Les musiques de l’Océan Indien sont essentiellement rythmées par des rythmes afro-malgaches, indiens, afro-caraïbéens et européens. Ces rythmes perdurent depuis le XIX ème siècle. Ces apports sont toujours présents mais sous des formes différentes. En effet, ils sont en constante évolution par les rencontres avec d’autres genres musicaux, l’exportation des musiques et les tendances du marché.
La musique est en passe de devenir très vite en enjeu émergeant pour les pays de l’océan Indien qui voient l’intérêt de promouvoir l’exportation de leurs musiques à travers des manifestions régionales, voire internationales. Ces festivals sont ainsi très prisés, notamment des artistes malgaches. Certains d’entre eux comme le Donia de Nossy Bé à Madagascar, se sont même créés et font une percée surprenante. Il fête cette année sa dixième édition. Malgré le peu de moyens dont il dispose, il attire l’attention des programmateurs européens et prend une envergure internationale. L’édition 2003 se déroulera du 5 au 9 Juin.
La musique, enjeu artistique, se transforme ainsi rapidement en enjeu financier, voire politique. D’une part, les artistes world music malgaches sont traités en ambassadeurs de leur pays. Rossy et Jaojaoby étaient présentés en interviews croisées sur la crise 2002 dans des media internationaux. Eux, comme d’autres, étaient produits sur les scènes extérieures au pays pour exprimer leurs points de vue au moment où la scène des actualités mondiales n’accordait pas beaucoup de place au sujet.
D’autre part, autour de la musique fonctionnent de véritables systèmes de productions qui bien souvent appartiennent à des réseaux internationaux. Les rênes en sont aux mains de multinationales (Sony, Virgin, BMG
) qui sont soucieux de répondre aux attentes des consommateurs de plus en plus ciblées et métissées. La particularité du genre est mise en exergue par ces productions. C’est l’apogée de la » Musique World » dont la tendance malgache utilise surtout l’envergure de diffusion.
Pourquoi l’attrait du marché international pour la world musique malgache ? La réponse à cette question dans l’océan Indien est sans doute à chercher dans les nuances qui séparent le terme » ethnique » d’ » ethnic « . La musique à caractère ethnique se réfère à des cultures identitaires où les rythmes convergent vers les musiques traditionnelles. Les musiques » ethnic » au contraire, empruntent des rythmes aux musiques traditionnelles et sont » habillées » pour être ensuite audibles par un public européen. Il s’agit bien du concept de la World Music.
L’habillage des musiques traditionnelles pour un public européen, voire international, réside dans des apports électro-pop qui permettent à ces publics de musiques métissées de découvrir des musiques d’ailleurs sans être perdus en termes sonores. Autrement dit, le public est garant du succès de la World Music, conditionnée et formatée pour un public friand de » musiques du monde « , classification que l’on découvrira dans les grands magasins de disques.
Ce concept de musiques métissées plaît et fait vendre. Il est exploité à profit. Néanmoins, même si les artistes n’ont pas cette intention de création, cela peut être » perverti » par des structures qui se servent de ce courant pour faire tourner l’industrie de la World Music . Il faut rappeler que les perspectives d’avenir sont limitées pour les artistes s’ils ne composent pas avec ce système.
La World Music malgache fait une percée sur la scène internationale car elle rentre dans cette classification des musiques du monde qui revêt un caractère » ethnic « . Même si l’ethnic défausse les musiques traditionnelles malgaches à caractère ethnique, il peut, sans doute, susciter l’intérêt d’un public moins conditionné par le marché du disque pour des musiques traditionnelles malgaches. Serait-ce aussi un apport malgache à une certaine forme d’universalité musicale ?
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