La musique de Nawal, chanteuse comorienne, est spirituelle. Elle s’inspire des derviches (les sages) qui pratiquent des « dhikri« , une forme de respiration rythmique accompagnant la prière commémorative des morts illustres. C’est aussi une musique festive. Sur fond de polyphonie rythmique développée par divers instruments traditionnels et soutenue par des voix de femmes, la chanteuse se distingue aussi par la pertinence de ses textes à travers lesquels elle lance des messages d’amour et d’espoir, parle de son pays. On remarquera le délicieux « Ces gens-là« , reprise de J. Brel, une version relevée aux épices africaines.
Mohamed Bangoura est un maître tambour guinéen. Donc capable de décrypter les langages des tambours. Les percussions et chants des Baga, sur les côtes de l’océan Atlantique, entre le nord-ouest de Boké et la presqu’île de Kaloum, sont d’inspiration spirituelle. Le chant et la musique baga s’illustrent surtout par les voix de femmes rythmées par les percussions des hommes. L’album est né de la rencontre entre Mohamed Bangoura et Baba Keïta, chef d’orchestre et lui aussi maestro des rythmes africains. Un album sacré.
Sonny Rollins est le dernier grand ténor vivant de la belle époque du jazz, celle où les musiciens s’affrontaient, armés de leurs instruments, à coups de notes graves et aiguës. L’artiste âgé de 71 ans propose un album aux accents West Indies, teintés de calypso et de bossa, accompagné entre autres de Jack Dejohnnette à la batterie, de Stephen Scott au piano et de Bob Cranshaw à la basse. Le saxophoniste, partagé entre le jazz traditionnel et les rythmes swinguant de la Caraïbe, choisit de nous faire danser sur six titres étonnamment longs (une moyenne de 7 minutes pour chacun). Un Sonny Rollins heureux.
Rachelle Ferrell se distingue par la qualité de sa voix : on lui accorde assez volontiers six octaves. Ses deux précédents albums, « First instrument » en 1990 et « Rachell Ferrell » en 1992 présageaient une grande carrière et un succès assuré. Mais voilà que l’artiste à la voix la plus accomplie, imaginative et émotionnelle de cette décennie, comme l’annonçait Billboard Magazine, disparaît de la scène musicale. Elle réapparaît après huit ans d’absence sous la direction de son mentor George Duke, qui lui concocte un album sur mesure. Un album soul qui traduit ces huit années de réflexions. La chanteuse y est moins brillante que dans les précédents, mais sa voix est intacte.
Seta Touré fut un des leaders des Touré Kunda, avec lesquels il a réalisé « Salam » en 1990 et « Sounké » en 1991. Séparé du groupe, il médite sur ses traditions, la manière de les défendre et démarre une carrière solo en 1995 avec « Africa« , un album sincère et engagé. Son nouvel album est dans la même verve, mais demeure peu convainquant. L’artiste a du mal à se détacher des sonorités et du style propre à Touré Kunda. On remarquera au passage la présence de son fils membre du groupe Touré Touré, Daby Touré, justement pour apporter un souffle nouveau à sa musique. « Boundi » est un premier jet, mais là encore, l’empreinte Touré Touré est visible.
Marier la musique corse à la musique capverdienne. Une expérience ? Un concept à but lucratif ? On aura du mal à croire que cet album est né d’une rencontre spontanée. Toujours est-il que le guitariste et chanteur corse Charles Marcellesi s’en est allé au Cap Vert pour trouver l’inspiration et à Lisbonne pour l’enregistrement de cet opus, avec la participation de Boy Ge Mendes. Des ballades et des mornas hybrides, sur des mélodies corses assez légères. Une rencontre péninsulaire difficile à digérer.
« Un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle« . Cette phrase d’Hampâté Bâ illustre la mémoire africaine qui se meurt, la perte des traditions. Chanter pour survivre, chanter pour exister. Telle est l’histoire de Mama Mombala racontée par Man D’Dappa sur une musique métisse, qui n’a d’africaine que les voix de la chanteuse centrafricaine Marlène Ngaro et des choristes. Oscillant entre le jazz fusion et les rythmes africains, il est parfois difficile de suivre le groupe, dont c’est le deuxième album. Un style musical qui reste à peaufiner.
Gilberto Gill n’est plus à présenter. Multi-instrumentiste (guitare, violon, accordéon) innovateur, il a inspiré toute une génération de musiciens au Brésil. La sortie de chacun de ses albums est véritablement un événement dans son pays. Pourtant, la qualité de l’oeuvre qu’il propose est en-deça des capacités artistiques de l’artiste. La musique paraît moins soignée que les textes toujours aussi pertinents et accrocheurs, et la qualité de l’ensemble s’en ressent. Tom Capone, qui a assuré la direction artistique de cet album, n’a peut être pas su tirer le meilleur de l’artiste. Dommage.
Steve Coleman est un mutant. Pour d’autres, il apparaît comme l’enfant terrible du jazz, qui suscite des interrogations à propos de sa musique. L’album qu’il propose, loin d’être un résumé de ses vingt dernières années d’expériences, élève la musique à une nouvelle dimension, celle de la création et de l’interprétation de son environnement. Le souffle du fils spirituel de Charlie Parker explore une nouvelle ère à travers des acrobaties rythmiques et des harmonies déroutantes, et propose une voie où ceux qui ont le courage de s’aventurer découvrent une musique lumineuse.
///Article N° : 1822







