Maputo rythmes en jonglages

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La pièce de jonglage musical de Thomas Guérineau, Maputo Mozambique, tourne déjà depuis deux ans sur les plateaux de théâtres d’Europe et d’Afrique. Sur scène : six artistes mozambicains jouant une suite polyrythmique autour de techniques de jonglage apparentées à des pratiques rituelles. Fort de son succès, le spectacle poursuit sa route en cette fin d’année 2015.

Dans l’atmosphère feutrée d’une scène évoquant un antre, les jeux de lumière se figent sur les corps de six artistes en mouvement. Ces corps forment la matrice de la pièce de Thomas Guérineau, Maputo Mozambique créée en 2013 : ensemble, ils sont le rythme, le son, le mouvement. En file ou en ligne au-dessus de tambours qu’ils ne frappent jamais de leurs mains, en cercle autour de balles ou de sacs plastiques, les corps et les voix de ces jongleurs se croisent, dans une progression polyrythmique. Construit sur des variations incessantes de jonglage musical, le jeu des artistes n’est pas, volontairement, théâtralisé, mais davantage ritualisé. Car les techniques de jonglage servent ici la musicalité intuitive des artistes mozambicains. Volonté du metteur en scène, mener ainsi les hommes « à un état physique proche de celui qu’ils connaissent dans certains rites traditionnels ».
Chacune des partitions musicales jonglées dessine une onde. Lentement, les artistes se fondent, l’un improvisant un jonglage et un rythme vocal, l’autre mimant ses mouvements en jeu de miroir derrière sa silhouette, tel un Chiva à 4 bras, jusqu’à laisser une balle tomber dans sa main et prendre doucement la place du premier. Ces transitions savantes se déclinent à chaque thème, autour de techniques de jonglage rythmique de balles en l’air, de balles roulées au sol, des chants polyphoniques et des improvisations dansées. À l’image de cette scène où, rassemblés autour d’un tambour-foyer, les six hommes se relayent une parole chantée en même temps qu’ils se passent une massue de main en main, après son rebond sur la percussion. Dans un moment de grâce, des sacs plastiques dont l’orange incandescent rompt avec la sobriété de la scène, passent d’une main à l’autre au rythme de voix façon beatbox. Objet d’un quotidien, le sac plastique est ici détourné dans une exploration au plus fine de ses modulations sonores. De la même manière, les rhombes, ces instruments à vents ancestraux à base du frottement de l’air ambiant, sont manipulés pour provoquer, encore, la rencontre entre un corps, un objet et un son. Cet hyperréalisme emprunté à l’art plastique a été finement recherché par Thomas Guérineau, depuis les débuts de cette partition circassienne, en 2010, à Maputo.
Le directeur du Centre culturel franco-mozambicain de la capitale (CCFM), à l’époque Patrick Schmitt, voulait impulser la naissance d’une discipline artistique circassienne à Maputo. Invité à ce titre, Thomas Guérineau, fondateur de la Maison des Jonglages de La Courneuve en Ile de France, artiste qui s’est formé à la célèbre école Fratellini, propose un stage. Il ne s’attendait pas aux 40 enthousiastes qui accourent. À son terme, 6 artistes intègrent finalement le projet. Ils sont ce soir sur la scène du théâtre de l’Agora d’Evry : Dimas Tivane, José Joaquim Sitoe, Ernesto Langa, Dercyo da Carolina Alvaro Panze, Vino Valdo et Lourenço Vasco Lourenço. Le jonglage musical pratiqué par Thomas Guérineau depuis plus de 10 ans a trouvé un écho avec les jeux de rythme familiers des artistes mozambicains. Aussi, l’écueil d’une telle pièce pourrait être une tendance folklorisante. Pourtant, la liberté d’interprétation des artistes, qui ont composé les chants, semble préservée, et se dégage de Maputo Mozambique la poésie et la puissance d’une onde humaine.

Prochaines dates en 2015 :
Le 13 octobre à 20h30 au Théâtre Paul Eluard, Bezons (95)
Le 16 octobre à 20h30 au Théâtre des Sources, Fontenay-aux-Roses (92)
Pour la programmation 2016, lire ici///Article N° : 13252

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Les images de l'article
© Lysiane Dany-Ruinet
© DR





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