Poésie camerounaise d’expression française : les pionniers

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Dans ce Cameroun de grand avenir
Chacun de nous veut devenir célèbre;
Chacun désire que son souvenir
Demeure vivant parmi les ténèbres.
Chacun de nous veut devenir célèbre
Et cherchant nuit et jour que son seul nom
Demeure vivant parmi les ténèbres.
O mensonge, tu nous sers de canon !
Louis-Marie Pouka

Une poésie qui vient à l’existence se marque. Elle se sépare. Elle fixe son territoire par des traces. Ces traces, ce sont des noms, des signes, des horizons, le fatal surgissement de figures et de trajectoires sur une grève rougeoyant d’un sable inconnu. La genèse se vide de toutes ses fondamentales connotations si elle est anonyme. Il faut d’abord tendre le torse des noms inventeurs dans notre pays de ce que Sartre a appelé la « parole de jais » (la poésie) : Issac Moume Etia, Elolongue Epanya, Ngandjion Thomas alias Job Nganthojeff, Pouka Mbague Louis Marie, Eloundou Ladislas alias Oudenlou Rehymont, Tsoungui Ngono Vincent Alias Tsino, Alima Ernest Alias St-Eral, Medou-Mvomo Remy-Gilbert, Ombede Philippe Louis alias René Philombe, Onguéné Bernard, Nyunaï, Jeanne Ngo Maï, Charles Ngande, Engelbert Mveng… et toute la ruée des paroliers de l’aurore dont la haute clameur s’élève de l’autre côté du Mungo et dont nous n’avons, de ce côté du Mungo, que de vides échos en raison d’une terre séparée d’elle-même par le legs colonial et ses avatars contemporains…La poésie camerounaise écrite : les pionniers. C’est un corpus à la fois maigre et vaste, insignifiant et emblématique, qui déploie dans un même élan scripturaire et mystique, les vivants et les morts, les oubliés et les traqués, mais qui nous enseigne qu’entre être et créer, s’énonce toujours la nécessité des racines, l’enseigne des proscrits, la démesure de l’imaginaire, l’impératif des racines, la répression des désirs, la fantaisie des pseudonymes, l’inégalité des destins, l’audace des résonances et l’ampleur nominale des mots. Ecrire les pionniers, quel plume pourra regorger de tant d’encre pour produire une telle pyramide ? Ecrire les pionniers. C’est mettre en procès. C’est créer une querelle irréparable, tenter la carte d’un territoire dont on sait d’avance les limites impossibles. Est-ce en français ou en anglais, en forêt, en steppe ou en savane, en ombre ou en lumière, en feu ou en eau, qu’il faut écrire nos pionniers, ces soldats sans armes qui, les premiers, se livrèrent en pâture au mortel front de l’écriture poétique, impardonnable métier qui livre ses ouvriers plus qu’il ne les sauve ? Ecrire les pionniers, écrire les pionniers…Pour que la mémoire et l’oubli parviennent enfin à la croisée des chemins.

///Article N° : 4179

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