L’univers des mots

Biennale des écritures théâtrales africaines francophones à Conakry

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Après être tombé dans le chaudron de l’écriture dramatique grâce à deux stages organisés à Conakry puis à Cotonou, le jeune slameur et journaliste guinéen, Bilia Bah, a pu profiter de deux résidences d’écriture à La Comédie de Saint-Étienne puis à Paris, au Théâtre de l’Aquarium (en 2010). C’est là qu’il a pu achever sa pièce, Les châteaux de la ruelle (qui a depuis été créée avec succès à Conakry, dans une mise en scène de Souleymane Bah).

Des résidences d’auteurs « accompagnées »
Les résidences d’auteur de théâtre francophone de l’Aquarium (2 par an, de 2 mois chacune) ont la particularité d’être « accompagnées » par le formidable collectif A mots découverts (animé par Michel Cochet), rassemblant comédiens et metteurs en scène qui se sont spécialisés dans le « coaching » d’auteurs de théâtre en cours d’écriture : travail régulier à la table, puis, quand le texte est très avancé, chantier « Encre fraîche » au plateau, où la pièce est éprouvée depuis la place de l’interprète, en situation de jeu. Ainsi, à chaque étape de l’écriture, la pièce est questionnée, éprouvée, critiquée, mais toujours pour permettre à l’auteur(e) d’aller au bout de son projet, de son rêve d’écriture.
De retour en Guinée, Bilia Bah a voulu réinventer à sa manière ce type d’accompagnement d’auteurs, dont il a pu bénéficier à l’Aquarium, et qui lui a tant apporté, pour en faire profiter ses confrères écrivains : heureuse initiative, dans un continent où la formation théâtrale est quasi inexistante – et la formation à l’écriture théâtrale pas même imaginable… Il a donc conçu une biennale d’écriture africaine francophone, L’univers des mots, dont la première édition vient tout juste de se dérouler du 31 mars au 19 mai 2012, à Conakry.
De la page au plateau
Après un appel à candidature à travers toute l’Afrique francophone, et une sélection par un comité de lecture franco-guinéen, trois heureux élus sont venus en résidence à Conakry, pour écrire durant six semaines une nouvelle pièce, en profitant de l’accompagnement de metteurs en scène-dramaturges et d’une mise à l’épreuve au plateau de la pièce quasi achevée, grâce au concours de comédiens professionnels. C’est ainsi qu’ont été invités Édouard Elvis Bvouma (Cameroun), Mikhindé Dalindé et Hakim Bah (Guinée), qui ont travaillé sous le regard de Souleymane Bah (Guinée) et de François Rancillac (France), lesquels ont ensuite dirigé les chantiers Encre fraîche avec six comédiens de Conakry, pour essayer, éprouver, critiquer les trois pièces quasi achevées. Fort de toutes les questions soulevées par les interprètes au plateau, les trois auteurs se sont remis à l’ouvrage et ont pu finaliser leur écriture : ainsi sont nées Un péché si mignon d’Édouard Elvis Bvouma, Rev’Evolution de Mikhindé Dalindé et L’Instant d’Hakim Bah.
À jeune théâtre, jeune public
Soucieux de promouvoir la jeune écriture contemporaine africaine, Bilia Bah est également conscient qu’il faut en transmettre le goût à un nouveau public et notamment parmi les jeunes. C’est pourquoi les trois pièces achevées ont été données en primeur en lecture publique à des lycéens, dans plusieurs établissements de Conakry. Malgré la difficulté des textes, des thèmes traités et l’austérité de la lecture publique (textes en main, sans les agréments d’une mise en scène avec scénographie, costumes, lumière, etc.), les trois pièces ont été écoutées avec une formidable attention, vive et concentrée, qui a surpris plus d’un adulte ! Avec de belles discussions, à la suite de chacune de ces lectures.
Une soirée de clôture au Centre culturel franco-guinéen, sous l’égide de l’Institut français et du ministre de la Culture et du Patrimoine de Guinée, a permis à un plus vaste public d’entendre les trois pièces d’affilée. Un jury franco-guinéen (rassemblant artistes et décideurs) qui a suivi toutes les lectures, a désigné ensuite la pièce jugée la plus pertinente : son choix s’est porté sur Un péché si mignon d’Édouard Elvis Bvouma (Cameroun), qui sera donc produite et créée la saison prochaine au CCFG.
Une aventure à suivre
Cette première édition de L’univers des mots, coordonnée par la compagnie La Muse de Bilia Bah (avec le soutien financier de l’Institut français de Paris et de Conakry, du Centre culturel franco-guinéen, de l’OIF, de l’Association Beaumarchais/SACD, du Théâtre de l’Aquarium, et avec l’appui du Tarmac (Paris), du Festival des Francophonies (Limoges), de Monique Blin (Écritures en partage), d’À mots découverts), a donc été un vrai succès. Les trois auteurs ont fait des pas de géant dans leur pratique de l’écriture, grâce à ce dialogue mené constamment avec les metteurs en scène et les comédiens : la qualité des trois pièces en profite de toute évidence.
Reste à promouvoir ces textes et leurs auteurs, pour qu’ils trouvent d’autres lecteurs, des éditeurs, pour que des artistes de la scène s’en emparent et leur donnent vie. Reste à inventer une véritable éducation artistique en Guinée (comme ailleurs…), pour donner le goût du théâtre (par l’écoute des textes et par la pratique amateur, encadrée par des artistes professionnels) aux jeunes (et à leurs enseignants). Ce n’est qu’ainsi qu’un nouveau théâtre africain pourra trouver son public d’aujourd’hui et de demain. Un vaste chantier en perspective…
Prochaine édition de L’univers des mots en 2014.

Retrouvez Bilia Bah et la compagnie La Muse sur [facebook]///Article N° : 10778

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Les images de l'article
Habibatou Bah et Omar Manet lisant L'Instant d'Hakim Bah devant les élèves de terminales du lycée Hamdalaye, à Conakry. © François Rancillac
Rev'Evolution de Mikhindé Dalindé. Lecture au Centre culturel franco-guinéen de Conakry. © François Rancillac
Les trois auteurs en résidence - Hakim Bah, Édouard Elvis Dvouma, Mikhindé Dalindé - et la comédienne Fatoumata Sagnane. © François Rancillac





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