De nombreuses villes françaises n’ont pas attendu une loi pour créer des espaces de participation démocratique ouverts à tous. Au-delà du droit de vote des étrangers aux élections locales, elles se sont posé la question de la citoyenneté de tous leurs habitants. Focus sur deux villes : Paris et Strasbourg.
La ville de Paris compte 215 000 étrangers extracommunautaires. Même s’ils ne disposent pas du droit de vote aux élections locales, ils peuvent s’impliquer au sein de l’Assemblée des Citoyens Parisiens Extracommunautaires (ACPE). Créée en février 2010, cette instance remplace l’ancien Conseil de la Citoyenneté des Parisiens Non Communautaires (CCPNC) qui existait depuis 2001. L’ACPE se réunit une fois par mois en réunion de bureau, et une fois par an en plénière, dans la salle du Conseil de Paris. Ses 106 membres représentent les assemblées de leur arrondissement respectif. L’ACPE présente des rapports et propositions au conseil municipal de la Ville. L’instance planche actuellement sur son premier rapport. Les sujets abordés ? L’accès aux services municipaux et le co-développement.
Un conseil à part
Roger Yoba, 59 ans, de nationalité camerounaise habite Paris depuis 15 ans. Il a participé à la mise en place de l’assemblée dans le 20e arrondissement. « Il n’existait rien. Mais je suis encore un peu frustré. Notre devise est : « Tous parisiens, tous citoyens ». Mais nous restons un Conseil parallèle. Je voudrais être citoyen à part entière, et pas entièrement à part ». Pour lui, l’instance est donc appelée à disparaître avec le droit de vote des étrangers aux élections locales. Malgré les limites pointées, Roger Yoba est fier des projets menés au sein de l’ACPE notamment concernant les foyers de travailleurs migrants. « Un rapport va être remis au Conseil de Paris : que veut-on faire de ces foyers ? Des ghettos ou les ouvre-t-on sur le quartier et la ville ? Derrière cette question, c’est un projet de société qui est en jeu ». Idem pour la prolongation des horaires de nuit de la RATP : « La plupart des utilisateurs sont des travailleurs migrants. On s’est demandé comment leur faciliter la vie. On a obtenu la prolongation du trafic d’une heure et l’amélioration du Noctilien. On essaie de changer les choses par petites touches »
Strasbourg : être plus forts, ensemble
À Strasbourg, le Conseil des Résidents Étrangers (CRE) a été mis en place dès 1993. Dissous par la droite en 2001, il a été réinstauré en 2009. Avec quelques améliorations, comme l’explique Anne-Pernelle Richardot, adjointe au maire en charge de la citoyenneté : « On a décidé d’ouvrir le CRE aux résidents à titre individuel, car les associations ne pouvaient plus représenter tout le monde. On a aussi changé le mode d’élection. Pas par nationalité, de façon méprisante, mais sur la base d’un programme et de listes constituées ».
Le CRE interagit réellement avec le conseil municipal. Les commissions du CRE peuvent auditionner un adjoint. Ce fut le cas pour la commission Logement : elle a réussi à placer un membre du CRE dans le conseil d’administration du plus gros bailleur de la ville. La commission Culture a aussi soumis 15 propositions à l’adjoint à la Culture, toutes adoptées. Une commission mixte a également été créée, composée du bureau du CRE (13 membres) ainsi que d’élus de la majorité et de l’opposition. Des initiatives à faire connaître !
Bien d’autres villes françaises ont également été précurseurs dans la participation des étrangers non communautaires aux élections locales. Le rôle de ces municipalités aura été déterminant pour faire avancer l’idée de ce droit en France.
Un Conseil national et européen pour les résidents étrangers
Le premier congrès du Conseil Français de la Citoyenneté de Résidence (Cofracir) s’est tenu en avril 2011. Pour peser dans le débat public sur la citoyenneté des étrangers il regroupe 13 municipalités. À l’échelle européenne, une trentaine de villes, dont Strasbourg, font parties du réseau CLIP (Cities for Local Integration Policy), une émanation du Conseil de l’Europe.///Article N° : 12599