Comment comprendre les rôles et les enjeux des frontières ? La nouvelle expo du Musée de l’histoire de l’immigration du 10 novembre au 29 mai, interroge « les limites et leurs limites « . Afriscope a rencontré Catherine withol de wenden, une des commissaires de l’expo Frontières.
» Des frontières, il y en a toujours eues. Mais c’est la définition du mot qui a évolué et ne se fixe plus sur les mêmes enjeux « , explique la sociologue et politologue Catherine withol de wenden. L’exposition « Frontières » dont elle est co-commissaire, avec l’historien Yvan Gastaut, se divise en trois espaces : le monde, l’Europe et la France. Photos, interviews, cartes, témoignages, archives, livres
plus de 250 objets réunis pour comprendre l’histoire, les enjeux et les effets pervers des frontières, ces barrières que les hommes ont toujours créées entre eux. « La peur de l’invasion a toujours été présente. que ce soit avec le mur d’hadrien face aux Barbares à l’époque romaine ou la Muraille de Chine qui nous montrait qu’au-delà, c’était l’inconnu « , documente la spécialiste en migrations internationales. Les frontières plus récentes sont aussi documentées, notamment au Maroc, en hongrie et
en France. Mayotte et la Guyane française détiennent actuellement le record des reconduites à la frontière.
Alors qu’a-t-on appris des erreurs de ces murs construits par le passé ? L’expo « sur les limites et leurs limites » donne à voir les paradoxes des frontières. À commencer par leur artificialité. Produit de la construction de l’identité elles ont par le passé fait en sorte que des populations, qui n’ont pourtant jamais bougé, ont changé plusieurs fois de nationalité comme les habitants de l’Alsace et de la Lorraine, tour à tour français puis allemands. Les frontières comme construction politique donc. Et c’est dans cette optique que des barrières sont aussi tombées. Des traces du mur de Berlin effondré en 1989 sont ainsi exposées.
Liberté de circulation ?
Place alors aux espaces régionaux de libre circulation en Europe, en Afrique de l’Ouest ou en Asie qui les redessinent. » C’est aussi un moyen de redire, explique la commissaire, que ces mêmes espaces étaient des zones de conflits dans le passé. » L’espace Schengen en Europe a été créé dans l’idée de retrouver la paix, la prospérité après la Seconde Guerre mondiale. Or, les tensions migratoires actuelles remettent en cause ses principes de mobilité. « Donner l’accès à certains et le refuser à d’autres a donné naissance au trafic du passage, aux sans-papiers, aux morts aux frontières, au travail irrégulier, aux centres de rétention
« , explique Catherine withol de wenden. Mais « plus les frontières seront fermées, plus il y aura de trafics « , insiste-t-elle. Des photos de Bruno Boudjellal illustrent ces propos avec sa série » Les paysages du départ « . Actuellement, malgré la mondialisation et la libre circulation des biens tant vantée, » les gens ne se rendent pas compte que les deux tiers de la planète ne peuvent pas circuler librement, insiste celle qui est aussi une militante du droit à l’immigration. Les frontières sont destinées aux pauvres, mais pas aux gens riches qui n’ont aucun souci de visa ! » L’installation » Carte de séjour » du plasticien Barthélémy Togo montre cette souffrance de la migration et de la clandestinité. Actuellement, plus de 16 millions d’individus sont obligés de fuir leur pays pour échapper à la persécution en raison de leur race, de leur religion ou de leurs opinions politiques. Interpeller l’opinion publique avec matière à réflexion pour l’avenir est l’enjeu de cette expo : « Bientôt ce seront les problèmes environnementaux qui susciteront des déplacés auxquels on ne pense même pas encore ! » Et Catherine withol de wenden de conclure : « C’est un problème archaïque, et qui prendra autant de temps à être résolu que l’abolition de l’esclavage «
Où et quand ? Du 10 novembre au 29 mai, l’expo Frontières au Musée national de l’histoire de l’immigration. Du mardi au vend. de 10h à 17h30. Sam. et dim., de 10h à 19h / 6 / 293 avenue Daumesnil Paris 12e///Article N° : 13303