Peter Mc Kenzie, photographe

Le collectif prime encore sur l'individu

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« Deux photographes, un Blanc et un Noir, étaient sur la scène de l’un des premiers necklacing en Afrique du Sud. Un pneu a été enflammé autour de la tête d’une femme soupçonnée d’espionner pour le compte de la police. Le Blanc, Greg Marinovitch, a remporté un prix Pulitzer. Le Noir, Walter Dadla, a été voir un psy. Il n’a pas pu se résoudre à prendre la photo. C’était trop dur pour lui. » Peter McKenzie, 46 ans, résume ainsi toute la différence qui marque encore, à son avis, les photographies blanche et noire en Afrique du Sud. Ce photographe métis a été l’un des fondateurs de l’agence Afrapix, en 1983. Opérant en semi-clandestinité pour le Conseil des églises sud-africain, Afrapix, petite soeur d’Afrascope (pour les films), a été aux avant-postes de la lutte contre l’apartheid avec les syndicats. « Nous vendions nos photos pour 1 rand à nos clients, le plus important était le syndicat des étudiants. Le pays était en ébullition, c’était l’état d’urgence. La police faisait tout le temps des descentes, j’ai perdu beaucoup de négatifs comme ça, confisqués. »
La lutte ayant longtemps été l’unique raison d’être de son travail, Peter McKenzie a été confronté, comme d’autres, à une sérieuse remise en question après 1994. « Nous avons alors commencé une introspection que nous ne pouvions pas nous permettre avant. » Enseignant au département de photojournalisme à l’Institut du développement du journalisme à Johannesburg, Peter Mc Kenzie a encore du mal à dire « je ». Commissaire d’une exposition de cinq photographes sud-africains en 1998, à Bamako, pour les Rencontres de la photographie africaine, il se reconnaît mieux dans un « nous » collectif.
Il vient d’achever un immense travail d’équipe sur les enfants de l’an 2000 en Afrique du Sud. Pour cette commande passée par la présidence de la République, il a rassemblé douze photographes de toutes origines : quatre Noirs (Motlhalefi Mahlabe, Ruth Motau, Andrew Tshabangu, Sydney Seshebedi), quatre Blancs (Jodi Bieber, Chris Ledochowski, Thys Dullaart, Anna Zieminski), quatre Métis (Cedric Nunn, Kathy Muick, Rafique Mayet et lui-même). Un choix « politiquement correct » pour un résultat renversant. Qu’elles révèlent les avancées ou les lacunes de la transformation en cours, les images d’enfants glanées à travers le pays sont bouleversantes, au-delà de leur simple beauté plastique. Pour Peter McKenzie, le plus important est que l’esprit communautaire des années de lutte ait été ranimé. « La force de notre photographie vient du fait que nous soyons ensemble, dit-il. Nous conceptualisons bien plus ce que nous faisons, nous nous demandons ce qu’est notre héritage, la culture, l’unité de la nation et notre rôle dans le processus en cours« .

///Article N° : 1867

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