Fiche Personne
Théâtre Cinéma/TV Littérature / édition

Mohamed Choukri

Ecrivain/ne
Maroc

Français

Écrivain marocain arabophone (1935-2003) qui vivait à Tanger, une ville qui occupe une grande place dans ses écrits

Mohamed Choukri est né en 1935 à Beni Chiker, dans le Rif (Maroc).

La misère pousse sa famille à émigrer vers Tanger en 1942, puis vers Tétouan et Oran. Il retourne ensuite s’installer seul à Tanger.
Sa langue maternelle est le berbère (rifain). Il n’apprend à lire et à écrire l’arabe qu’à l’âge de 20 ans. Il devient instituteur, puis professeur, après avoir été élève de l’École Normale et se met à l’écriture. Il est découvert, publié et traduit grâce à Paul Bowles. Sa première nouvelle paraît en 1966, il collabore ensuite régulièrement à des revues littéraires arabes, américaines et anglaises. À la même époque, il fréquenta aussi Jean Genet et Tennessee Williams. C’est le premier volet de sa biographie Pain nu, traduit en anglais par Paul Bowles qui le fait connaître d’abord dans le monde anglo-saxon, puis en France grâce à la traduction (en 1980) de Tahar Ben Jelloun de cette ?uvre devenu un livre-culte. En raison de la censure, ce livre ne paraîtra au Maroc qu’en… 2000.
Pain nu a été adapté au cinéma par Mohamed Rachid Benhadj, (Italie-France-Algérie, 2004) avec Saïd Taghmaoui, Faycal Zeghadi, Bilel Lasini, Sana Alaoui.

Il a obtenu le prix de l’amitié franco-arabe en 1995. Mohamed Choukri est mort à l’hôpital de Rabat le 15 novembre 2003 des suites d’un cancer.

« À l’origine de « l’aventure » de Mohamed Choukri, se trouvent trois défis (apprendre à lire et à écrire, sortir de cette classe écrasée et enfin sublimer sa vie à travers l’écriture), beaucoup de lectures des grands noms de la littérature de ce siècle et la fréquentation d’écrivains tel Jean Genet le père spirituel dont il a hérité la fureur de la transgression, Paul Bowles, Tennesse Williams… Choukri a voulu faire partie, depuis le début de la famille de la littérature mondiale.

« Je me suis aperçu que l’écriture pouvait aussi s’avérer une manière de dénoncer, de protester contre ceux qui m’avaient volé mon enfance, mon adolescence et une partie de ma jeunesse. C’est à ce moment seulement que mon écriture est devenue engagée ». Et puisque le pain des gens est politisé, écrire pour en parler ne saurait qu’être un engagement « politisé ». Selon l’écrivain, « l’écriture est un pouvoir qui n’est pas extravagant ».

Les écrits de Choukri lui ont valu l’exaspération des conservateurs dans plusieurs pays arabes où son roman a été interdit et l’estime des jeunes marocains et des lecteurs occidentaux. « Il existe, dans la société marocaine, une faction plus conservatrice. Ce sont ces personnes qui jugent mes ?uvres perverses. Dans mes livres il n’y a rien contre le régime. Je ne parle pas de politique ni de religion. Mais, ce qui agace les conservateurs, c’est de constater que je critique mon père. Le père est sacré dans la société arabo-musulmane ». »
(extrait d’un article de Abderrahmane Amzelloug, Le Matin du Sahara, 11 novembre 1999).

« Jamais il ne s’est adapté à la vie. Il cultivait son aspect d’écrivain errant et sauvage. Poursuivi par les fantômes d’une enfance marquée par la brutalité, le manque de tout et par la mort, il se réfugiait dans la lecture des classiques et dans l’écriture. Il ne s’est jamais rangé, suivant en cela l’exemple de Jean Genet, qu’il avait connu à Tanger dans les années 1960 et qu’il agaçait. Genet n’aimait pas être pris pour une idole.
« N’empêche, Mohamed Choukri s’entêtait à survivre dans la marge, abusant du tabac et de l’alcool, continuait à écrire sa vie en nommant les choses crûment. C’était un personnage sans famille, sans attache mais entouré d’amis. Il avait de l’humour, me disait dernièrement être plus fort que le mal qui le rongeait et ajoutait en riant et sans y croire que « tout ça c’est ta faute, tu n’aurais jamais dû me sortir de mon trou ! » C’était notre façon de rire ensemble. Un personnage dérangeant qui va manquer aux lettres arabes. » »
(témoignage de Tahar Ben Jelloun recueilli par Patrick Kéchichian, Le Monde, 18 novembre 2003)
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