Quand les campagnes politiques favorisent l’émergence du racisme

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Le think tank Graines de France a publié un rapport au mois d’octobre 2012 soulignant les dérives racistes et xénophobes des dernières campagnes présidentielles et législatives. La saturation du débat public par des thèmes comme l’immigration contribue à faire émerger une forme de racisme.

Le dernier baromètre Ifop des personnalités préférées des Français réalisé en décembre 2012 place une fois de plus une personnalité issue de l’immigration à sa tête : Omar Sy, né d’un père sénégalais et d’une mère mauritanienne. Juste derrière lui arrive l’humoriste Gad Elmaleh, suivi de Yannick Noah et de Jamel Debbouze en quatrième position. Tous sont nés de parents étrangers.
Et c’est là bien tout le paradoxe de la société française. Ce classement intervient alors que les préjugés racistes, qui n’avaient cessé de diminuer au profit d’une tolérance accrue, connaissent depuis quelques années une recrudescence. C’est le triste constat que fait la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans un sondage réalisé en 2011. Près de la moitié des personnes interrogées estimaient alors que l’immigration était la principale cause d’insécurité dans le pays (soit 4 points de plus qu’en 2010) et 70 % que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale ».
Diversité ethnique et stigmatisation dans les campagnes électorales
Ce paradoxe se retrouve d’ailleurs lors des campagnes présidentielles et législatives de 2012 selon une publication du think tank Graines de France spécialisé sur les quartiers populaires et indépendants de toute formation politique. « La mise en avant de la diversité ethnique et en même temps, la diffusion de discours stigmatisant certaines populations », ont caractérisé les campagnes présidentielles et législatives peut-on lire dans le rapport [Altérité, racisme et xénophobie dans les campagnes présidentielles et législatives de 2012] publié au mois d’octobre de la même année.
Pour analyser les discours politiques, Graines de France, fondé en 2010, a réalisé un monitoring de la presse écrite et audiovisuelle du 1er janvier 2011 jusqu’au second tour des élections législatives, en juin 2012. L’objectif étant de comprendre le rapport à l’Autre dans les discours des candidats à la présidence et à l’Assemblée nationale. Le rapport conclut ainsi que malgré la victoire de la Gauche, il ne s’agit pas de baisser la garde en termes de racisme et de xénophobie. Si le thème de l’altérité est traité de « façon moins frontale » que dans les années 1980-1990, « la référence aux étrangers, aux immigrés, aux musulmans » est un élément explicatif des problèmes sociaux selon les discours politiques.
Le développement de la « figure du musulman »
Le racisme se manifeste davantage à travers une saturation du débat public par certains thèmes plutôt que par des « petites phrases ». Pour Graines de France, « cette évolution conduit à faire émerger une grille divisant la population entre’eux’ et’nous’, principalement les Français et les autres, contribuant à développer un racisme ».
Le rapport constate également que la figure de l’immigré nord-africain s’estompe, au profit de celle du musulman. La religion étant un thème de plus en plus présent et clivant. Par ailleurs, les appartenances sociales, de genre, de localité ou encore d’âge sont ignorées au profit d’une catégorisation culturelle, ethnique ou encore religieuse.
Les thèmes phares de la campagne ont principalement été impulsés par le Front national qui a vu son électorat augmenté. La campagne de Nicolas Sarkozy qualifiée « d’épicée », a convergé à plusieurs reprises avec celle du FN. Les immigrés y étant désigné à travers plusieurs thèmes comme le durcissement des critères de régularisation pour les étudiants étrangers, le vote des étrangers extracommunautaires aux élections locales et l’amalgame entre délinquance et immigration.
Graines de France regrette que la Gauche se soit pour sa part positionnée en réaction aux thèmes imposés par l’extrême droite et la droite républicaine. Si le Parti socialiste a effectivement dénoncé certains propos stigmatisant, pour autant il n’a pas déconstruit les principales catégories du débat public, usant de thèmes comme la « diversité » et le « multicultiralisme ».
En fait, ce que le rapport reproche aux hommes politiques de droite comme de gauche, c’est de ne s’intéresser uniquement à l’ethnicité tout en reconnaissant que « les appartenances multiples sont une richesse et qu’elles doivent être prises en compte ».
Dès lors, pour reprendre Édouard Glissant, il revient aux hommes politiques de résoudre cette problématique de comment être soi-même sans se fermer à l’autre et comment s’ouvrir à l’autre sans se perdre soi-même. L’enjeu étant de taille. Et pour paraphraser une nouvelle fois l’auteur antillais, la réponse se trouve sûrement dans l’abandon de l’idée que « l’identité d’un être n’est valable et reconnaissable que si elle est exclusive de l’identité de tous les autres êtres possibles ».

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