Murmures

Férid Boughedir : « Qui tire profit de la diffusion d’images doit contribuer à soutenir le cinéma »
décembre 2013 | Projets culturels | Cinéma/TV | Tunisie
Source : Jeuneafrique.com

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Par Renaud de Rochebrune / Jeuneafrique.com
Engagé en faveur de la coopération Sud-Sud, le cinéaste tunisien entend faire du Fonds panafricain du cinéma et de l’audiovisuel, créé en juillet, une machine à promouvoir le 7e art sur le continent.

Réalisateur de Halfaouine et d’Un été à La Goulette, critique et historien des cinémas du Sud, le Tunisien Férid Boughedir se veut aussi, voire avant tout, défenseur du cinéma africain. Il a fondé avec un groupe de militants du septième art le Fonds panafricain du cinéma et de l’audiovisuel (FPCA), dont il a été élu président du premier comité exécutif. Né en juillet 2013 à Tunis, cet organisme entend favoriser l’essor, en Afrique, d’un cinéma de qualité qui soit économiquement viable. Entreprise raisonnable ou nouveau serpent de mer dans un secteur hélas sinistré ?

Jeune Afrique : À un moment où, sur le continent, la plupart des pays ne produisent au mieux qu’un ou deux films par an, l’objectif du FPCA de relance du cinéma africain n’est-il pas utopique ?

Férid Boughedir : Je serais moins pessimiste que vous. Parfois, un unique film peut susciter dans un pays une sorte de révolution bénéfique pour tous les cinéastes. Il a suffi qu’Un homme qui crie, du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, entièrement financé par la France, soit sélectionné en compétition officielle à Cannes, en 2010, et y remporte un prix pour qu’on décide, à N’Djamena, de créer un Fonds de soutien au cinéma national alimenté par 10 % des recettes de la téléphonie mobile. Lorsqu’ils possédaient encore un nombre suffisant de salles, le Burkina Faso et la Tunisie, suivis par le Maroc puis pour une courte durée par le Cameroun et le Sénégal, avaient été pionniers en apportant un soutien à leur cinéma national. Ils n’avaient pas mis à contribution les caisses de l’État, mais prélevé un pourcentage sur les ventes de tickets pour alimenter un fonds. Ce n’est plus possible. Il faut donc aujourd’hui, comme le font la France ou l’Espagne, mobiliser des ressources en mettant à contribution l’ensemble du secteur audiovisuel, fournisseurs d’accès à internet inclus. Le Maroc a montré l’exemple. En ne prélevant que 5 % des recettes publicitaires des télévisions au profit du cinéma, il a réussi à décupler le nombre de films du pays, devenu le premier producteur du continent.

D’où vient cette idée de fonds panafricain pour le cinéma ?

Le FPCA voudrait aboutir à la concrétisation d’un rêve, celui de ces deux grands pionniers du cinéma africain que furent le Sénégalais Ousmane Sembène et le Tunisien Tahar Cheriaa. Tous deux ont fondé en 1970, à Tunis, la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci). Et ils voulaient que se crée une solidarité Sud-Sud entre les pays africains nantis et les autres. Pour compléter et même remplacer à long terme la coopération Nord-Sud, qui a certes permis l’existence d’un grand nombre de films d’Afrique subsaharienne. Le groupe de militants qui vient de créer le FPCA, après trois ans d’efforts, comprenait des personnalités de toutes origines, parmi lesquelles Alimata Salembéré, cofondatrice du Fespaco et ancienne ministre de la Culture du Burkina Faso, l’historien Elikia M’Bokolo (RD Congo) ou encore Ahmed Bedjaoui, le « Monsieur Cinéma » de l’Algérie devenu expert audiovisuel international. Peut-être des idéalistes, mais tous des gens habitués à agir.

Pourquoi le FPCA a-t-il été fondé par ce groupe et non par la Fepaci ?

La Fepaci, dont j’ai été un membre fondateur, est le véritable initiateur du projet.

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