le problème n’était que celui de la distance entre les ateliers, on pourrait le résoudre par la précision, mais c’est surtout en matière d’équipement qu’il y a des carences énormes. En même temps, la production artisanale confère à l’objet une facture qui est intéressante. Le traitement de sa surface va être différent, on parle d’ailleurs de la peau de l’objet. Quand l’objet est industrialisé, l’approche n’est plus la même.
Y a-t-il un marché pour les objets de design en Afrique ?
CD : La question qui se pose lorsqu’on travaille en Afrique, c’est de savoir pour qui. Qui faut il convaincre ? Est-ce l’Occident ? Quand on regarde le succès rencontré par certains produits africains en Occident, on s’aperçoit que c’est un marché qui est déjà convaincu. Le marché à convaincre, c’est le marché intérieur qui importe des produits « design » et qui ne consomme pas ses propres produits. On a des matières premières, des savoir-faire qui sont en train de disparaître. L’Afrique a besoin de ses designers qui eux-mêmes ont besoin des entrepreneurs pour pouvoir lancer ce marché. Les premiers à convaincre sont donc les décideurs locaux. Lorsque je travaille au Mali, ma stratégie consiste à créer des objets dans lesquels le Malien peut se reconnaître. Il faut choisir des images fortes, des objets traditionnels dont on recycle quelques traits pour en faire un autre objet. C’est déjà une première approche. En procédant par étape, on peut arriver à convaincre les décideurs qu’il est important de mettre l’accent sur des unités de production, d’organiser l’artisanat pour qu’il puisse mieux répondre aux exigences du marché, qu’il soit intérieur ou international. Les artisans maliens sont demandeurs dans la mesure où ils ont le souci d’améliorer leur travail et de l’amener dans la bonne direction. Mais si le malien n’est pas convaincu de ce qu’il a chez lui, il ne vendra jamais rien à l’extérieur.
BF : le contexte sénégalais est différent. Il y a déjà des gens qui font du mobilier en essayant de donner une image plus contemporaine des meubles mais c’est plus de la copie. Il y a un style design nommé comme tel mais souvent d’un goût discutable. Lorsque je travaille en Afrique, ma démarche n’est pas de réaliser des choses qui ne vont s’adresser qu’au marché africain, je veux que ça s’adresse à tout le monde. En cela, ma démarche diffère de celle d’un designer africain qui fait des tabourets bas, parce que ce n’est pas partout que l’on s’assied bas. La culture occidentale d’assise ayant été exportée partout dans le monde, si je veux m’adresser à un maximum de gens, je vais concevoir des choses qui peuvent être utilisées partout. Il y a un langage universel qui existe, essayons de l’utiliser. Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de créer de l’authentique en me détachant le plus possible d’un modèle, mais en même temps, de ne pas le faire de façon trop brutale pour qu’on arrive encore à lire ce qui a précédé, pas seulement en Afrique, mais aussi en Occident.
KA : Il y a des capacités réelles chez les artisans et un énorme marché potentiel de plus de quatre millions de personnes. Des choses sont proposées à ce marché mais elles ne sont pas adaptées, elles sont un peu dépassées. Le rôle du designer, c’est d’améliorer et d’adapter ces objets aux besoins du moment. Quand on va au Burkina, sur les marchés de Ouagadougou ou de Bobo Dioulasso, il y a des gens qui fabriquent des objets, des tabatières, des cendriers dans une démarche qu’on pourrait qualifier de récupération, et en même temps, il y a un savoir-faire qui est là. Comment arriver à améliorer ces produits ?
Encore récemment, ceux qui avaient un pouvoir d’achat élevé avaient tendance à acheter « occidental », sentez vous un revirement de situation ?
KA : Les choses évoluent depuis quelques temps, même s’il y a des phénomènes de mode, comme au Sénégal, qui font que les gens vont s’équiper de chaises à l’occidentale. Le fait est qu’ils ne les utilisent pas forcément dans leur quotidien. Tout le fond du problème est là ! Quand il est question de manger vraiment, les gens continuent à utiliser les tabourets bas que l’on trouve un peu partout en Afrique. De même au Bénin, au Ghana ou encore au Burkina Faso, pour être dans la mouvance, les gens, que ce soit en milieu urbain ou rural, achètent des fauteuils ou des chaises rembourrés, parce qu’ils les ont vus sur les images télé en provenance de l’Occident. Le villageois achète la chaise, mais il ne l’utilise pas. Elle est juste décorative et surtout signe d’acquisition de bien matériel. Au fond, il n’a pas besoin de ce type de siège qui n’est pas forcément adapté à son environnement.
BF : En achetant ces chaises, ils achètent une image. De même en Europe, quand on achète du Starck (Philippe Starck, célèbre designer français). Le problème, ce n’est pas que le consommateur ait envie d’un fauteuil « occidental », le problème c’est qu’il n’arrive pas à s’asseoir dedans. Ce n’est pas forcément parce qu’il a l’habitude de son tabouret qu’il laisse de côté son fauteuil, c’est parce qu’il a acheté un objet mal confectionné donc inconfortable. Et c’est là que nous devons intervenir.
CD : Même s’il y a une évolution, l’interlocuteur principal reste le marché occidental vers lequel tout converge. Quand Bernard Pivot a fait une émission au Mali pour France 2, les Maliens avaient installé de gros fauteuils sur le plateau de télévision. Pivot n’en a pas voulu. Il est allé au marché et a choisi des fauteuils en bambous qu’on appelle « fauteuil du pauvre » dont les finitions ne sont pas toujours bien faites. Depuis que ces fauteuils ont été vus sur une chaîne de télévision française, le nouveau snobisme à Bamako c’était d’avoir ces fameux fauteuils du pauvre. Tout ça parce qu’il y a eu une sorte de caution extérieure, occidentale, qui dit : » ça c’est bien »…
BF : Si le président du Mali fait la même chose, il porte aussi caution.
CD : Oui, le problème, c’est que le président du Mali malheureusement ne le fait pas, ni celui du Sénégal. Quand on a lancé l’idée du mobilier national au Sénégal, c’était pour aller à l’encontre de ça.
Comment s’inscrit votre travail à l’échelle internationale dans le cadre de manifestations réunissant des designers internationaux, comme la Biennale Internationale du Design de Saint Etienne ?
BF : Ça dépend. Je ne fais pas exactement la même chose quand je suis en Afrique que lorsque je suis en Europe. Ma démarche est différente, ne serait-ce qu’au niveau de la matière. Je ne vise pas une esthétique particulière. Je pars d’une fonction, d’une forme qui m’inspire.
Le vrai sens du design fait intervenir d’autres choses qui ne se limitent pas au design. Le designer est là généralement pour être au service d’une structure. En fonction de l’entreprise interlocutrice, le travail va prendre les accents de cette entreprise. Si je travaille pour une entreprise qui fait du meuble de confort, je dois respecter cette image. Par contre, quand je travaille seul et que je cherche des choses, je suis beaucoup plus libre et ce que je vais concevoir correspondra à mon langage du moment.
CD : Ce n’est pas le rôle du designer de se spécialiser dans une zone géographique déterminée. Quand on est designer, on est designer, point. L’inspiration peut changer au gré des projets mais il ne faut pas s’enfermer dans l’enveloppe du designer africain ou autre. Nous sommes appelés à travailler selon les circonstances et au gré des projets.
Mais justement lorsque vous donnez libre cours à votre propre langage, est-ce que l’Afrique revient en écho ?
BF : Pas l’africanité que l’on croit, au sens où je ne vais pas travailler sur le masque qu’on va mettre au mur. L’Afrique a créé des canons puis il y a eu une rupture. Mais petit à petit, on est revenu à ces « canons premiers » que l’on a cherché à recopier. Ce qui est intéressant, ce n’est pas l’aspect esthétique de ces canons mais les conditions dans lesquelles ils ont été créés. Le travail aujourd’hui consiste à recréer des conditions qui permettent la création de nouveaux canons. Ce n’est pas dans les petits signes extérieurs qu’on va percevoir l’africanité d’un objet, c’est dans tout le processus de création qui est à l’origine de cet objet. Le but n’est pas de faire un objet africain, sous peine de s’enfermer dans un carcan, mais de faire du bon travail. Je suis africain, je n’ai pas besoin de le prouver puisque ça transpire quoique je fasse !
CD : Je ne veux pas jouer à « l’africain », mais c’est important pour moi qu’on reconnaisse en voyant mon travail au Mali qu’il a été réalisé sur place. C’est un choix, on ne peut pas se voiler la face, on a besoin d’une identité. Dans mon travail, je fais toujours en sorte que l’objet que je conçois, même si je travaille en Occident, puisse être reproductible au Mali.
BF : Oui mais ce n’est pas une question d’identité. Le fait que l’objet soit reproductible au Mali ne lui donne pas son l’identité malienne.
CD : Tout n’est pas reproductible au Mali, il n’y a pas de structures adaptées à certains objets. L’identité s’inscrit dans la façon de façonner les objets. Le touareg malien ne travaille pas de la même manière qu’un forgeron du Sénégal. C’est bien une culture qui est mise en avant. C’est donc identitaire.
BF : Ce n’est pas au designer de donner une identité géographique à l’objet. C’est à l’artisan. Tu fais faire une table au Mali et l’autre en France à partir du même dessin : il n’y en aura pas une qui sera meilleure que l’autre, mais tu sentiras laquelle a été faite au Mali et laquelle a été réalisée en France. Dans ce sens-là, il y aurait une identité. L’aspect identitaire, je le vois un peu là : dans la finition, le choix des matériaux.
CD : Les artisans sont porteurs d’une culture dont ils sont les gardiens. Ils ont des savoir-faire qui s’expriment dans la finition, la facture de l’objet. C’est cette facture qui m’intéresse. Aujourd’hui, qu’est ce que je peux puiser dans ces cultures pour pouvoir faire un objet contemporain ?

///Article N° : 1976

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Les images de l'article
Maxou de Cheick Diallo, couteaux, 2000, ébène, argent, 20x2x2cm © DR
Koly de Cheick Diallo, lampe de chevet, 2000, bronze, 47x20x27cm" © DR
Anastase, de Balthazar Faye, table ronde, 2000, sapelli massif ciré, 75cm ; diam. : 120 cm © DR
Sans titre, de Balthazar Faye, chaise empilable, 2000, bois rouge sapelli, 80x42x50cm © DR





Laisser un commentaire