Impressions de Montréal lorsqu’on vient d’un pays en guerre.
» Mon histoire est celle de l’itinérance. J’ai quitté le Tchad pour étudier la sociologie en France mais je n’ai pas pu rentrer chez moi à cause de la guerre. Et ce sont ces recherches en sociologie qui m’ont conduite vers la peinture. C’est devenu une passion à laquelle j’aimerais pouvoir me consacrer entièrement. En fait, tout a commencé lors d’un retour au pays. Je me promenais dans les villages et j’ai constaté qu’il n’y restait que des femmes seules avec leurs enfants, souvent en bas-âge. Plus je vieillis plus je constate que je me retrouve souvent avec des femmes seules. En Afrique, elles ont perdu mari et fils à la guerre, et ici, elles ont divorcé ! Et cette image de la solitude me hante même si je ne la vis pas, celle des femmes aussi. Le résultat est limpide : beaucoup de mes tableaux évoquent des femmes seules !
Le Québec est un laboratoire ouvert sur le monde. Pour moi, c’est l’extase. Quand je me rends à l’un des festivals qui se tiennent l’été en plein air, au cur du centre-ville, j’ai les yeux grand ouverts. Il m’est arrivé qu’un vieux monsieur asiatique vienne me parler… Ici, les gens se parlent. C’est rare dans une métropole aussi importante. Et puis, pendant les festivals, de vieilles dames arrivent avec leur siège pliant. Elles s’installent et papotent avec leur voisine du jour. Elles ne viennent pas pour fêter quelque chose, elle viennent pour le seul plaisir de voir du monde qui vient de partout et qui s’amuse. Que des jeunes soient là, je comprends, mais les vieux, vraiment c’est magnifique. Ce sont aussi leurs visages que j’ajoute à ma peinture. La prochaine étape sera de montrer les Africaines marchant dans la neige avec leurs petites chaussures ! Peut-être pour expier le fait que chaque hiver, mon cauchemar commence ! «
Nodji D est arrivée à Montréal en 1995. ///Article N° : 717